Ancien journaliste et présentateur du JT de 20 h de la RTB- une consécration pour un journaliste télé-, Do Pascal Sessouma s’est lancé, comme 12 autres candidats, dans la course à la présidence du Faso.
Président de "Vision Burkina", notre aîné- aussi bien sur l’état civil que dans le métier de journaliste- déroule un argumentaire qui détonne parfois.

Candidat de "Vision Burkina Pacifiste", un "parti autre" selon ses mots qu’il a créé en 2020, Do Pascal Sessouma s’est lancé dans la course à la magistrature suprême du 22 novembre prochain. Depuis l’ouverture de la campagne électorale le 31 octobre dernier, il parcourt, comme les 12 autres candidats, les différentes régions du pays pour convaincre les électeurs de la pertinence de son projet de société et de sa capacité à assurer leur bonheur en cinq ans. Et il ne rate aucune occasion pour souligner, il faut bien le lui concéder, l’originalité de son programme. Du moins, sur trois points.

Premièrement, partisan du pacifisme pour instaurer une "paix perpétuelle" au Burkina et dans le monde, il propose de supprimer l’armée nationale et redéployer tous les moyens humaines et financiers vers la sécurité intérieure. L’insécurité qui frappe notre pays depuis 2016, explique t-il, ne prend pas sa source chez les pays voisins, mais de l’intérieur du Burkina.
Deuxièmement, l’activisme politique des chefs coutumiers l’horripile et pour y mettre fin, il croit avoir trouvé la solution : les rémunérer afin qu’ils se tiennent loin de la gestion de l’Etat.
Enfin, troisièmement, il veut que le pouvoir soit partagé par les composantes ethniques du pays, que la capitale politique change chaque année et s’établisse dans les chefs-lieux de région. "Si Vision Burkina gagne en 2020, explique t-il à nos confrères de Lefaso.net, le pouvoir d’Etat reviendra au Centre, donc à l’ethnie moaga jusqu’en 2030. On va proposer Juliette Bonkoungou et après, on va inverser les choses. Des fois, avec des présidents issus de l’Ouest, du Nord, de l’Est, mais aussi des premiers ministres issus de l’ethnie moaga et des autres ethnies".
Pour l’originalité, le compte y est. Le malaise en plus !
Aujourd’hui, plus qu’hier, la première proposition, inspirée d’un "rousseauïsme" primitif, relève, au mieux d’une étonnante naïveté, au pire, d’une irresponsabilité criminelle dans le contexte sécuritaire qui est le nôtre depuis quelques années.
Quant à la deuxième proposition, elle mérite d’être reversée dans le débat sur le rôle et la place des gardiens de la tradition dans la gestion de l’Etat moderne, démocratique et républicain.
S’agissant de la troisième proposition, elle porte en elle les germes de la division, de l’atomisation du tissu social et sape le combat que mènent des patriotes pour faire du Burkina une nation et non une juxtaposition de communautés. Au lieu de favoriser le processus d’arrachement de l’individu à l’immédiateté, c’est à dire, le mouvement de sortie de l’état de nature vers l’état de droit, Do Pascal Sessouma encourage les Burkinabè au repli identitaire et au rejet de l’altérité.
Bien sûr, l’idée, fausse, selon laquelle le pouvoir politique est monopolisé par les Mossés du Plateau central, n’est pas nouvelle. Soumane Touré en parle lors de sa conférence de presse annuelle. Sans jamais apporter la preuve qui puisse soutenir cette thèse, évidemment fausse historiquement et socialement vénéneuse.
On peut comprendre que dans les gargotes et autres maquis, sous l’effet de l’alcool parfois frelaté, des Samos ivrognes dissertent sur "l’impérialisme mossi", mais qu’un candidat qui aspire à diriger un pays multi-ethniques comme le Burkina distille volontairement le poison de la division est proprement scandaleux et regrettable.
Depuis Maurice Yaméogo jusqu’au président actuel Roch Marc Christian Kaboré, la gestion du pouvoir a toujours reposé plus ou moins sur la compétence ou les affinités politiques et idéologiques. Et on ne peut pas affirmer que les nominations à des postes de responsabilité sont toujours motivées par des considérations ethniques, régionalistes ou religieuses. L’étude menée par un chroniqueur de Kaceto.net en 2017 (http://kaceto.net/spip.php?article4523) montre clairement que les gouvernants ont toujours eu le souci de respecter l’équilibre ethnique dans la promotion des cadres. Il y a comme une main invisible qui les guide au moment de proposer les nominations en conseils des ministres.
Proposer la gestion rotative du pouvoir, c’est déjà accréditer l’idée selon laquelle, le pouvoir est confisquée par une ethnie au détriment des autres, en l’occurrence les Mossés. Ce qui n’est pas exact.
Le Burkina est un Etat démocratique, unitaire et laïc où ne sont pas autorisés les partis ou formations politiques tribalistes, régionalistes, confessionnels ou racistes.
Dans notre pays, les divergences ont toujours été politiques, jamais sur une base ethnique, régionaliste et religieux. C’est un héritage que nous devons conserver et le léguer aux générations futures.

Joachim Vokouma
Kaceto.net