C’est sous le thème « « Pratique du tourisme et éducation » que se tient, du 29 septembre au 2 octobre, la onzième édition du Salon international du tourisme et de l’hôtellerie de Ouagadougou (Sitho). Après deux rendez-vous manqués en 2014 et 2015, l’édition de cette année sonne comme celle de la relance et la confiance retrouvée. Lancé en 2004, le Sitho figure désormais dans l’agenda des professionnels africains et internationaux du tourisme. Par cette manifestation, le Burkina qui accueille actuellement 300 000 touristes nourrit l’ambition d’en accueillir 500 000, ce qui lui permettra d’obtenir le statut de « Pays destination touristique » décerné par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).
A dix jours de l’ouverture de la onzième édition, le directeur général de l’Office national du tourisme (ONTB), Issa Barry qui a pris fonction en mai dernier, fait le point sur le contenu de la manifestation, explique les difficultés qui freinent l’essor du tourisme burkinabè et propose des pistes pour faire du tourisme un véritable secteur productif pourvoyeur d’emplois

Le thème de l’édition de cette année est : « Pratique du tourisme et éducation ». Que faut-il comprendre par ce thème ?

Nous voulons insister sur la nécessité de mettre à contribution le tourisme dans l’éducation de la jeunesse, car contrairement aux idées reçues, le tourisme n’est pas une simple activité de loisirs où on se contente de contempler des sites ou se balader dans des endroits paradisiaques. C’est plus que cela. Pratiquer le tourisme, c’est aussi en quelque sorte lutter contre l’incivisme qui se développe dans nos pays. Visiter un site ou un monument, c’est d’abord chercher à les conserver et les protéger parce qu’ils expriment des valeurs qui structurent notre société. Le monde est devenu un village planétaire où l’éducation des jeunes est de plus en plus difficile à contrôler. Dans ce contexte, il faut se référer aux fondamentaux culturels qui font que nous sommes ce que nous sommes et le tourisme peut grandement contribuer à remettre les jeunes et même les adultes sur le droit chemin

La Tunisie qui avait été choisie comme le pays invité d’honneur de cette édition, ne sera finalement pas là. Que s’est-il passé et qu’est-ce qui justifiait ce choix ?

C’est exact ! Jusqu’au vendredi 16 septembre, nous avions espéré que la Tunisie serait présente à Ouagadougou en tant que pays invité d’honneur, mais malheureusement, elle n’a pas confirmé sa participation, ce que nous regrettons. Les autorités en charge du tourisme nous avaient demandé un temps avant de se décider parce que le pays n’avait pas de gouvernement. Ensuite, elles nous ont demandé des informations complémentaires sur le Sitho que nous leur avons envoyées via notre ambassade à Tunis, mais finalement, elles n’ont pas réagi à temps. Et comme nous devions éditer les brochures et le programme des manifestations, on ne pouvait pas attendre indéfiniment
Quant au choix de ce pays comme invité d’honneur, c’est en raison de son expérience dans l’organisation et la gestion du secteur touristique qui nous semble assez performant et un modèle dont on peut s’inspirer. Nous souhaitions nouer des partenariats dans le domaine de la formation et du renforcement des capacités, d’autant que beaucoup de nos agents ont étudié soit en Tunisie, soit l’Algérie. Nous avions préparé des projets à soumettre à nos collègues tunisiens et nous espérons que ce n’est que partie remise.

A dix (10) de l’ouverture officielle de la 11ème édition, quel est le point des préparatifs ?

Tout est presque fin prêt : les inscriptions ont commencé, un programme Eductour a été élaboré, puis validé et une mission de prospection a terminé son travail. Chaque commission a fait connaitre ses besoins qui ont par la suite été arbitrés et des moyens dégagés.
Sept pays ont confirmé leur participation : Ghana, Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo, Mali, Niger et Bénin. C’est le résultat d’une mission que nous avons effectuée dans la sous-région dans le but de promouvoir le Sitho, et plus généralement les atouts touristiques et culturels de notre pays. Contrairement aux éditions passées, cette année, chaque pays va payer la location de son stand, car il faut que le Sitho soit financièrement indépendant. Fort heureusement, tous ont accepté cette conditionnalité, la trouvant normale. Le prix des stands pays est fixé au minimum à 500 000 F CFA pour une surface de 18m2, et ceux qui voudront plus d’espace comme le Sénégal qui a demandé 60m2 ou la Côte d’Ivoire (36m2) payeront évidement plus cher.

En 2014 et 2015, le Sitho n’a pu se tenir. L’édition de cette année est donc elle de la relance. Comment rassurer les Tours opérateurs et les touristes que le Burkina reste une destination sûre ?

Vous avez raison ! Notre pays a été classé dans la zone rouge par certains pays pourvoyeurs de touristes [NDLR : Sur le site du ministère français des Affaires étrangères] et aujourd’hui, notre souci est de pouvoir communiquer pour montrer que ce qui est dit sur notre pays n’est pas toujours vrai. C’est dans cet objectif que nous avons effectué des sorties dans les pays de la sous-région ouest-africaine il y a quelques semaines, afin de rencontrer les opérateurs privés et les ambassadeurs de pays occidentaux qui y sont accrédités pour leur faire comprendre que le Burkina reste le même pays. Mais, je pense que les communicateurs peuvent nous aider à faire bouger les lignes car, à vrai dire, nos voix ne portent pas. Conscient de cela, j’ai suggéré à mes collègues de la sous-région de mettre nos efforts en commun pour élaborer une stratégie commune de communication au lieu que chaque pays se batte tout seul, alors que nous sommes tous logés à la même enseigne. (Voir http://kaceto.net/spip.php?article392)

Avez-vous contacté l’ambassade de France à propos du classement en zone rouge du Burkina ?

