Il y a ceux qui, faute de réalisations, brillent par les mots. Puis il y a les autres, ceux qui par un alignement d’étoiles rare, se démarquent par une insolente réussite, accompagnant une ambition affichée la plupart du temps de manière irrévérencieuse. Tout juste retraité, l’enfant de Douala n’a pas perdu de temps pour annoncer au monde qu’il se considérait comme le meilleur africain ayant jamais joué au football.

Tout juste retraité et plus présent que jamais dans les médias, Samuel Eto’o s’est confié sur son avenir, dans un style qu’on lui connait bien. « La politique ne m’intéresse pas pour le moment. Tout le monde me souhaite une carrière en politique. Mais nous n’allons pas avoir 10 millions de Weah. Chacun est né avec son étoile », confie-t-il lors d’une interview.
Pour le Camerounais, son quotidien ne sera jamais très loin du sport, du football en particulier. Nommé collaborateur du président de la confédération africaine (CAF) Ahmad Ahmad, en juillet dernier, Samuel Eto’o a annoncé le lancement prochain de son site de paris sportifs. « Tout simplement parce que ma vie est un ensemble de paris gagnés », explique-t-il. Des paris gagnants qui ont forgé le caractère unique de celui qui n’hésite pas à se déclarer « meilleur joueur africain de l’histoire ».

Un tonton flingueur venu de Douala

S’il restera dans les mémoires pour le joueur stratosphérique qu’il a été, les contemporains de Samuel Eto’o fils se souviendront également de lui pour ses prises de paroles bien senties. En effet, si comme l’affirme l’ancien ballon d’or africain, « les mots ne jouent pas au football », ils ont accompagné l’enfant de Douala tout le long de sa carrière, faisant de lui le personnage haut en couleur qu’il est devenu. D’ailleurs, les prises de paroles du Camerounais interviennent souvent pour rappeler, à ceux qui se permettent de l’oublier, la place qu’occupe Samuel Eto’o.
« Je suis un joueur unique. On doit me donner ma place. Je suis le meilleur en Afrique. […]Les autres le savent et doivent l’accepter », assure-t-il durant une interview. A ce propos, le Camerounais estime qu’il aurait même pu être encore plus important. « Je vous assure que si j’étais brésilien et que je m’appelais Eto’osinho, je serais encore plus populaire ». D’ailleurs, l’ancien attaquant n’hésite pas à clamer sa supériorité face à d’autres légendes. L’anglais David Beckham a notamment fait les frais d’une des prises de parole de Samuel Eto’o. « Il est plus beau que moi, mais je suis meilleur footballeur que lui », affirme le Camerounais.
Accusé d’être arrogant, Samuel Eto’o, conscient de sa qualité et de sa popularité, n’a jamais douté de qui il était. Il se faisait même un malin plaisir à rappeler, à ceux qui essayaient de l’en faire douter, qu’ils étaient bien seuls. « Eto’o plaît au Daghestan et les Chinois savent qui est Eto’o », déclare, pour faire simple, celui que certains se plaisent à appeler « le melon d’or », pour rappeler la trop grande estime qu’a le joueur de lui-même.

Sa réponse à ces détracteurs tient en deux phrases. « Je n’ai rien à prouver, je suis Samuel Eto’o. Je n’appartiens pas au groupe de joueurs considérés comme bons, mais au groupe des grands joueurs ». Si elles peuvent paraître inappropriées, les prises de paroles du Camerounais sont pourtant révélatrices de la confiance accumulée par le joueur après des débuts difficiles. En effet, sans une volonté d’acier, certains obstacles auraient pu empêcher le nom de Samuel Eto’o de passer à la postérité.

Une perle camerounaise rejetée par la France

L’histoire de Samuel Eto’o commence à Nkon, un petit village du Nord-Ouest du Cameroun où il nait le 10 mars 1981. Alors qu’il est encore tout jeune, son père décide de déménager pour offrir un environnement plus confortable à ses enfants. La famille Eto’o s’installe alors à Newbell, à Douala. C’est sur les terrains vagues de ce quartier que naitra et grandira la passion du jeune Samuel pour le foot. Fan de Roger Milla, le jeune garçon imite son idole lors des confrontations au sein des enfants du quartier. Son talent est tellement flagrant qu’à seulement 13 ans, il rejoint l’Union camerounaise des brasseries de Douala. Avec ce club de deuxième division, le jeune homme se signale par ses buts et sa technique, si bien qu’il est appelé par l’équipe cadette du Cameroun avec laquelle il débute avant d’être surclassé. Toujours aussi talentueux, le jeune garçon prend rapidement conscience que son talent est trop grand pour rester confiné au Cameroun. A 15 ans, Samuel Eto’o rejoint la France pour tenter sa chance dans un club du pays.
« J’arrive en France avec un visa de 10 jours seulement. Je vais d’abord sur Marseille, Avignon et après, je décide de rester à Paris, à Notre-Dame. Je ne suis sorti de mon logement que deux ou trois fois car, à l’époque, tout le monde était soupçonné d’être sans papier. Et lorsque que l’on vous attrapait, on vous renvoyait chez vous », confie Samuel Eto’o.
Après des mois passés à faire des essais, Samuel Eto’o doit se rendre à l’évidence : il n’intéresse aucun des clubs consultés. Sous la pression parentale, il rentre au Cameroun. Samuel Eto’o intègre ensuite l’école de football de la Kadji Sport Academies de Douala où il devient un des meilleurs espoirs du Cameroun. Il est alors repéré par le club du Havre, partenaire de lla Kadji Sport Académies. Le club l’invite en Normandie pour passer un essai qui ne sera pas concluant. Il en sera ainsi quelques jours plus tard à l’AS Saint-Étienne et l’AS Cannes. Le joueur se réconforte avec ses prestations en équipe nationale junior.

