Le 22 avril dernier, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu une ordonnance dans l’affaire qui oppose l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro à l’Etat de Côte d’Ivoire (http://kaceto.net/spip.php?article8338).
Me Affoussy Bamba du pool d’avocats commis par le président de Générations et peuples solidaires (GPS), par ailleurs très engagée aux côtés de Guillaume dans son combat politique, explique le contenu de l’ordonnance et ses implications politiques.
La cour africaine des droits de l’homme et des peuples a ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro et de mettre fin au mandat de dépôt contre ses collaborateurs qui sont en prison.
Comment avez-vous accueilli cette nouvelle et comment l’analysez-vous ?
C’est est une victoire du droit, des libertés et une victoire de la démocratie. Les
magistrats de cette Cour ont fait preuve d’un professionnalisme et d’une intégrité qui méritent d’être soulignés.
C’est en effet le triomphe du droit sur l’obscurantisme et le bricolage
judiciaire, des libertés sur la barbarie, la persécution, l’acharnement et la dictature d’un homme et son clan. C’est enfin le triomphe de la vérité sur le mensonge. Cette décision de la cour vient dire le droit. Elle donne raison au président Guillaume Kigbafori Soro et à nous ses avocats qui avions démontré la nullité de ce dossier, le vide sidéral et les nombreuses irrégularités qui l’accompagnent.
Dès lors, il est évident aujourd’hui qu’il s’agit d’une cabale politico-judiciaire
c’est-à-dire, l’utilisation ou l’instrumentalisation de la justice
à des fins politiques, visant à écarter un candidat sérieux et déjà
déclaré à l’élection présidentielle prochaine.
Pouvez-vous rappeler les grandes lignes de l’ordonnance et ce qu’elle signifie juridiquement ?
Premièrement, cette décision est prise à l’unanimité des juges, ce qui
veut dire que tous les magistrats ont décidé d’aller dans le même
sens. Les juges auraient pu se prononcer à la majorité des voix ; c’est
d’ailleurs de cette façon que la cour prend ses décisions, ce qui
implique que certains auraient pu s’y opposer et avoir une voix
contraire. Or en l’espèce, cela n’a pas été le cas, tous, sans qu’une
seule voix ne manque et ne soit contraire, ont rendu la même
décision ;
Deuxièmement, cette décision n’est pas susceptible de recours ; ce qui
veut dire qu’elle ne peut pas faire l’objet d’un recours en appel en
opposition, ni d’un pourvoi en cassation parce que, par nature, elle
échappe à tout recours. On dit que la décision est définitive.
D’ailleurs, devant quelle autre juridiction un tel recours aurait-il pu se faire ? ;
Troisièmement, cette décision s’impose à l’État de Côte d’Ivoire parce
qu’elle a une force obligatoire, coercitive et je dirais même exécutoire
pour l’État, c’est-à-dire que la cour peut contraindre l’État contre
lequel la décision est rendue à l’exécuter.
Sur le fond, la cour dit trois choses à l’Etat de Côte d’Ivoire :
1) Surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt contre le président
Guillaume Kigbafori Soro ;
2) Surseoir à l’exécution des mandats de dépôt décernés contre
tous les prisonniers qui sont injustement détenus depuis le 23
décembre 2019. Il s’agit de :
LOBOGNON Ahiman Alain Michel, Député et ancien
ministre ;
CAMARA Loukimane, Député et ancien DG ;
SORO Kanigui, Député et Président du RACI, ;
YAO Soumahila, Député ;
KANDO Soumahoro, Député ;
KONE Kamaraté Souleymane, Diplomate ;
KARIDIOULA Souleymane, Maire de Bassawa ;
KONE Théfour, Conseiller Municipal à la mairie
d’Abobo ;
SEKONGO Félicien, Président du MVCI ;
OUATTARA Marc Kidou, Président de l’UDS ;
DJIBO Mamadou, Professeur ;
SORO Simon, Président de l’ONG la VIE ;
SORO Porlo Rigobert , Commissaire de Police ;
TRAORE Babou ;
Docteur TOURE Aboubacar, Médecin de Guillaume Kigbafori
SORO ;
OUATTARA Kramoh Seydou ;
OUATTARA Ladji ;
3) Produire un rapport de mise en oeuvre des mesures ordonnées
par la cour dans un délai de 30 jours.
