A partir du lundi 27 avril, le port du masque ou du cache-nez devient obligatoire sur l’ensemble du territoire. Ainsi en a décidé le gouvernement. Mais quel est le bien fondé d’une telle décision dans le contexte sanitaire qui est le nôtre ?
Explications très didactique de Sayouba Traoré

Ces lignes qui suivent, c’est un travail de journaliste. Ne vous attendez donc pas à y trouver toutes les précisions techniques avec des termes savants. Et les médecins doivent prendre sur eux pour pardonner mes approximations. Je le fais car je sais d’expérience, que lorsque vous introduisez un élément nouveau dans la vie des gens, il faut un minimum d’explications. Et c’est encore plus vrai ici, quand on sait que le domaine de la santé est très sensible. Quelques exemples pour comprendre ma démarche.
En mission en Afrique, j’ai pris un préventif contre le paludisme. Voyant cela, le chauffeur me demande : « Patron, donnez moi aussi ! ». Je lui devais quelques explications. « D’abord, tu ne sais pas quel mal je soigne en prenant ce comprimé. Ensuite, il n’est pas bon de prendre un remède sans consulter un médecin ». Sa réplique m’a fait comprendre mon erreur. « Patron, la maladie que vous avez aujourd’hui peut m’attraper moi aussi un jour ». Il nous a fallu une longue causerie pendant les 300 kilomètres de notre voyage. Et même avec ça, je l’ai quitté sans être sûr de l’avoir convaincu.
Deuxième exemple. Une vieille dame a reçu une ordonnance de son médecin en Afrique. Elle a envoyé le papier à ses petits-fils vivant en Europe. Le jour où le paquet lui est parvenu, cette dame a réuni ses copines du quartier et elles se sont partagé les médicaments. Interrogée sur cette étrange solidarité, elle a expliqué : « Quand elles aussi elles reçoivent quelque chose, elles m’en donnent un peu ».
Je passe sur les médicaments sans conditionnement connu qui circulent en Afrique. Parmi ces médicaments, il y en a un qui fait fureur. Ça s’appelle Toupaye. Un nom qui signifie que ça soigne tout. Nul ne sait ce que ce Toupaye contient, mais tout le monde en prend.
Alors pourquoi recommande-t-on le masque aujourd’hui ? Parce que le virus passe par les narines, les yeux et la bouche pour pénétrer votre corps. Il faut donc lui barrer ces voies d’accès. Autre question : de quel type de masque s’agit-il ? Je vois des jolies photos de masques fabriqués par nos artisanes. L’initiative est louable. Sauf que ! Il faut un masque capable de stopper le virus. Vous vous doutez bien que n’importe quelle matière ne fait pas l’affaire. Nos autorités doivent désigner une instance pour examiner et tester ces masques confectionnés localement. Pas de faux nationalisme ici. Il s’agit de la santé et de la vie de milliers de personnes.
Ce n’est pas tout. Car un masque s’utilise avec de nombreuses précautions. D’abord à l’achat, un client ne peut pas venir essayer un masque sur son visage et le remettre dans le lot. Rien n’indique que celui qui essaie le masque n’est pas contaminé. Cela veut dire qu’en remettant le masque essayé dans le lot, il met en danger de futurs acheteurs.
Vous avez acheté votre masque dans les normes et en prenant toutes les précautions. Il faut savoir que ce masque a une durée de vie. A la fin de cette durée, il n’est plus efficace pour vous protéger. Pour certains masques, on peut les laver en faisant beaucoup attention. Pour les masques non lavables, il faut cesser d’utiliser l’ancien et acheter un nouveau. Ensuite, vous ne pouvez pas prêter votre masque à quelqu’un d’autre. Ce masque qui est censé vous protéger peut devenir une source de contamination entre le propriétaire du masque et celui qui l’emprunte pour un instant. Avant de terminer, une chose très importante à retenir.

En portant le masque, vous vous protégez des autres qui peuvent vous contaminer. Et vous protégez également les gens autour de vous. Imaginez une mère de famille contaminée. Comment peut-elle ne pas contaminer ses enfants à
la maison ?
« Kuilg san ngolm bii yinbg golm ». Si la rivière comporte des tournants, le crocodile doit se conformer à ces virages, au risque de se briser le dos. Pour dire que nous vivons des temps nouveaux. Et devant l’inconnu, il vaut mieux adopter des comportements nouveaux.
Pour pouvoir écrire ces choses là, j’ai été obligé d’aller cet après-midi emmerder mon médecin avec mes questions. Et je vous jure qu’à la fin, il en avait serieusement marre. Mais c’est la seule façon pour le journaliste de se montrer utile à sa communauté. Je vais plus loin. Les radios et les télés au pays devraient réserver une tranche horaire où des médecins viendront expliquer ces choses, et répondre aux questions des auditeurs. Nous pouvons le faire. Nous devons le faire. Et le mieux serait dans nos langues maternelles, pour la compréhension du plus grand nombre. Parce que la cause est nationale. Il faut donc que toutes les filles et tous les fils du pays s’impliquent. Nous sommes dans un pays où les dames tournent le rétroviseur de leur moto vers elle, pour pouvoir s’examiner le portrait en circulant.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain