Gestionnaire de formation, option « comptabilité, gestion financière », Boureima Sawadogo dirige depuis juillet 2014 le Cabinet d’ingénierie et de conseil (CIC-Afrique). Directeur général adjoint de April Oil Burkina, il est également contrôleur général d’une holding regroupant neuf (9) sociétés évoluant dans divers secteurs économiques.
A 34 ans, marié et père de deux enfants, ce jeune chef d’entreprise croit dur comme fer au secteur privé en tant que moteur du développement du Burkina. Encore faut-il que ceux et celles qui se lancent dans l’entreprenariat soient éclairés dans leur choix et bénéficient de conseils avisés.
Dans l’interview qu’il accordée, il s’intéresse surtout aux Burkinabè installés à l’étranger et qui souhaitent entreprendre dans leur pays d’origine.
Des conseils pratiques pour éviter que l’aventure entrepreneuriale ne devienne un cauchemar !

Vous avez participé du 21 au 22 juillet 2018 au forum organisé par l’Union des associations des burkinabè en France (UABF) et son partenaire, le Forum des organisations de solidarité internationale issues des Migrations de France (FORIM) sur le thème « Migration et Développement ». Vous n’êtes pourtant pas de la diaspora…

C’est vrai que je ne suis pas de la diaspora. Je réside au Burkina, mais notre cabinet qui est basé au Burkina, travaille sur entrepreneuriat et comme vous le savez bien, c’est le secteur privé qui fait développer un pays. Il se trouve que la diaspora est également un acteur très important dans le développement d’un pays et que peu de gens ont un regard attentionné sur cette diaspora. Le Forum était une occasion pour rencontrer cette cible, proposer nos services aux compatriotes vivant à l’étranger et leur dire qu’il y a une structure qui est là et qui peut les accompagner afin qu’ils puissent prendre de bonnes décisions en matière d’investissement et de création d’entreprise au Burkina. C’est ce qui a motivé notre présence à ce forum et je dois dire que ça été très intéressant parce que nous avons pu prendre la parole à cette occasion et partager des idées avec des frères. Certains nous ont contactés par la suite pour en savoir plus et l’interview que nous sommes en train de faire en fait partie.

Quelles sont les précautions qu’un Burkinabè de la diaspora qui désire entreprendre au pays doit prendre pour que son investissement soit rentable ?

C’est d’abord se rassurer que son idée de projet peut s’exporter au pays ; certains conçoivent des projets en se basant sur ce qui se passe dans leur pays d’accueil, mais qui, hélas, d’un point de vue culturel, ne peuvent pas s’appliquer ici.
Il doit aussi se rassurer d’avoir un minimum de moyens financiers pour démarrer car dans notre pays, c’est difficile de mobiliser des financements auprès des banques et celles qui y consentent le font à des taux d’intérêts élevés. Or, il faut un fond de base pour commencer et tenir sur une période donnée, parfois un an, le temps de se faire connaitre et d’avoir les premiers marchés.

Doit-il forcément passer par un cabinet pour le recrutement du personnel ?

Oui, c’est toujours mieux indiqué de passer par un cabinet pour le recrutement ; il faut faire confiance aux professionnels en la matière et jamais à la famille qui est très souvent la cause de déception. Toutefois, pour les postes spécifiques comme le directeur des affaires administratives et financières (DAAF), je déconseille de passer par des cabinets de recrutement. Pour une raison simple : ce n’est pas normal qu’un DAAF soit sans activité et il faut se poser bien de questions au sujet de celui qui est à la recherche d’emploi. C’est un poste où on ne chôme. Je conseillerai plutôt de solliciter le concours de personnes avisées ou carrément de débaucher quelqu’un qui est en poste en lui faisait des propositions intéressantes.

Combien de temps faut-il pour créer une entreprise au Burkina ?

