Dans le procès du putsch le plus bête du monde qui se déroule dans la salle des banquets de Ouaga2000, l’expert informaticien Younoussa Sanfo a comparu hier pour la deuxième journée de son audition.

Le premier jour, il avait répondu aux questions sur la nature de son travail et comment il avait procédé pour retrouver les traces des échanges électroniques (téléphones, ordinateurs) entre les présumés putschistes.
Hier, Maître Bonkoungou, avocat du Général Diendéré s’est évertué à relativiser la qualité du rapport de l’expert informaticien. Il y a voit "un dossier orienté, une pensée unique, une écriture unique de l’histoire, exactement comme le chasseur qui raconte son histoire avec le lion". Pour lui, il y a manifestement "un détournement de la volonté générale du peuple dans cette affaire d’autant que certains qui auraient dû aussi comparaître se sont soustraits à la justice".
A sa suite, Maitre Zaliatou Aouba, avocate de l’adjudant Michel Birba a voulu comprendre pourquoi Younoussa Sanfo n’a pas demandé à expertiser le téléphone d’un correspondant de son client, en l’occurrence Sidi Lamine Omar.
Réponse de l’expert : "Je ne demande pas à expertiser des téléphones, j’expertise des téléphones que le juge me remet". L’avocate ne comprend pas comment une puce qui a été enregistrée chez un opérateur de téléphonie peut être utilisée par une autre personne ! Sourires moqueurs dans la salle. Elle reproche au parquet de n’avoir pas notifié le rapport de l’expert à ses clients, ce qui, pour elle, est une violation de la procédure.
Réponse du parquet militaire : la notification a bel et bien été faite aux mis en cause et c’est l’avocate elle-même qui a signé le procès verbal de notification. Le parquet a rappelé également que la loi donne droit à la contre expertise, et si les mis en cause dans le rapport ne l’ont pas demandée, c’est qu’ils sont en phase avec les conclusions du rapport de l’expert. Le parquet s’interroge sur le fondement juridique qui permet à Maitre Bonkoungou de relativiser la qualité du rapport.
Ce dernier s’est attardé sur la place et le rôle de l’expert Risse, co-signataire du rapport. Dans sa réponse, Younoussa Sanfo avait déjà expliqué que celui avec lequel il a formé un duo est expert en extraction légale de données, ce que lui n’est pas. Son travail a consisté à extraire le contenu des appareils scellés au moyen d’équipements homologués. "A t-il signé de sa main le rapport ou s’est-il contenté d’une signature électronique ?", demande Maître Bonkoungou. Réponse de Sanfo : "Il faut poser cette question au juge. L’avocat insiste, et reçoit la même réponse. "Le diable est dans le détail", fait-il observer. Pour lui, "il ne s’agit pas ici de vos compétences, mais de l’appréciation de votre travail dans un contexte donné. Les experts se sont réparti le travail envers et contre l’ordonnance du juge. Les deux ont été commis dans les mêmes termes de mission. Alors comment l’extraction a été remise à l’expert Risse et l’analyse à l’expert Sanfo ? ».

Si l’expert Sanfo refuse de répondre à cette question, Maitre Bonkoungou y voit un signe qui montre qu’il faut relativiser la qualité du travail effectué. Il rappelle d’ailleurs que l’expert avait déjà sollicité dès le 17 septembre et qu’il a travaillé avec la gendarmerie dans la gestion de la tension qui était au comble au lendemain du putsch. L’expert Sanfo réplique à l’avocat en lui rappelant qu’il travaille avec tous ceux qui sollicitent son expertise et que dans le passé, il a eu des clients que l’avocat défend aujourd’hui. On en este là !
Sur la signature de l’expert Risse qui a passé moins d’une semaine au Burkina, le temps de faire des copies des appareils et extraire les données, il a selon toute vraisemblance dû scanner sa signature qu’il a ensuite envoyée au juge.
Le président du tribunal, Seidou Ouédraogo a rappelé à la barre le capitaine Zombri, qui avait nié lors de son audition avoir eu des échanges avec le Lieutenant Jacques Limon, ce que dément l’expert. Le capitaine a reconnu certains messages, mais pas tous. Pareil que notre confrère Ouédraogo Adama dit Damiss, le bâtonnier Mamadou Traoré et le général Gilbert Diendéré, qui avaient tous rejeté des conversations qu’on leur prête . Pour y voir clair et pour la manifestation de la vérité, le parquet a demandé à l’ONATEL de lui fournir les relevés téléphoniques des mis en cause entre 15 et le 30 septembre 2015. Hier, il a versé cette nouvelle pièce dans le débat, au grand désarroi de la défense, qui accuse la partie adverse de boxer en dessous de la ceinture.
"Le parquet s’est rendu compte que le rapport de l’expert n’est pas bon et a appelé l’ONATEL à la rescousse. C’est du n’importe quoi" s’offusque Maître Mamadou Sombié.
Le président du tribunal a renvoyé au lundi 25 mars le débat sur la recevabilité de la nouvelle pièce produite par le parquet qui ne veut rien lâche. On doit savoir s’il y a concordance entre les conclusions du rapport de l’expert et les relevés de l’ONATEL : date, durée en minutes et secondes des sms envoyés par les présumés putschistes et leurs complices. C’est sans doute un des moments clés de ce procès.
Dans l’après-midi, le parquet a présenté les pièces à conviction comme éléments à charge contre le Gl Diendéré, et ses 83 co-accusés. Appelé à la barre, l’éphémère président du Conseil national pour la démocratie (CND) n’a pas reconnu l’ordinateur qui lui a été présenté comme étant le sien et sur lequel des éléments liés au putsch y ont été trouvés.

Joachim Vokouma
Kaceto.net