C’est maintenant officiel : le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (Eddie Komboïgo) est désormais le chef de file de l’opposition politique.
Il a été installé ce matin du 5 mars par le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, en présence du sortant, Zéphirin Diabré.

La cérémonie de passation des charges entre le nouveau chef de file de l’opposition politique, Eddie Komboïgo et son prédécesseur, Zéphirin Diabré qui se voulait sobre a pris les allures d’un grand rassemblement politique. Il fallait montrer patte blanche pour accéder au siège du CFOP, dans le quartier Zogona de Ouagadougou, les rues étant barrées par la police nationale. "Quand les personnalités de la républiques vont quelque part, c’est comme ça, surtout par ces temps d’insécurité" explique, presque désolé un policier.
C’est le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, tout de blanc vêtu, qui a présidé la cérémonie de passation des charges, "une première dans l’histoire politique de notre pays, signe que les esprits ont changé et que la politique, ce n’est pas l’inimitié", a t-il commenté.
Le CFOP, faut-il le rappeler, est une institution de l’Assemblée nationale et c’est elle qui met à la disposition du CFOP un budget de fonctionnement d’un montant de 300 millions de F CFA par an. Pour cette 8è législature, c’est le 10 février 2021 qu’une résolution a été prise consacrant le président du CDP chef de file de l’opposition, son parti étant arrivé deuxième derrière le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) avec 20 députés et devant l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré (12 députés) .

Après avoir installé Eddie Komboïgo dans son fauteuil de chef de file de l’opposition, le président de l’Assemblée national lui a souhaité une bonne santé et beaucoup de courage. Il a promis de passer de temps en temps lui "rendre visite durant cette législature que celles à venir".
Prenant la parole, le nouveau patron de l’opposition politique burkinabè a rendu un hommage mérité à son prédécesseur "ce grand homme qui a eu l’intelligence de créer un cadre de concertation de l’opposition", lequel a débouché sur la signature d’un accord politique de l’opposition en août 2020. Mieux, il a contribué selon lui à ce que les élections soient consensuelles. "Ce n’est pas facile de diriger l’opposition ; la preuve c’est que vous êtes partis" a lancé Eddie Komboïgo à Zéphirin Diabré, lequel n’a curieusement pas eu la parole pour s’exprimer.
Le président du CDP est revenu sur le processus d’enrôlement des électeurs au plan national et à l’étranger, les conditions dans lesquelles s’est déroulé le scrutin, puis la publication des résultats. Eddie Komboïgo persiste et signe, manifestement pas convaincu que les résultats reflètent la volonté de la majorité des électeurs "Nous avons été désabusés par la CENI qui a publié les résultats provisoires sans compilations manuelles", a t-il regretté. Il a révélé que des observateurs inquiets ont fait des pieds et des mains aussi bien auprès des responsables du CFOP que de l’Alliance des partis de la majorité présidentielle pour demander d’entériner les résultats. Le président du CDP en veut aux neufs membres du conseil constitutionnel qui ont accepté de recevoir sur la forme les recours qu’il a déposés, mais les ont rejetés sur le fond. D’après son comptage, 200 bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir pour la présidentielle et 289 autres pour les législatives, soit environ 144 000 citoyens privés de vote. "Sachant que par endroits, des députés ont été élus avec 1000 voix, on peut imaginer l’impact de ces dysfonctionnements sur les résultats finaux", a t-il conclu. Malgré toutes ces récriminations, le président du CDP dit avoir accepté les résultats "pour préserver la paix sociale et endosser l’habit du chef de file de l’opposition".

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, Eddie Komboïgo se réjouit que le gouvernement ait évolué en optant pour la négociation, allusion aux révélations du Bi-mensuel L’Evénement publiées la semaine dernière et selon lesquelles, des terroristes auraient été libérés par le Burkina. Une information démentie par le porte-parole du gouvernement mercredi lors d’un point presse. Il demande aux Burkinabè et aux partenaires internationaux de continuer d’apporter leurs soutiens aux Forces de défense et de sécurité (FDS), car le bilan de cette guerre qui dure depuis plus de cinq (5) ans a déjà fait plus de 2000 morts, militaires comme civiles et plus d’un million de déplacés internes.
Eddie Komboïgo s’est également exprimé sur la réconciliation nationale. Pour lui, il temps que les Burkinabè aillent à la paix en pardonnant ce que "les aînés ont fait depuis 1960". Il a regretté que sur le dialogue social, des agents aient été affectés pour fait de grève et que Bassolma Bazié ait été conduit à la démission de la fonction publique à cause de "la rigidité du gouvernement".
Mercredi dernier, le conseil des ministres a décidé le report des élections municipales et régionales à mai 2022. Un projet de loi devrait être adopté bientôt à l’assemblée nationale à cet effet, mais le président du CDP demande à l’exécutif de suspendre le processus de l’examen de la loi afin d’ouvrir un débat entre la majorité et l’opposition sur le sujet. Pour lui, les textes de la CEDEAO interdisent d’opérer des réformes à six (6) mois d’échéances électorales.

Joachim Vokouma et Cheick Traoré
Kaceto.net