Notre pays a fait d’énormes efforts sur ce point en simplifiant les procédures ; aujourd’hui, grâce au CEFORE, il est possible d’avoir tous les documents nécessaires en 72 heures. Mais pour se lancer, il est toujours conseillé de passer par des structures comme la nôtre qui prodiguent des conseils. Depuis la création de CIC Afrique en 2014, nous avons créé plus de 200 sociétés dans tous les secteurs d’activités et nous pouvons conseiller tout porteur de projet sur les statuts de sa société afin qu’il puisse faire des économies au plan fiscal, à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), etc. Les premières décisions ont toujours des conséquences directes sur l’avenir de la société et si elles sont mal prises, ça complique tout et peut détruire l’entreprise

Quels sont les secteurs qui sont porteurs où les Burkinabè de la diaspora peuvent investir ?

Aujourd’hui, le Burkina est un chantier à ciel ouvert où tous les secteurs d’activités sont porteurs avec des opportunités à saisir. A commencer par le secteur minier où la législation est plus souple. Avec 50 millions, on peut avoir une unité semi-mécanisée pour faire le traitement des produits et si vous avez la chance de tomber sur une bonne mine, en l’espace de 6 mois ou un an au plus, vous rentabilisez votre investissement. Il y a aussi la gestion de comptoir, l’achat-vente d’or et l’orpaillage artisanal qu’on peut lancer avec 250 000 FCFA.
Je n’oublie pas surtout le secteur de la transformation agricole où tout est à faire. Aujourd’hui, le Burkinabè moyen consacre 32% de ses revenus à l’alimentation. Il y a des opportunités pour faire du business dans la transformation du maïs en biscuits, les boissons comme le bissap, le gimgembre ou encore les produits non ligneux sont très consommées.
Dans l’immobilier, l’achat-vente de terrain est aussi une activité rentable et si des gens ont des compétences et de l’expérience dans leur pays d’accueil dans ce secteur, ils peuvent s’y lancer. Dans le secteur des hydrocarbures, on peut également y faire des affaires. Avec 15 millions, il est possible d’installer et exploiter une mini-station d’essence avec un retour sur investissement très rapide.
Ce ne sont que des exemples car il existe bien d’autres secteurs très attractifs pour peu qu’on ait des moyens et qu’on bénéficie de bons conseils.

La création de CIC Afrique vise donc à offrir une assistance aux porteurs de projets ?

C’est exactement cela ! CIC Afrique a été créée le 1er juillet 2014 dans un esprit d’accompagner les porteurs de projets et les chefs d’entreprises déjà en activité. Il faut savoir que dans notre pays, près de 70% des opérateurs économiques n’ont pas fait de longues d’études, voire pas du tout ! Beaucoup de sociétés meurent avant d’atteindre l’âge de trois ans tout simplement parce que les promoteurs n’ont pas eu de bons conseils dès le départ en matière de management, de conseil fiscal, etc.

Quels sont les besoins les plus exprimés par ceux qui vous sollicitent ?

C’est toujours les problèmes de financement et c’est toujours bien d’avoir des partenaires étrangers pour accompagner les gens. Je dois nuancer mon propos parce qu’il n’y a pas que le problème financier ; il y a aussi les problèmes de gestion et de management à prendre en compte d’autant plus que les salariés sont maintenant exigeants et n’hésitent pas à réclamer des droits devant les tribunaux.

Que pensez-vous du code du travail burkinabè ?

C’est un code inspiré du code français et qui est assez flexible. Cependant, tout ne se règle pas par la loi. Il faut que les patrons créent une atmosphère agréable dans l’entreprise, associent les salariés à certaines décisions et ainsi, quand il y aura des difficultés, ils peuvent comprendre et adhérer aux décisions difficiles qui seront prises. Ce qui est évident, c’est qu’il faut éviter de gérer les salariés comme des sujets.

De l’extérieur, on a l’image caricaturale du salarié ou du patron pas rigoureux et rarement ponctuel. Quelle est la réalité au Burkina Faso ?

C’est une question à laquelle il est difficile à répondre, puisque ça dépend de la catégorie de personnel dont on parle. Les cadres ne se comportent pas et ne réagissent pas de la même manière que les ouvriers et il faut agir au cas par cas.
Ce que je peux dire, c’est qu’en réalité, les employés travaillent à l’image de leur patron. Si ce dernier n’est pas rigoureux et ponctuel, les salariés feront comme lui.
S’il ne donne pas le bon exemple, ce sera difficile d’être exigeant avec le personnel ; c’est à lui de donner le rythme et d’entraîner tout le monde avec lui.

Propos receuillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net