Alors que les citoyens burkinabè s’apprêtent à se rendre aux urnes dimanche 22 novembre pour élire leur président et les 127 députés de l’assemblée nationale, l’Union générale des étudiants burkinabè (UGEB) les appelle à bouder le scrutin car pour elle, ces élections ne visent qu’à permettre aux "partis politiques de la bourgeoisie de se partager des postes électifs et de nominations aux lendemains des élections pour continuer à piller l’argent du peuple".

« MESSAGE A L’OCCASION DU MEETING DES SECTIONS ET COMITÉS D’INITIATIVE

Camarades étudiantes,

Camarades étudiants,

Le Comité Exécutif de l’UGEB voudrait, avant tout propos, saluer la mobilisation exemplaire des étudiants ce jour dans toutes les sections et comités d’initiative à travers le pays.
Cette mobilisation est pour nous la traduction concrète de l’engagement des étudiants burkinabè à se battre pour la défense ferme de leurs droits sociaux et démocratiques et pour un système d’enseignement supérieur populaire et de qualité.
Les meetings qui se tiennent ce matin dans les différentes sections et comités d’initiative de notre Union visent à :
– dénoncer la situation catastrophique dans laquelle végète nos universités au plan académique et au plan social pour les étudiants ;
– interpeller les autorités à se pencher de façon diligente sur les préoccupations des étudiants ;
sonner la mobilisation pour les luttes futures qui s’avèrent inévitables.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

Le présent meeting se tient dans un contexte national marqué par l’aggravation de la crise multidimensionnelle que connait notre pays.
Sur le plan sécuritaire, des pans entiers du territoire national échappent au contrôle de l’Etat dans les régions de l’Est, de la Boucle du Mouhoun, du Centre nord, du Nord et du Sahel. Chaque jour, le terrorisme endeuille de nombreuses familles. La dernière en date est celle de Tin-Akoff qui a fait quatorze (14) morts du côté des FDS. Les populations se voient obligées d’abandonner des villages entiers dans l’indifférence de plus en plus marquée des gouvernants. La crise sécuritaire et humanitaire est désastreuse. Les attaques terroristes ont fait plus de 1 600 victimes dont plus de 1200 civils. Le nombre de déplacés internes du fait de la crise sécuritaire ne fait qu’augmenter de jour en jour. Selon les chiffres officiels, disponible en septembre 2020, on notait 111 087 ménages et 1 013 234 individus déplacés internes répartis dans 250 communes d’accueil. Ces déplacés vivent dans des conditions exécrables sans abris et système de protection sociale (santé, assistance humanitaire…) adéquats. 2,9 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire, 948 000 personnes ont besoin de protection et 1,5 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire en matière de santé. Plus de 2 500 écoles sont fermées privant plus de 350 000 enfants de l’accès à l’école.
Au plan socio-économique, la situation déjà catastrophique s’est aggravée avec la pandémie du coronavirus entraînant la faillite des PME-PMI. Le chômage des jeunes est de plus en plus inquiétant. La fonction publique qui est la plus grande pourvoyeuse d’emplois a, depuis cinq (05) ans maintenant, décidé de réduire de manière drastique les recrutements allant de 25% à 75 % pour certains emplois, augmentant ainsi le nombre de chômeurs. Cela, dans le cadre de la mise en œuvre des directives des institutions de Brettons-Woods (BM, FMI) concernant la « maîtrise de la masse salariale ».
Au plan politique la situation reste marquée par la campagne en vue des élections présidentielle et législative du 22 novembre 2020. Tous les partis politiques de la bourgeoisie sont sur le terrain de la conquête de l’électorat en vue de se partager des postes électifs et de nominations aux lendemains des élections pour continuer à piller l’argent du peuple pour les uns et participer aux pillages pour les autres. Mais également montrer à l’impérialisme principalement français qu’ils peuvent protéger leurs intérêts sur le dos du peuple. Aucun des candidats à l’élection présidentielle ne présente un programme de gouvernement capable de sortir notre pays du joug du néocolonialisme et du libéralisme sauvage. Tous sont unanimes sur un point : réaliser l’unité de la bourgeoisie à travers une pseudo réconciliation nationale. C’est pourquoi, la réconciliation fait partie avec la question sécuritaire des sujets les plus évoqués pendant ces campagnes.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

Quel est l’état de la situation dans les universités ? L’enseignement supérieur est en crise et c’est un euphémisme. Depuis l’application des Programmes d’Ajustement structurels (PAS), les différentes réformes successives engagées dans l’enseignement supérieur (refondation, système licence master doctorat) ont fini par plonger les universités dans l’abime. Plus rien ne va dans nos universités qui sont en situation difficile sur tous les plans : insuffisance en infrastructures, insuffisance en enseignants, retard académique, situation sociale précaire etc.

