L’imam malien Mahmoud Dicko défie le président Ibrahima Boubacar Keita (IBK) et le virus covid-19 dans un appel à la mobilisation proféré avec des propos qualifiés d’”inssurectionnels” par la Cour constitutionnelle »… Le célèbre prédicateur musulman et son mouvement, la CMAS, entendent battre le pavé le 5 juin 2020 aux côtés du Mouvement Espoir Mali Coura (EMK) et le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), avec la bénédiction du Chérif de Nioro, figure respectée du pays.

“J’invite les gens à sortir massivement pour se rendre au Monument de l’indépendance de manière pacifique”, lance l’islamiste qui compte organiser une grande prière collective sur cette place mythique du pays de Modibo Keita. Chaque manifestant est appelé à se munir d’un masque, recommande cet imam radical selon les uns, modéré selon les autres, avec, dans tous les cas, la colline de Koulouba en ligne de mire.

De plus en plus fort, Mahmoud Dicko défie l’Etat légal depuis quelques mois. En mars dernier, il avait déchiré une convocation d’un procureur zélé au tribunal de grande instance de la Commune V de Bamako. L’annonce de l’information avait poussé des milliers de maliens à se dresser comme un seul homme, obligeant le gouvernement à retirer la plainte dans une confusion, entre l’exécutif et le judiciaire, qui ne dérange plus. Aujourd’hui, c’est un Mahmoud Dicko plus populaire que jamais qui entend faire entendre sa voix.

Usant de la rhétorique religieuse, celui qui s’était opposé à la réforme du code malien de la famille estime que l’heure de vérité est arrivée. Son analyse de la situation de l’ex Soudan français ne laisse pas indifférent. “Avec le laxisme, la démagogie, la médisance, le dénigrement, on ne va pas jamais s’en sortir. Et le pays est en train de se rétrécir. On a plus que Bamako pour faire les affaires pendant que l’étau se resserre autour de nous”, lance l’imam adepte d’un wahhabisme tropicalisé et partisan du dialogue avec les islamistes.

“Monsieur le président, il faut donner la parole au peuple avant que le peuple lui-même ne l’a prenne”

Et de s’en prendre au responsable de la situation, le président Ibrahima Boubacar Keita, autrefois allié. “Une fois, je lui fais ai cette mise en garde à Koulouba, en ces termes. Je lui ai dit : ‘’Monsieur le président, il faut donner la parole au peuple avant que le peuple lui-même ne l’a prenne. Car, en ce moment, ça devient dangereux. On ne va pas aller vers des actes qui vont déshonorer le pays. La manifestation va se dérouler dans calme et la sérénité, la compréhension mutuelle. “On doit demander des comptes à ceux qui gouvernent ce pays. Car les gens ne se révoltent pas pour rien. Il est temps qu’on parle pour ce pays. Vous voyez, on est devenu aphone vis-à-vis de la situation”.

L’imam qui rend hommage à sa façon à Nelson Mandela, ” figure africaine qui n’est pas musulmane, qui a fait 27 ans de prison et qui est devenue un héros célébré par le monde entier à sa sortie de prison”, reproche au président malien d’avoir abandonné la ville de Kidal.

“Aujourd’hui, on ne parle plus de Kidal, car c’est fini. Dans un passé récent, la question de Kidal était évoquée dans les chants de musique. Mais la situation s’est détériorée à tel point qu’on en parle plus, je peux le dire. En 2014, je suis allé à Kidal. À l’époque, il y avait un gouverneur à Kidal, tous les préfets des cercles de la région de Kidal étaient sur place. On a déjeuné ensemble dans la résidence du gouverneur et le drapeau du Mali flottait sur le toit.”

Et l’imam de reprocher aux dirigeants de son pays d’avoir signé les accords d’Alger. “C’est tête baissée qu’on est arrivé à Alger pour signer ce qu’on nous impose. On a signé l’Accord parce qu’on perdu la guerre. Le document a été signé, il y a 5 ans de cela, mais aucun point n’a été appliqué de manière satisfaisante, à part la cessation des hostilités”.

En plus de la perte de Kidal, le pays est gangrené au centre avec des affrontements inter-ethniques meurtriers. “Alors que la situation se détériore davantage, l’État reste en spectateur. Il commet une erreur politique grave, on nomme un Haut représentant du Chef de l’État pour le centre. Mais, tu t’imagines, dans un pays où il y a un ministre de la réconciliation, ministre de l’Administration ; dans la même région, il y a un gouverneur avec un préfet pour chaque cercle, cela veut dire que l’État est là”.

Ancien soutien du président IBK, l’islamiste est plus que jamais à couteaux tirés avec le locataire du palais de Koulouba : “On a voté IBK en 2013 pour des valeurs qu’on croyait en lui : fermeté, droiture, patriotisme”. Usant d’un ton direct, le prédicateur, qui a complètement éclipsé l’opposition, s’est permis de rappeler au président son passéd ‘opposant : “IBK a donc oublié ce qu’il a dit en 2008 à Ségou à l’endroit du président de l’époque (ATT) que ‘’quand on ne peut pas, on dégage”.

Des propos musclés qui présagent d’un vendredi de toutes les peurs à Bamako.

Financial Afrik