Tout à l’heure s’ouvre à Ouagadougou le sommet extraordinaire des pays membres du G5 Sahel consacré à la lutte contre le terrorisme, l’ADN du l’organisation, mais aussi, pour parler de sécurité et dans le Sahel. La chancelière allemande profitera de son séjour au Burkina pour y prendre part

Intenses agitations ce matin sur le tarmac et dans le salon d’honneur de l’aéroport international de Ouagadougou. En prélude à un sommet extraordinaire des chefs d’Etats des pays membres du G5 Sahel qui s’ouvre cet après-midi, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le premier ministre Christophe Dabiré et leurs conseillers ont investi en milieu de matinée le salon d’honneur de l’aéroport, en attendant l’arrivé des présidents du Mali, du Niger, de Mauritanie et du Tchad.
C’est le président malien Ibrahim Boubacar Keïta qui est arrivé le premier aux environs de 11h. Il est accueilli au pied de la passerelle par son homologue Roch Kaobré et le premier ministre Dabiré. Exécution des hymnes nationaux, poignées de mains du corps diplomatique accrédité à Ouaga, bref bain de foule aux ressortissants maliens installés dans notre pays et les deux présidents s’isolent dans une salle pour un bref entretien. Le président Kaboré accompagne ensuite son hôte jusqu’à la voiture qui l’emmène à son hôtel.

Le protocole a bien ficelé les choses. Quelques minutes après, l’avion du président nigérien foule le sol burkinabè. Même scénario, jusqu’à ce que son cortège s’ébranle vers son lieu de séjour. Le président Kaboré s’est à peine assis que l’avion du mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est annoncé. Costume bleu clair et lunettes de soleil, il est également accueilli au pied de l’avion par son homologue burkinabè.
Mais au moment de l’exécution des hymnes, l’avion du tchadien Idriss Déby atterrit.
Le protocole fait immobiliser l’appareil en bout de piste, le temps que le président Mohamed Ould Abdel Aziz s’installe dans le véhicule en direction de son hôtel.
Au pied de charges, Roch Kaboré est à nouveau sur le tarmac pour accueillir son homologue tchadien. Bazin jaune satiné, bonnet de même couleur sur la tête et s’appuyant sa canne de berger, Idriss Déby est ovationné par ses compatriotes résidents à Ouagadougou. Dans le salon d’honneur, le chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré est là, venu spécialement pour accueillir le président tchadien.

C’est le dernier des chefs d’Etat que le président Kaboré accompagne dans son hôtel. Tous ont tenu à être présents à ce sommet extraordinaire auquel se joindra la chancelière allemande, Angela Merkel, arrivée vers 16 heures.
Le rendez-vous spécial de Ouagadougou pour lequel les cinq chefs d’Etats se retrouvent aujourd’hui est d’une importance capitale. Cette organisation dont la mission principale est de lutter contre le terrorisme qui sévit dans le Sahel est à un tournant de sa courte histoire. Il s’agira de trouver les moyens de le rendre opérationnel en dotant ses troupes d’équipements à la hauteur de la menace terroriste. Dans les cinq pays, le terrorisme sévit, certes, à des degrés divers, mais tous consacrent d’importantes ressources humaines et financières pour faire face aux attaques des groupes terroristes, fascinés dans la commission du mal.
En se joignant aux chefs d’Etat, la chancelière allemande qui séjourne opportunément au Burkina pour une visite de travail et qui s’entretiendra demain 2 mai avec les étudiants à l’université Joseph Ki Zerbo, veut davantage impliquer son pays dans le combat contre le terrorisme

Certes, l’Allemagne contribue déjà, via l’Union européenne au financement et à la formation des militaires du G5 Sahel. Selon la direction de la communication de la présidence du Faso, "les forces armées allemandes sont présentes de façon croissante sur le terrain, dans l’espace G5 Sahel notamment au Mali. La première intervention militaire de la République fédérale d’Allemagne en Afrique de l’Ouest remonte à 2013 dans le cadre de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) puis de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)". Selon toujours la même source, l’Allemagne entretient le contingent européen le plus important au sein de la MINUSMA, soit 664 soldats en mars 2018.
Angela Merkel qui sera en fin de mandat en 2021 veut que son pays compte désormais dans cette organisation en entretenant des relations bilatérales avec les pays africains.
En somme, l’Allemagne ne veut plus laisser la France assurer seule le leadership de la politique européenne vis à vis des pays d’Afrique francophone.

Et puis, il faut le dire, la lutte contre le terrorisme est aussi une occasion de business pour les fabricants d’engins de guerre et de matériel de sécurité. Or, jusqu’à présent, l’essentiel des équipements du G5 Sahel vient de la France par le truchement de Expertise France, un établissement public de coopération technique internationale, placé sous la double tutelle du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et des ministères économiques et financiers. En 2017, l’Afrique noire au sud du Sahara représentait à elle seule 50% des interventions de cet organisme présent dans une centaine de pays.
A en croire un officiel burkinabè, la France n’est non seulement pas toujours au rendez-vous pour livrer les équipements attendus, et prive du même coup les pays du G5 de ressources financières qui leur auraient permis d’acquérir les mêmes équipements sur le marché international à moindre coût". Par ailleurs, note toujours la même source, les chefs d’Etats du G5 Sahel sont de plus en plus irrités par le ton condescendant avec lequel le président français Emmanuel Macron s’adresse à eux sur ce dossier et de ce fait, accueillent à bras ouverts l’arrivée de la chancelière allemande".

Une présence allemande que les pays du G5 espèrent bénéfique d’autant que la lutte contre le terrorisme n’est pas seulement militaire, mais implique plus globalement les questions de développement.

Joachim Vokouma
Kaceto.net