La coordination nationale des syndicats de l’éducation nationale n’est pas du tout contente de l’attitude du gouvernement dans les négociations qu’elle mène en vue de l’application de l’accord de janvier 2018.
Sans rompre le dialogue, elle demande aux enseignants de suspendre les évaluations, histoire de mettre un peu plus la pression sur le gouvernement et l’amener à l’amener à plus d’audace dans les discussions.
En attendant d’y revenir, nous vous proposons la déclaration faite le 3 décembre à la faveur d’une conférence de presse.

Le 14 septembre 2018, la CNSE organisait une conférence de presse pour faire le point de la mise en œuvre du protocole d’accord signé entre elle et le gouvernement le 27 janvier 2018. A l’occasion, elle s’est interrogée sur la bonne foi du gouvernement à respecter les engagements qu’il a pris. Plus de deux mois après ce constat et 11 mois après la signature du protocole, quel bilan peut-on faire de l’application des points d’accord ?
De toute évidence, de nombreux et importants engagements sont, soit non mis en œuvre, soit exécutés de façon parcellaire. Un état de fait qui traduit une attitude de démagogie de la part du gouvernement.
Ainsi, le premier des engagements qui porte sur l’« adoption d’un statut valorisant des personnels de l’éducation et de la recherche » indiquait que « en attendant l’aboutissement de ce processus, le Gouvernement s’engage à :
 octroyer une bonification d’un échelon à tout le personnel du MENA pour compter du 1er janvier 2018, avec constatation de l’effet financier à partir du 30 septembre 2018 ;
 créer les emplois des administrateurs d’établissement et des personnels de laboratoire dans un délai de trois (03) mois, à compter de la date de signature du protocole ».
A la date d’aujourd’hui, aucun de ces engagements n’est mis en œuvre. Le gouvernement affirme d’ailleurs qu’il n’y a pas de base légale pour octroyer la bonification d’échelon aux personnels de l’éducation et de la recherche. En ce qui concerne le statut valorisant sur lequel les travailleurs de l’éducation nourrissent un grand espoir, les travaux de son élaboration ont été suspendus après deux sessions de discussion à Koudougou à la demande de la partie gouvernementale pour, dit-elle, rendre compte au gouvernement. Les blocages sur la question se rapportent aux aspects ci-après :
• La nomenclature des emplois à disposer pour les différents ordres de l’éducation ;
• La prise en compte de l’ensemble des personnels déjà existant sur le terrain dans le nouveau statut ;
• Le relèvement du niveau de recrutement pour tous les ordres d’enseignement.
Mesdames et messieurs de la presse ;
Sur cette question spécifique, la CNSE a été conviée le vendredi 30 novembre 2018 pour recevoir les réponses du gouvernement relatives aux préoccupations ayant conduit au blocage des discussions de Koudougou. A notre grand étonnement, avant même que la CNSE n’ait eu le temps d’arriver à son siège pour analyser ces nouvelles propositions, le gouvernement convoquait une conférence de presse pour dévoiler ce contenu. Une telle attitude aux antipodes des principes de base de négociation est l’expression du peu de crédit que le gouvernement accorde au dialogue social qu’il chante pourtant à longueur de journée. Qu’est-ce qui a motivé cette conférence de presse ? Si l’objectif était de créer les bases d’une diversion ou d’un discrédit de la partie syndicale, ceux qui ont fait cette option peuvent être convaincus qu’ils se sont lourdement trompés. Ils porteront l’entièreté des conséquences d’un tel. Dans tous les cas, la CNSE considère que pour le gouvernement, les limites des négociations sur le statut valorisant sont atteintes.
Quoiqu’il en soit, la CNSE note que le gouvernement s’est donné une occasion de présenter au peuple burkinabè ce qu’il appelle valorisation des personnels de l’éducation et qui consiste à baptiser certains emplois pour leur donner un nouveau nom, à supprimer d’autres sans mécanisme juste de reclassement dans les emplois immédiatement supérieurs comme ce fut le cas dans d’autres ministères de notre pays.
Au niveau du deuxième et troisième point de la plate-forme, portant sur l’amélioration de l’accès à l’éducation et l’amélioration des conditions de travail pour une efficacité du système éducatif, la situation est tout aussi préoccupante. En effet, le kit pédagogique qui constitue un intrant capital pour l’implémentation de la qualité de l’éducation n’est toujours pas une réalité, plus de deux mois après la rentrée scolaire 2018-2019. Malgré la mise en place d’un comité, la production d’éléments pouvant servir de contenu pour la concrétisation de cette opération par la partie syndicale et une rencontre de la CNSE avec la partie gouvernementale à la demande de cette dernière afin de préciser l’esprit de cet engagement et l’attente des travailleurs, le problème reste posé dans son entièreté. Un autre engagement du gouvernement était de permettre aux personnels du MENA d’acquérir des ordinateurs à des coûts réduits pour compter de cette rentrée scolaire. Jusque-là, aucune avancée.
Toujours dans cette rubrique, le respect des effectifs dans les classes demeure un serpent de mer. Ils sont nombreux les établissements où les effectifs ont franchi la barre de cent (100) par classe même à Ouagadougou à cours de cette rentrée.
Quant à la réalisation des infrastructures scolaires, il est désolant de constater que le peu d’infrastructures réalisées est de mauvaise qualité, s’effondrant à la moindre intempérie alors des hangars de fortune restent stoïquement débout au-dessus de leur ruine.
En ce qui concerne l’octroi des bourses aux élèves, si l’opération a pu démarrer effectivement l’année scolaire écoulée, son exécution laisse apparaitre des inquiétudes. Les bénéficiaires n’ont perçu que seulement trois (3) mois de leur allocation pour toute l’année scolaire. Ils sont toujours en attente du paiement de leur dû pendant que les lauréats de l’année 2018-2019 ne sont pas encore connus, encore moins pris en compte en termes de paiement.
A cela s’ajoute une pratique insidieuse développée dans le post-primaire et le secondaire en particulier. En effet, pour rendre caduque la mesure consistant à aller vers une gratuité réelle de l’éducation à travers une diminution progressive des frais de scolarité, des administratifs véreux, avec la complicité de bureaux APE, ont institué des cotisations spéciales qui sont en passe de devenir une norme dans presque tous les établissements.
En outre, malgré l’engagement d’assainir l’environnement scolaire, les kiosques de vente de toute sorte de produits continuent se disputer les enceintes et le long des murs des écoles. Enfin, la distribution des manuels sur laquelle le gouvernement a organisé une campagne médiatique aux objectifs douteux se révèle aujourd’hui une opération de duperie des populations qu’autre chose. Les classes qui ont été les mieux dotées disposent d’une dizaine de livres. Ainsi, dans une école de Ouagadougou, sur un effectif de 476 élèves, cette école n’a reçu en tout et pour tout que 101 livres toutes disciplines confondues.
Pour la dotation en vivres, on note qu’en plus de la qualité impropre à la consommation relevée dans de nombreuses localités, les écoles ont été servies dans un désordre incroyable au point qu’en ce mois de novembre 2018, des Directeurs d’écoles sont convoqués pour enlever, qui trois sacs de riz, qui dix sacs de riz sans aucun autre élément d’accompagnement et cela en complément de vivres de l’année scolaire écoulée. On peut légitimement se poser la question de savoir quand arrivera la dotation de la présente année scolaire ?
Le quatrième point de la plate-forme de la CNSE est relatif à la revalorisation de la fonction enseignante. Nombre d’engagements ont été pris sur cet aspect. Ils sont également tout aussi nombreux ceux qui ne sont pas mis en œuvre. Il s’agit de :
• La reconstitution de carrière des personnels des ex-garderies populaires : le gouvernement s’était engagé à donner une suite au dossier dans un délai d’un mois, à compter de la date de signature du protocole, pour son règlement définitif. A ce jour, le problème reste posé dans toute sa dimension. Pire, à la dernière rencontre du comité de suivi, on nous annonce que le gouvernement est à la recherche des traces dudit dossier.
• L’application effective de la convention collective de l’enseignement privé laïc signée entre les organisations syndicales et l’UNEEPL, et son extension aux autres types d’enseignement privé : si l’on peut se réjouir de la fermeture des établissements privés pirates, il est à déplorer l’absence de sanction contre les récidivistes et la quasi inexistence de contrôle de l’application des cahiers de charges au niveau de ceux qui ont une existence légale ou qui n’appliquent pas la convention.
