Elu le 25 octobre dernier, Apollinaire Compaoré a été officiellement installé hier 14 décembre dans ses fonctions de président du bureau du Conseil national du patronat burkinabè. C’était en présence du premier ministre, Paul Kaba Thiéba et des grands patrons que compte le Burkina.

Grand jour pour le milieu des hommes d’affaires burkinabè : hier 14 décembre, le nouveau patron des patrons, Apollinaire Compaoré a été installé dans ses fonctions de président du Conseil national du patronat burkinabè (CNPB) au cours d’une cérémonie présidée par le premier ministre Paul Kaba Thiéba. C’est Lancina Diwara, le président sortant qui a passé le relais au nouveau parton qui va désormais présider aux destinées de cette organisation patronale pour une durée de 5 ans. "Grand capitaine d’entreprises depuis des décennies, il jouit d’un leadership avéré dans le monde des affaires, même au-delà des frontières de notre pays », a déclaré le premier ministre, parlant du PCA de Telecel et président du Groupe Planor.
"Pour un patronat forte et engagé", tel est désormais le leitmotiv de Apollinaire Compaoré. Il a rappelé que la contribution du CNPB représente 70% du PIB et qu’il emploie deux millions de salariés reparties dans 50 000 entreprises de taille très variable et venant de tous secteurs d’activités.
Son ambition : rendre plus dynamique le secteur privé, encourager le dialogue social dans les entreprises et avec l’Etat et accompagner les jeunes dans la création d’entreprise. D’où l’annonce qu’il a faite d’offrir une formation à 8000 jeunes dès le début 2019 avec le soutien de la coopération suisse.
En portant à la tête du patronat, les chefs d’entreprises et hommes d’affaires burkinabè ont voulu envoyer un message aux jeunes et à tous ceux qui croient au secteur privé : la réussite est au bout de l’effort, de la volonté et de l’abnégation. Des valeurs qui résument le parcours du natif de Koassa, petit village de la province du Bazèga, située à une cinquantaine de km de Ouagadougou.

A 65 ans, l’homme est d’un tempérament pondéré qui croit dur comme fer que le succès est possible pour peu qu’on y croit et qu’on ne baisse pas les bras à la moindre difficulté. "Quand j’ai commencé, j’allais vendre des pneus aux fonctionnaires dans les services publics et à chaque fois, le gardien me chassait, mais le lendemain, je revenais encore ; ça l’énervait", avait-il confié à l’auteur de ces lignes en 2016 alors qu’il était venu parrainer pour la deuxième fois consécutivement, la Foire africaine de Paris.
Né d’une famille paysanne comme 80% de la population burkinabè, pas inscrit à l’école, Apollinaire Compaoré a forgé son destin pour se retrouver aujourd’hui à la tête d’un empire industriel qui fait la fierté des Burkinabè. Il n’y a pas de destin tout tracé contre lequel on n’y peut rien ! A 13 ans, il quitte son village pour Ouaga, un saut dans l’inconnu. C’est la galère. Il survit en faisant de petits boulots et gagner de quoi juste se nourrir en espérant des jours meilleurs. Mais quand on est né dans un village où la dureté de la vie forge le courage, on tient bon. De toute façon, il n’est pas question pour lui de revenir à Koassa.
Au début des années 70, il commence à vendre des billets de loterie, puis crée en 1978 "Volta Moto" devenue "Burkina Moto" après le changement de nom du pays en août 1984 par Thomas Sankara, président du Conseil national de la révolution.
Dans un pays où les deux roues sont le moyen de transport le plus utilisé, où acquérir un vélo ou une mobylette est un réflexe pour toute personne disposant de ressources, les affaires ne tardent pas à bien marcher. Ambitieux, l’homme voit plus loin. Piqué par le virus du risque, il crée "Burkina Transport" en 1986, une société qui approvisionnait la SONABHY en hydrocarbures, puis se lance dans les assurances avec l’Union des assurances du Burkina (UAB), le crédit à la consommation avec la Société burkinabè d’équipement (SBE). Les fonctionnaires burkinabè connaissent bien cette société auprès de laquelle ils s’endettent pour acquérir soit une parcelle, soit pour acheter un moyen de transport. Son nom est désormais cité avec respect parmi ceux qui comptent dans le secteur privé.

Flairant les bons coups, il comprend vite que le secteur des télécommunications qui s’ouvrent à la concurrence au début des années quatre-vingt dix est une bonne affaire.
Il crée alors le Groupe Planor, dont fait partie Telecel, en partenariat avec Atlantic, un mariage qui va tourner au vinaigre. La justice lui donne raison dans le différend qui l’oppose à ses partenaires. Telecel est désormais sa propriété, la seule entreprise de téléphonie appartenant à un burkinabè.

Au même moment, il devient actionnaire à hauteur de 26% du MTN, le premier groupe de télécommunications sur le continent noir. Il acquiert ensuite une licence globale de téléphonie au Mali. Une aventure débutée avec un partenaire malien, Cessé Komé, propriétaire des hôtels Radisson Blu au Mali et en Côte d’Ivoire. Ce dernier est défaillant au moment de passer à la caisse et payer la part de l’actionnariat de chacun dans le capital de la société qu’ils ont créée ensemble. Après une bataille polico-judiciaire et une campagne de presse qui a été une rude épreuve pour lui, Apollinaire Compaoré finit par récupérer la totalité du capital. Il est le seul maître à bord de ATEL-SA. Coût de l’investissement pour lancer les activités de l’entreprise : pas moins de 100 milliards de F CFA. Mi-octobre 2017, les premiers tests sont effectués et depuis lors, les Maliens ont désormais le choix entre trois opérateurs qui se disputent leur faveur.
L’homme ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le secteur de la banque l’intéresse. Obtenir toutefois l’agrément de la commission bancaire de l’UEMOA n’est pas chose facile. Mais l’homme de Koassa est un fervent croyant, convaincu que "ce que Dieu a décidé, personne ne peut rien faire contre". Le 28 juin dernier, le premier ministre en personne préside la cérémonie de lancement des activités de la quatorzième banque du Burkina : Wendkouni Bank international (WBI), implantée dans la zone ZACA de Ouagadougou.
Membre de la chambre consulaire depuis 1986, le self-man burkinabè avait brigué sans succès, la présidence de la chambre de commerce et d’industrie du Burkina (CCI-BF) en 2016. La présidence du patronat burkinabè qui vient de lui être confiée est plus que mérité. "J’ai l’expérience dans le commerce et mon avenir est derrière moi. Dieu merci, je ne me plains pas, mais je ne veux pas que les jeunes connaissent les mêmes problèmes que j’ai rencontrés dans mon parcours. Je veux donc mettre mon expérience à leur service", ne cesse t-il de répéter.
Les manettes du CNPB entre les mains, Apollinaire Compaoré a cinq (5 ans) pour redynamiser l’organisation patronale et inculquer l’esprit de gagne aux grands et petits patrons dans un contexte où les attaques terroristes plombent le climat des affaires.

Joachim Vokouma
Kaceto.net