Selon le ministère des enseignements supérieurs, en 2018 on notait 100 219 places assises pour les cours (salles de cours et amphithéâtres) dont 64 917 dans le privé, soit 64,77% des places disponibles. A cette même date, seulement 22% des étudiants étaient inscrits dans les universités et grandes écoles privées. Ainsi, les universités et grandes écoles publiques avec 78% des effectifs ne comptaient que moins de 36% des places disponibles pour les cours. Selon ces mêmes statistiques, au niveau des laboratoires, on comptait 3 401 places dont 2 381 dans le privé, soit 70% des places disponibles. Les capacités d’accueil dans les salles informatiques étaient de 5 302 dont 3 664 dans le privé soit 69,1%. L’ensemble des bibliothèques comptait 5 695 dont 4 791 dans le privé, soit 84,12%. Ces quelques chiffres montrent bien que la tendance est au désengagement total de l’Etat du secteur de l’enseignement supérieur au profit du privé.

Sur le plan social, la clochardisation des étudiants a atteint un niveau jamais égalé. La bourse est rare, l’aide FONER insuffisante et le prêt une grosse charge. En 2018, on dénombrait 7,26%, 62,31% et 9,9% bénéficiaires respectivement de la bourse, de l’aide et du prêt FONER. Ainsi, 20,53% des étudiants burkinabè inscrits au pays ne bénéficient d’aucune allocation sociale.
Le contingentement à outrance des repas servis dans les restaurants universitaires prive l’écrasante majorité des étudiants du bénéfice du système de restauration universitaire.
Concernant le logement étudiant, en 2018, on dénombrait 4 600 étudiants soit 3,9% des effectifs sont logés en cités universitaires. Les centres universitaires ne disposent pas de cités universitaires.
Le transport étudiant devient un service rare d’année en année. Le nombre d’étudiants transporté par jour est passé de 1 600 en 2014 à 380 en 2018.

Au plan académique, les années académiques se chevauchent et les taux d’échecs sont très élevés. L’application du nouveau régime d’études dans les universités constitue une mesure anti-étudiant qui aggrave la situation académique des étudiants. Le système est tellement sélectif et cynique que de nombreux étudiants abandonnent les études universitaires.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

Que proposent les partis politiques en campagne pour les élections législatives et présidentielle du 22 novembre 2020 face à la crise que traverse notre pays en général et l’enseignement supérieur en particulier ? Rien, absolument rien. En effet, tous se complaisent dans des promesses démagogiques consistant à se présenter aux masses comme la solution aux préoccupations de notre peuple. Pourtant aucun d’eux ne pose le problème principal à l’origine de tous les autres maux que connait notre pays à savoir la question de la souveraineté nationale véritable sur tous les plans. Comment alors prétendent-ils apporter des solutions aux problèmes des masses en restant sous la dépendance politique, économique, culturelle et militaire de l’impérialisme principalement français ? Pour nous, tant que le lien ombilical avec l’impérialisme n’est pas coupé, il est illusoire de parler de développement. C’est pourquoi, nous considérons les promesses électoralistes des partis politiques de la bourgeoisie comme de la pure démagogie que nous dénonçons.