Non, je préfère laisser cette responsabilité au ministre de la Culture. J’ai suggéré une réunion avec les ambassadeurs de pays occidentaux accrédités au Burkina pour échanger sur certaines informations qu’ils communiquent à leurs ressortissants et qui ne sont pas toujours vraies. Et si nous contestons, il faut que la rectification soit aussi communiquée sinon, une information fausse non démentie demeure vraie.
Certes, il y a eu l’insurrection populaire en octobre 2014, puis le coup d’Etat manqué de septembre 2015, deux évènements qui ont peut-être fait peur aux touristes étrangers, mais depuis, la situation s’est normalisée et cela aussi doit se savoir.

Quelle place accordez-vous aux régions lors de cette édition ?

Nous comptons beaucoup sur les régions pour dynamiser le tourisme dans notre pays et compte tenue de la tendance au plan international, il nous faut davantage miser sur le tourisme interne. Lors de cette édition, chaque région aura un stand de 18m2 pour exposer gratuitement ses potentialités touristiques et culturelles. Comme vous le savez, en dehors du tourisme d’affaires, c’est moins à Ouaga que dans les régions qu’on enregistre le plus de touristes. Les directeurs régionaux du tourisme ont donc la mission d’animer les stands et donner envie aux touristes nationaux, africains et internationaux de visiter leurs régions.

Les problèmes d’hébergement et d’accès aux sites, surtout en période d’hivernage sont-ils à présent résolus ?

Malheureusement non ! Par exemple, l’accès aux cascades de Karfiguela demeure impossible en période d’hivernage, de même que les Dômes de Fabédougou, particulièrement cette année où la région a connu des inondations.

L’axe III du Plan national de développement économique et social (PNDES) veut faire passer la part du tourisme dans le PIB de 3,7 en 2015 à 8% en 2020. Selon vous, cet objectif peut-il être atteint ?

C’est un programme ambitieux qui peut être réalisé, mais il y a certainement des facteurs à prendre en compte, notamment l’environnement sécuritaire et l’incitation aux Burkinabè à faire du tourisme. En amont, il y aussi les investissements structurants dans le secteur touristique car on a des unités d’hébergement qui sont pour l’essentiel, concentrées dans les grandes villes, donc pas accessibles aux Burkinabè moyens. Il faut davantage professionnaliser les acteurs du secteur parce qu’on voit bien qu’il y a beaucoup d’amateurisme, ce qui ne contribue pas à une bonne promotion de l’image touristique du pays. Nous devons aussi encourager par une politique fiscale audacieuse, la constitution de grands groupes hôteliers afin d’en finir avec des situations où l’établissement qui se résume à la personne du fondateur avec une gestion qui n’est pas toujours à la hauteur des attentes des clients. L’Etat vient d’ailleurs de créer un fond de développement culturel et touristique qui est logé au ministère de la Culture, dans le but de financer les projets publics et privés de développement culturel et touristique. Le directeur général, Alphonse Tougouma a été nommé et a même pris fonction la semaine dernière. C’est dire que les choses avancent et que le gouvernement est bien décidé à favoriser le développement du tourisme.

Y a t-il réellement une politique de promotion intérieure et extérieure du tourisme burkinabè ?

Bien évidemment ! Le gouvernement a même commandité une étude sur la stratégie marketing pour le secteur touristique qui propose des pistes intéressantes visant à valoriser l’image du pays et ses potentialités touristiques. Tout cela est une bonne chose, mais il faut que la volonté politique soit suivie par des actes. Savez-vous que l’Office national du tourisme (ONTB) ne peut même pas participer à un Salon du tourisme ? Pour plus d’efficacité, il faut absolument restructurer l’Office d’autant qu’on nous demande de faire des recettes. Or, nous ne vendons rien et ne faisons que la promotion du tourisme au Burkina et dont les résultats se retrouvent ailleurs, chez les autres acteurs de la chaine du tourisme. Si on nous demande de faire des recettes, il faut aussi nous autoriser à faire des activités commerciales, ce qui n’est pas prévu dans les statuts actuels de l’ONTB. A quoi servirait d’adopter une bonne politique si les moyens financiers et humains conséquents ne suivent pas ? Bien sûr, le ministère de la Culture a posé des actes visant à nous rassurer, mais en l’état actuel, ce qu’on nous donne est loin de nos attentes. Par exemple, nous ne pouvons pas recruter du personnel spécifique parce qu’on manque de moyens pour les payer ; on ne dispose ni de webmaster, ni de juristes spécialisés dans le tourisme et cela constitue un handicap pour nous dans notre mission de promotion des atouts touristiques de notre pays.

En plus de pays africains, y a t-il des pays d’autres continents attendus ?

Nous attendons des Tours opérateurs venant de ma Belgique, de l’Italie, de la France et du Canada.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net