Pratiquement, que va t-il se passer pour vous qui êtes obligés de résider à l’étranger ?
Cette décision a une portée juridique mais aussi politique :
Au plan juridique, la cour dit à l’Etat de Côte d’Ivoire de tout
arrêter pour revenir à une situation normale concernant Guillaume Kigbafori Soro et ses proches. Ce qui implique que toutes les procédures qui ont été engagées en interne, c’est-à-dire, au niveau national, contre lui et ses proches doivent s’arrêter immédiatement. Tous les prisonniers injustement détenus, et communément appelés pro-Soro doivent être immédiatement libérés.
Au plan politique, la cour dit clairement et je cite : « l’émission du
mandat d’arrêt contre Guillaume Kigbafori Soro l’expose à une
arrestation, ce qui l’empêche de faire campagne et d’être déclaré
inéligible à l’élection présidentielle prochaine et dans ces
conditions porte gravement atteinte à ses droits politiques ».
En clair, la cour dit que non seulement, on ne peut
empêcher Guillaume Kigbafori Soro d’être candidat à l’élection
prochaine, mais on ne peut pas non plus, porter atteinte à ses droits politiques.
En d’autres termes, il est parfaitement en droit d’être candidat et de
mener librement sa campagne. De même, la cour indique qu’on ne
peut faire fi de l’immunité des députés pour les poursuivre et les emprisonner, ni empêcher l’exercice par eux, ainsi que tous les autres, de leur liberté d’expression.
Pensez-vous que l’Etat de Côte va se plier à la décision de la Cour africaine ?
Cette décision s’impose à tous puisque j’ai déjà indiqué qu’elle est contraignante
pour toutes les parties. Il faut d’abord rappeler le principe et dire que les États parties à l’Union Africaine et signataires du Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, portant création
d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, se sont
engagés à se conformer aux décisions rendues dans tout litige où ils
sont en cause et à en assurer l’exécution dans le délai fixé par la
Cour.
Imaginez-vous la Côte d’Ivoire ne pas appliquer cette décision ? Moi pas !
D’autant que par une déclaration en date du 9 juin 2013, l’Etat de Côte d’Ivoire a déclacré « accepter la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes introduites par les individus et les ONG dotées du statut d’observateur auprès de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples ! » ? Vous savez, une décision de justice peut vous être favorable ou pas, mais vous n’allez quand même pas l’appliquer que lorsqu’elle vous sied. Vous devez le faire dans tous les cas de figure et cela montre votre engagement à respecter votre signature.
Si on vous comprend, toutes les procédures engagées en Côte d’Ivoire contre Guillaume Soro et ses camarades sont devenues nulles....
Exactement ! Je rappelle que dans son préambule, la cour affirme « son engagement à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent, et à protéger les Droits de l’Homme et des Peuples ». Les juges de la cour africaine, en ont fait leur sacerdoce. Ce qui explique que face à la défaillance de
l’appareil judiciaire de certains pays, elle reste l’ultime recours pour protéger les droits de l’homme et des peuples en permettant à ses magistrats de rétablir la vérité du droit.
C’est tout le sens de sa décision du 22 avril 2020. Je veux réaffirmer
que contrairement à ce que j’ai entendu dire, toutes
les procédures, je dis bien toutes les procédures judiciaires ouvertes
en Côte d’Ivoire contre Monsieur Guillaume Kigbafori Soro et ses
proches doivent cesser, aussi bien, les auditions devant le doyen des
juges d’instruction, que les convocations à des audiences devant les
tribunaux ou toute autre juridiction par ailleurs.
En définitive par sa décision, la cour Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples dit que tout s’arrête, que tous les prisonniers
injustement détenus pro-Soro, doivent être libérés.
Cette décision vient donc mettre fin à cette cabale politico-judiciaire
qui n’a que trop duré, qui a cassé des familles, endeuillées certaines,
tout ceci, dans le seul but de nuire à un candidat qu’on estime être
sérieux pour les prochaines élections présidentielles.
Propos recueillis en ligne par Kaceto.net
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