Concernant l’enseignement supérieur en particulier, très peu de place y est réservée dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle. Toutefois, l’on peut, à l’examen de ces différents programmes, retenir les éléments suivants :
– le maintien du statu quo c’est-à-dire des réformes anti-étudiantes en cours notamment la réforme LMD telle qu’appliquée dans nos universités publiques. Cela ressort du programme de la plupart des candidats ;
– la volonté de faire du Baccalauréat un diplôme terminal du secondaire dont l’examen sera désormais organisé par le Ministère chargé de l’Education à travers l’Office central des Examens et Concours du Secondaire (OCECOS) et non pas par les Universités comme cela se passe actuellement. Cette mesure qui consacre le retour de la formule du Bac version OCECOS combattue par les organisations d’enseignants et d’étudiants au cours de l’année académique 1999-2000 aura pour conséquence de réduire l’accès à l’université pour bons nombres d’étudiants. Cette mesure devra s’accompagner d’autres à savoir la digitalisation des cours et le e-learning ainsi que la création d’universités virtuelles. Il s’agit d’une stratégie pour vider les universités, considérée comme surpeuplée. C’est donc le retour du système extra et intra-muros conséquence directe de la formule du Bac OCECOS dont la mise en œuvre avait été tentée par le pouvoir Blaise COMPAORE dans les années 99-2000. Cette mesure est notamment prévue dans le programme du candidat du MPP.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

A la lumière de ce qui précède, il convient que nous, étudiants burkinabè, ayons une bonne compréhension des enjeux des élections à venir.
Pour le mouvement du peuple (MPP) et alliés, il s’agit de se maintenir au pouvoir en vue de consolider leur base économique et protéger les intérêts de l’impérialisme notamment français ; Cette bourgeoisie au pouvoir et au service des puissances impérialistes et des multinationales se livre à une accumulation primitive et accélérée du capital à travers le pillage systématique des ressources du pays par la corruption, les détournements de deniers publics, la concussion, les marchés léonins, les partenariats publics privées, les surfacturations, la fraude fiscale et douanière etc. Le maintien du pouvoir leur permettra de couvrir leurs arrières en toute impunité.

Pour les partis de l’opposition, autres mouvements et regroupements « d’indépendants », il s’agit de conquérir ou reconquérir le pouvoir afin de constituer ou reconstituer leur base économique mais aussi de prouver à l’impérialisme français leur capacité à défendre ses intérêts.
Pour tous les partis l’un des enjeux est d’amnistier les dignitaires de la IVème république de tous les crimes économiques et de sang tout en assurant le retour en toute impunité des exilés.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

Nous ne devons donc rien attendre des élections. C’est pourquoi, l’UGEB vous invite à vous démarquer des illusions électoralistes en boycottant massivement ces élections.
Nous devons continuer à nous mobiliser massivement dans nos organisations pour dire non à cette situation exécrable dans laquelle vivent les étudiants et pour une défense ferme et intransigeante de nos intérêts matériels et moraux. Non ! Camarades, cette situation ne doit pas perdurer ! Nous pouvons ensemble la changer en notre faveur. C’est pourquoi toutes les sections et comités d’initiative devront s’organiser avec les étudiants autour des points de revendications minimums suivants :
– l’amélioration des conditions de vie et d’études (augmentation du taux et du contingent annuel de la bourse, augmentation du taux de l’aide FONER et sa base d’octroi ; l’octroi d’une bourse à tout étudiant admis au 3ème cycle universitaire ; la construction de cités universitaires dans tous les centres universitaires ; mise en place d’un système de santé fiable au profit des étudiants ; arrêt du contingentement des repas dans les RU ; construction de nouvelles cités universitaires et octroi d’une chambre à tout étudiant désirant y loger…) ;
– la suspension de l’application du système licence master doctorat (LMD) jusqu’à réunir les conditions de son application ;
– l’abrogation pure et simple du décret liberticide n°2012-646/PRES/PM/MESS portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina ;
– l’abrogation des arrêtés relatifs aux nouveaux régimes respectivement dans les cycles Licence et Master ;
– la relecture des franchises universitaires.
A ces points, les sections et comités d’initiative y ajouteront leurs préoccupations spécifiques.

Camarades étudiantes,
Camarades étudiants,

Dans cette lutte, nous ne sommes pas seuls. Nous devons nous convaincre que c’est par notre mobilisation aux cotés de notre peuple que nous contribueront significativement d’une part à l’amélioration de nos conditions de vies et d’études et d’autre part à l’avènement de la Révolution Nationale Démocratique et Populaire, seule alternative véritable qui permettra de sortir nos universités du bourbier dans lequel elles sont plongées et d’engager notre pays sur la voie du progrès social véritable.

Le 18 novembre 2020

Le Comité Exécutif