• La gestion diligente et efficace des dossiers de carrière des personnels de l’éducation et de la recherche. A ce jour des travailleurs sortis des écoles de formation depuis fin juillet en l’occurrence l’IDS et l’ENS-UK sont toujours en attente de leur mandatement pour rejoindre leurs classes qui sont vides de leur absence depuis la rentrée. Quant à la correction de nombreux actes de carrière, nombre de travailleurs souffrent toujours le martyr et arpentent les dédalles des couloirs de différents services sans la moindre satisfaction.
• La réhabilitation du secteur de l’éducation non formelle et de l’alphabétisation : si le paiement des arriérés des prises en charge des ex-formateurs aux métiers des centres d’éducation de base non formelle (CEBNF) s’est effectué et la Direction Générale de l’Education Non Formelle (DGENF) opérationnalisée, le point essentiel n’a pas connu de suite. En effet, la réflexion qui devait être faite pour trouver une solution structurelle aux CEBNF dans un délai de trois (03) mois à compter de la date de signature du protocole n’a pas encore produit ses résultats.
• Quant à la valorisation, l’harmonisation et de l’octroi de l’indemnité spécifique à tous les personnels de l’éducation et de la recherche, si elle connait un début d’application, l’opération est loin d’être satisfaisante. Elle est caractérisée par un désordre qui engendrera des coupures chez de nombreux travailleurs. De même, certains personnels comme les ATOS du CNRST ainsi que les enseignants et encadreurs du préscolaire en sont exclus pour l’instant contrairement à l’esprit du protocole.
• Enfin, l’apurement des retards d’avancement et de reclassement dans un délai de trois mois pour compter de la date de signature du protocole d’accord n’est toujours pas effectif. Des avancements de 2016 et tous ceux de 2017 et 2018 sont toujours attendus.
Mesdames et messieurs de la presse,
Dans son message au lendemain de la signature du protocole, la CNSE soulignait : « ces importants engagements du gouvernement dans le cadre de la conclusion de la lutte des personnels du MENA est un gage d’espoir incommensurable pour une réhabilitation sensible du système éducatif. C’est pourquoi, la Coordination lance un appel à tous les acteurs sincèrement soucieux de ce renouveau de l’école burkinabé, et qui l’ont montré sans calcul intéressé, pendant ces mois de lutte, à continuer les mêmes efforts sans désemparer, pour l’application sans faille de ces engagements. »
Mais nous sommes au regret de constater que l’éducation n’est une priorité pour nos gouvernants que dans le discours. C’est pourquoi, après avoir joué pleinement sa partition pour sauver l’année scolaire 2017-2018, après avoir donné tout le temps qu’il fallait au gouvernement pour réaliser l’acceptable, la CNSE constate malheureusement que cela semble être perçu comme une faiblesse. En conséquence elle :
 prend l’opinion nationale à témoin en particulier les autorités coutumières et religieuses et les parents d’élèves qui ont interféré dans la signature du protocole d’accord, à faire que le gouvernement n’est point dans la dynamique de tenir ses promesses ;
 tient le gouvernement pour seul responsable de la dégradation du climat social dans le secteur de l’éducation et de la recherche pour le reste de l’année scolaire en cours ;
 informe les travailleurs de la tenue d’assemblées générales dans les Régions suivantes : Centre (le 05 décembre 2018), Hauts-Bassins, Nord, Sahel, Boucle du Mouhoun, Est, Sud-Ouest, Centre-Ouest (le samedi 08 décembre 2018) pour donner la position de la CNSE sur la mise en œuvre du protocole et dégager les perspectives ;
 appelle les travailleurs de l’éducation et de la recherche, en attendant la fin de ces Assemblées générales, à suspendre de toute forme d’évaluation pour compter du lundi 03 décembre 2018 à 24 heures.
Ouagadougou, le 03 décembre 2018.

La CNSE (FESEB - F-SYNTER - SATEB- SNEA-B - SNEP/PD - SNESS- SPESS- STAGE – SYNAPAGER-SYNAPEP- SYNATEB- SYNATRAS - SYNATRENF - SYNAVS – SYNTAS)