Il y a un an, les Burkinabè entamaient la nouvelle année dans l’horreur avec le massacre de Yirgou, dans la province du Sanmatenga.
A l’occasion du premier anniversaire de ce sinistre événement, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) s’inquiète de la lenteur des poursuites judiciaires et dénoncent l’impunité dont jouissent les coupables,certains étant bien connus et identifiés.

Les 1er, 2 et 3 janvier 2019 sont désormais trois dates inscrites dans notre mémoire collective. Elles nous rappellent les ravages que l’intolérance et la stigmatisation de l’autre peuvent causer.
Rappel des faits. Le 1er janvier 2019, le chef du village de Yirgou et 5 membres de sa famille sont assassinés par des individus armés non identifiés. Pris en chasse par les Kogwéogos, ils parviennent à s’échapper. Furieux, ces derniers une fois revenus au village, s’en prennent à une partie de la population à Yirgou, en majorité des Peuls qu’ils accusent de complicité avec les assassins fuyards. Selon le CISC, le bilan de cette vendetta fait état "exactement de 216 morts, exclusivement des hommes", tous tués "sous les regards de leurs familles". Dans une interview accordée récemment à nos confrères de libreinfo.net, le procureur de la république près du Tribunal de grande instance de Kaya, a indiqué que les officiers de police judiciaire avaient compté 50 corps et 66 disparus. Le CISC maintient son chiffre et mieux, affirme être en "mesure d’établir la filiation des victimes". Selon toujours le procureur, 180 mandats d’amener ont été décernés, mais seulement 12 mandats ont pu être exécutés. Ces personnes ont été inculpées des faits de présomption grave de crime de génocide, de meurtres, de destructions volontaires de biens, de coups et blessures volontaires et de dissimulations de cadavres.

Pour le Collectif, les massacres de Yirgou "ce pogrom peulh" est " loin d’être un fait spontané ou encore isolé", mais a été prémédité puisqu’à partir "du du 29 décembre 2018, un ultimatum de 72 heures avait été donné à tous les peulhs des différents villages de quitter leurs domiciles avant le 1er janvier 2019 alors même qu’il n’existait aucun incident pouvant faire penser à une dégradation de la situation et particulièrement du vivre-ensemble dans cette région".
L’assassinat du chef de village, qui était une personne ressource pour l’ensemble de la communauté, n’aurait été qu’un "bon alibi pour des personnes aux idées funestes de mettre en exécution leur projet".

Peu après la survenue de ce drame, le Collectif a été créé pour exiger que les coupables soient arrêtés et châtiés et surtout, "contribuer à mettre fin aux massacres, soutenir les nombreux blessés et déplacés, lutter contre la stigmatisation des communautés, prévenir des dérives de ce genre sur l’ensemble du territoire national et exiger justice pour les victimes et leurs ayant-droits".
En un an, le Collectif a ainsi organisé des conférences pour informer l’opinion nationale et internationale sur ce qui s’est réellement passé à Yirgou, des marches meetings à Ouagadougou, Dori, Bobo Dioulasso, Dédougou, la cration d’une commission d’investigation chargée de mener des enquêtes et recueillir des témoignages qui a permis d’identifier 216 personnes tuées repartis sur 20 sites autour de Yirgou. Ce n’est pas tout. A son actif, le Collectif, a aussi mis en place une cellule de veille et d’alerte qui permet au quotidien de faire remonter les informations sur les cas de stigmatisation et d’exécutions sommaires. Enfin, le Collectif a organisé des collectes et mobilisé des ressources matérielles et financières au profit des déplacés au titre de d’assistance.

Tout en regrettant l"’inertie des pouvoirs publics a marqué le début d’une série d’exécutions sommaires", le Collectif note avec indignation le fait que "la communauté peule "fait l’objet d’une stigmatisation tout azimut" et "qu’être peul est aujourd’hui source d’inquiétude au quotidien".

Dominique Koné
Kaceto.net