Nommé (ou plus précisément reconduit) le 05 janvier 2021 par le président Roch Marc Christian Kaboré, le premier ministre Christophe Joseph Marie Dabiré a fait sa déclaration de politique générale (DPG) devant l’Assemblée Nationale du Burkina Faso le jeudi 04 février 2021. Il s’est donc acquitté de son devoir en accomplissant cet acte républicain inscrit dans la Constitution du Burkina Faso en son article 63. Dans ce court article, je voudrais vous proposer un décryptage sémantique un peu inhabituel du contenu textuel de son allocution.

Sans rentrer ici dans la cuise méthodologique et technique, disons que la cartographie ci-après, générée sous Gephi, permet de visualiser le poids des principaux univers de références sémantiques structurant ce discours de politique générale et leurs relations.

Cette cartographie laisse apparaître deux importants blocs sémantiques articulés :
  Le premier bloc sémantique (en vert sur le graphe) met en scène les enjeux du développement de l’économie en général au cœur des territoires (notamment les secteurs économiques tels : les entreprises, les industries, les mines, l’agriculture et l’élevage, la technologie, etc.) et des services sociaux de base (par « services sociaux de base » entendons : l’éducation et la formation, la santé, les routes, les pistes rurales, l’électricité, les télécommunications, l’hydraulique, l’assainissement, les services financiers, les services communautaires pour les femmes, les jeunes et les enfants en particulier, etc.). Notons que ces enjeux de développement territorialisé de l’économie et des services sociaux de base ne vont pas sans poser la question non moins importante de leur financement.
  Le deuxième bloc sémantique (en rouge) met clairement en évidence des enjeux socio-politiques nationaux (les questions de « droit, de loi et de justice », de « dialogue, réconciliation nationale, paix » et d’ « autres valeurs républicaines » telles la liberté, l’égalité, la solidarité, la cohésion sociale, la démocratie) et des enjeux sécuritaires (la lutte contre le terrorisme djihadiste et les conflits intercommunautaires notamment, mobilisant fortement les forces de défense et de sécurité et les groupes d’auto-défense).
Une fois identifiés les principaux univers de références structurants (et leurs relations), il peut être intéressant d’observer la dynamique de leur déploiement dans la trame de la déclaration de politique générale du premier ministre Dabiré. La « table de partition » qui suit nous en donne un aperçu saisissant concernant quelques référents noyaux. Cette table a été construite en divisant d’abord le texte de la déclaration du premier ministre Dabiré en trois secteurs contenant un nombre égal de mots. Puis un calcul automatique permet de connaître la fréquence et le taux d’occurrence de chaque groupe sémantique à l’intérieur de chaque secteur (les chiffres indiqués dans la table ci-après correspondent aux taux d’occurrence de chaque groupe sémantique en %). Les secteurs se suivent en ordre chronologique, de gauche (début du discours), à droite (fin du discours).

Nous pouvons le constater, les groupes sémantiques ici concernés n’ont pas la même concentration dans les trois parties du texte de déclaration du premier ministre Dabiré :
  Dans le premier tiers du discours, le premier ministre Dabiré met centralement en scène les enjeux sécuritaires et socio-politiques avec une forte implication personnelle par l’usage du pronom personnel « JE » (Entendre : je, me, moi, mon, ma, mes…). C’est dire toute l’importance qu’il accorde à ces enjeux-là comme enjeux prioritaires.
  Dans le deuxième tiers du discours, sont mis centralement en scène les enjeux économiques et commerciaux. Mais on peut noter une part significative accordée à la question des services sociaux de base.
  Enfin, le troisième et dernier tiers du discours consacre la part belle aux enjeux relatifs aux services sociaux de base (au bénéfice des « femmes, des jeunes et des enfants » notamment) et à l’épineuse question du financement. C’est aussi à ce moment précis du discours que nous observons une rafale significative du « NOUS » comme pour conclure la déclaration de politique générale par une sorte d’appel à la responsabilité et à l’engagement collectif.

On pourrait résumer cette « partition » en disant que pour le premier ministre Dabiré, « le développement des services sociaux de base et de leur financement passe par le développement économique. Mais il y a un préalable à tout cela, c’est d’abord et avant tout de gagner les enjeux socio-politiques et sécuritaires auxquels le pays fait face depuis belle lurette ».
Bien évidemment, tout ce qui vient d’être dit n’épuise pas tout le sens de la déclaration de politique générale du premier ministre Christophe Dabiré. Mais la visée de la proposition de lecture particulière que je fais ici est toujours la même : fournir une piste, indiquer des moyens méthodologiques et techniques pour traquer les sens et les connaissances derrière les mots et les corpus de textes plus ou moins volumineux et intéressants… Et ouvrir le champ des accès interprétatifs possibles.

Par Ousmane SAWADOGO, Consultatnt Text Analytics & TM
Kaceto.net.