Explosion en Espagne

Alors que le Camerounais ne pensait presque plus à l’Europe, une étonnante erreur va lui permettre de réaliser son rêve. Les émissaires du Real Madrid, envoyés en Côte d’Ivoire pour observer la pépite Bonaventure Kalou se trompent de vol et se retrouvent à Douala. Pour que leur déplacement n’ait pas servi à rien, ils visitent le centre de formation de la Kadji Sport Académies.
C’est durant cette visite qu’ils sont éblouis par le talent de Samuel Eto’o et lui offrent un contrat.
« Cette signature au Real était l’espoir, le début d’un rêve, confessait Eto’o à beIN Sport en mars 2014. Malheureusement, mon rêve est devenu cauchemar, car je ne pouvais pas jouer au football », confie l’attaquant camerounais. En effet, parmi les stars du Real Madrid, le jeune adolescent camerounais peine à obtenir du temps de jeu. Pour faire ses preuves, il accepte de partir en prêt. Il sera prêté à Leganès, à l’Espanyol Barcelone et au Real Majorque. C’est dans ce dernier club que le Camerounais commence à démontrer son talent aux yeux d’une Europe plus que surprise.
Lors de son prêt, Samuel Eto’o marque 4 buts en 13 matchs. L’entraineur de l’équipe convainc alors ses dirigeants d’acheter définitivement le Camerounais. Finalement, Majorque trouve un accord avec le Real Madrid dans lequel chacun des clubs dispose de 50 % des droits du joueur. En 154 matchs avec le maillot de Majorque, le Camerounais marque 66 buts. Revanchard, Eto’o n’hésite pas à malmener son ancien club lorsque ce dernier affronte Majorque. En 2004, le FC Barcelone, grand rival du Real Madrid, recrute Samuel Eto’o après de longues négociations. C’est dans ce club qu’Eto’o devient un joueur flamboyant respecté partout dans le monde. Pour sa première saison, Eto’o marque 29 buts en 45 matchs et permets à Barcelone de remporter le championnat d’Espagne.
En 2006, il est l’un des principaux acteurs de la victoire de son club lors de la prestigieuse ligue des champions. Il participe à la moisson de titre du club, notamment en 2009 où le FC Barcelone remporte toutes les compétitions auxquelles l’équipe participe. Le camerounais est même 5e au Ballon d’Or européen cette année-là. Pourtant, peu apprécié par Josep Guardiola, le nouvel entraineur du club arrivé en 2008, Samuel Eto’o est transféré à l’Inter de Milan en 2010. Toujours aussi revanchard, il participe activement à la victoire de l’Inter de Milan en Ligue des champions. Durant la compétition Eto’o se signale particulièrement lors des demi-finales au terme desquelles il élimine son ancienne équipe avec brio. De nouveau en froid avec son entraineur, il part en Russie, à l’Anji Makhatchkala où il devient le joueur le mieux payé au monde. Il partira ensuite en Angleterre, successivement à Chelsea et Everton, puis en Italie à la Sampdoria de Gênes, avant de jouer en Turquie et au Qatar sans jamais retrouver les sommets qu’il a tutoyés au FC Barcelone et à l’Inter de Milan.

Le meilleur joueur de la sélection nationale camerounaise

Parallèlement à sa carrière en club, en sélection nationale, Samuel Eto’o devient rapidement l’un des joueurs clés. Appelé pour la première fois en 1997, il sera sélectionné 118 fois et marquera 56 buts.
Il remporte en l’an 2000, dès sa première participation à la compétition, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Il est d’ailleurs jusque-là, le meilleur buteur de l’histoire de la compétition. Quelques mois plus tard, Samuel Eto’o conduit le Cameroun à la victoire aux jeux olympiques. Avec sa sélection, il remporte à nouveau la CAN en 2002. Cette victoire ajoutée aux nombreuses prouesses du Camerounais lui permettent de remporter le ballon d’or, et le prix du meilleur joueur africain en 2003. Il remportera la récompense les deux années suivantes puis en 2010. Il est, ex aequo avec l’ivoirien Yaya Touré, celui qui a remporté ce trophée le plus grand nombre de fois. Malgré des relations parfois tumultueuses avec les autorités camerounaises du football, Samuel Eto’o a assuré vouloir un jour devenir entraineur de son équipe nationale.
De moins en moins présent sur les terrains, le Camerounais s’est progressivement fait connaître dans le monde des affaires. Il crée l’entreprise Eto’o Telecom en 2010 qui ne fera pas long feu. Depuis, le Camerounais semble à la recherche du secteur qui lui sera le plus propice pour lancer son entreprise. Avec sa plateforme de paris sportifs BEto’o, tout semble en place pour permettra à nouveau à Samuel Eto’o de se distinguer dans un autre domaine que le football.

Servan Ahougnon
Agence ECOFIN