Abject. Ignoble. Choquant. Sacrilège. L’indignation est générale et les mots manquent pour qualifier ce qui s’est passé hier 31 août dans la matinée au cimetière de Williamsville, un quartier situé dans le nord d’Abidjan.
Peu après la mise sous terre de l’artiste musicien DJ Arafat, accidentellement décédé le 12 août dernier, des "Chinois" -c’est ainsi que ses admirateurs se surnomment-ont littéralement pris d’assaut la tombe qu’ils ont ouvert sans difficulté. Ils ont ensuite cassé le cercueil, déchiré le linceul, exposant ainsi le cadavre à leur curiosité morbide, puis l’ont photographié et filmé avant de publier les images sur les réseaux sociaux.
Par cet acte d’une extrême gravité dont ils n’ont probablement pas conscience, les Chinois entendent, disent-ils, d’une part, protester contre leur mise à l’écart de l’inhumation de leur idole, et d’autre part, s’assurer qu’il s’agit bien du corps de "Yorô" qui est dans le cercueil.
Des arguments fallacieux qui ne sauraient expliquer encore moins justifier la profanation d’une tombe, c’est à dire, le viol et la souillure de ce qu’il y a de plus sacré en l’espèce humaine.
Il faut à présent tirer les leçons de cette abjection et se demander comment ces jeunes, dont certains sont encore mineurs, ont pu se livrer à une telle abomination que réprouvent nos traditions et les livres sacrés ? Comment en est-on arrivé là ? N’ayons pas peur des mots. Nous avons quelque part collectivement échoué à notre mission de socialisation de nos rejetons.
A commencer par les parents. La cellule familiale ne joue plus toujours son rôle. Il y a comme un relâchement chez de nombreux parents à inculquer à leurs enfants les notions de Bien, de Mal, de Vrai, de Beau. A leur prescrire des impératifs catégoriques auxquels ils doivent à jamais se soumettre. Sans broncher. A leur rappeler sans cesse que c’est dans la répression permanente des instincts et le renoncement à l’immédiateté que se construit la civilisation.
Faute de ne l’avoir pas fait, ou pas suffisamment, nos enfants nous renvoient en plein visage ce que nous avons fait d’eux : des individus intellectuellement et socialement a-structurés, ayant une vague idée de ce qui est interdit et ce qui ne l’est pas. "Vous avez mis la honte à notre pays, la Côte d’Ivoire", a réagi un internaute. Mais qu’on ne s’y trompe pas ; l’ignominie à laquelle se sont livrés ces jeunes dans le cimetière de Williamsville aurait pu et peut se produire dans d’autres pays africains.
Bien entendu, les responsabilités doivent être situées et des têtes doivent tomber. Mais ce n’est pas suffisant. Ce dont il s’agit, c’est d’un robuste réarmement moral à même de stopper le processus de délitement de l’ordre social africain.

Joachim Vokouma
Kaceto.net