"Confronter notre mémoire et forger l’avenir d’un cinéma panafricain dans son essence, son économie et sa diversité", tel est le thème sous lequel se tient la 26ème édition du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou. Une occasion de faire un bilan de l’aventure cinématographique sur le continent, rendre hommage aux pionniers et s’interroger sur les perspectives du 7è art africain

Fin des travaux du colloque sur l’avenir du cinéma africain qui a réunit lundi et mardi des cinéastes, chercheurs, historiens, professionnels du ciné, acteurs de la société civile sur le thème de la 26 ème édition du Fespaco.
Hier 26 février, en début de soirée, Gaston Kaboré, le dernier lauréat burkinabè de l’Etalon d’or de Yennenga en 1997, organisateur de ce colloque a clos les travaux de deux jours de débats centrés sur l’histoire et l’avenir du cinéma africain. "Comprendre d’abord le fruit de cette longue marche qu’est le FESPACO et en tirer toutes les leçons et nous asseoir ensemble pour inventer le futur de ce festival », a indiqué Kaboré à l’ouverture des travaux.

Figure emblématique du Fespaco, Alimata Salembéré a rappelé les conditions dans lesquelles la première édition du Festival a été organisée en 1969. On doit ce festival à la volonté politique du président Sangoulé Lamizana d’ouvrir de nouveaux horizons aux Burkinabè et leur permettre de voir des films d’ici et d’ailleurs. C’était pour lui une oeuvre d’intérêt public, au-delà des moments de distraction que procure le Festival. Des pionniers du 7è art africain, entre autres, Dikongué Pipa du Cameroun, Timithé Bassory de la Côte d’Ivoire ont raconté leur Fespaco à eux, les moments de joie, mais aussi d’angoisse qu’ils ont vécus durant les 50 années du Festival.
Pour la fin des travaux, Gaston Kaboré a invité Aminata Traoré du Mali et Christiane Taubira de la France, deux voix féminines qui posent froidement la question du rapport de l’Afrique avec le reste du monde. Comment définir les contours de l’identité africaine en prenant en compte le douloureux passé marqué par des siècles d’esclavage et de colonisation ?
Dans un monde où les rapports de forces sont plus que jamais au centre des relations internationales, où la compétition économique laisse peu place aux faibles, que peut offrir l’Afrique au monde alors que ses fils la fuient et prennent des risques d’être dévorés par des requins ? Aminata Traoré s’est longuement exprimée sur le sujet de la migration africaine, interrogeant la responsabilité des gouvernements africains mais aussi celle des Occidentaux dans le drame contemporain qui se déroule sous nos yeux. Est-il possible, voire même souhaitable de stopper la volonté qui anime des milliers d’Africains d’aller là où ils espèrent trouver un mieux vivre ?
Militante alter-mondialiste bien connue, l’ancienne ministre de la Culture du Mali a toujours soutenu la thèse selon laquelle, la fuite des jeunes africains à la recherche d’un eldorado n’est que la conséquence de la violence des politiques publiques dictées par les plans d’ajustement structurel.
Quant à Christiane Taubira, ancienne ministre français de la Justice, et auteure de la loi en 1998 qui fait de l’esclavage un crime contre l’humanité, elle considère que les images cinématographiques sont un enjeu de civilisation dont les Africains devraient en prendre conscience. Il n’y a pas de regard neutre, croit-elle savoir. Pour elle, en dépit de la violence qui a caractérisé la rencontre entre l’Occident et l’Europe, il est toujours possible d’être optimiste quant l’avènement d’un monde monde moins égoïste.

Dominique Koné
Kaceto.net