Depuis un certain temps, un vaccin anti-covid-19 fait parler beaucoup de lui en France : le vaccin ADZ1222 connu tout simplement sous le nom commercial « AstraZeneca ». C’est un vaccin né de la collaboration entre l’université anglaise d’Oxford et le laboratoire AstraZeneca, un groupe pharmaceutique né de la fusion du suédois Astra et du britannique Zeneca.

Ce vaccin a été mis au point suivant une technologie classique. En effet, il utilise un adénovirus modifié de façon à contenir le matériel génétique codant pour la protéine dite de pointe (ou protéine « spike ») du virus SARS-CoV-2 (le coronavirus responsable de la covid-19). Cet adénovirus ne se répliquerait pas chez l’homme (Ouf !). L’AstraZeneca, vaccin à vecteur viral, est donc bien différent des vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna qui, eux, utilisent la technologie révolutionnaire de l’ARN messager.
Le graphique ci-après que je vous présente montre l’évolution de cinq indicateurs sémantiques plus ou moins associés à l’évocation du vaccin d’AstraZeneca dans les titres de publications francophones du 1er janvier 2020 au 08 avril 2021. Ces cinq indicateurs permettent, à mon sens, de mettre en évidence la tonalité du « halo discursif » autour du vaccin « AstraZeneca ».
Petite note technique : pour saisir la dynamique évolutive de ces indicateurs, j’ai procédé au plus simple. En effet j’ai d’abord constitué, dans un seul fichier et dans l’ordre chronologique (Janvier 2020 – Avril 2021), un corpus significatif et pertinent de titres associés à l’évocation du vaccin d’AstraZeneca. Ensuite le corpus de titres ainsi constitué est automatiquement divisé en 10 secteurs (s1, s2, s3… s10, du début à la fin du corpus) contenant le même nombre de mots. Enfin, la fréquence d’apparition de chacun des cinq indicateurs à l’intérieur de chaque secteur est automatiquement calculée.

Le graphique obtenu de ces analyses montre bien deux temps clairement distincts de la couverture médiatique du vaccin d’AstraZeneca :
• Le premier temps (qui va de S1 à S4 sur le graphique) est celui des « good news » (les bonnes nouvelles) si j’ose dire. L’aire des eaux calmes. C’est le temps où le vaccin d’AstraZeneca passe le cap des essais cliniques sur son efficacité et obtient des autorisations de mise sur le marché, d’abord au Royaume-Uni, puis dans nombre de pays dans le monde et notamment au sein de l’Union européenne). Notons toutefois que dès « S2 » sur le graphique, la référence à l’efficacité du vaccin commence à chuter alors que celle relative à la défiance (entendons sous ce label, « défiance, méfiance… ») commence à augmenter.

• Le deuxième temps (qui va de S5 à S10 sur le graphique) marque un renversement complet de tendance. C’est le temps des « bad news » (mauvaises nouvelles) qui s’accumulent et éclipsent tout le reste. L’aire des eaux troubles donc. En effet, c’est le temps où les titres ont donné le plus de visibilité :
  aux effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca (risques de thrombose et de troubles de la coagulation notamment) sur lesquels les autorités de contrôle ont dû se pencher (Agence européenne du médicament – EMA, Haute Autorité de la Santé en France - HAS, etc.) et aux décès supposés liés au vaccin d’AstraZeneca ;
  à la défiance générée (défiance, méfiance, peur, rejet sur fond quelques fois de théories complotistes, restrictions de cibles, suspensions par-ci, par-là).
Les Anglais disent : « perception is reality ». C’est vrai. Notre monde psychosocial est ainsi construit. Pourtant, le halo discursif à tonalité nettement négative de ces derniers temps, entretenant le doute voire le rejet du vaccin d’AstraZeneca, est absurde sur le plan de la rationalité purement scientifique pour plusieurs raisons :
  L’Agence britannique des médicaments, la MHRA, rapporte 19 personnes décédées sur un total de 79 cas de thrombose identifiés au 31 mars 2021. Rapportés aux plus de 20 millions de doses du vaccin d’AstraZeneca injectées au Royaume-Uni à ce jour, ces chiffres sont vraiment dérisoires. Mais, nous sommes d’accord, un mort, un seul mort est toujours de trop).


  Le vaccin d’AstraZeneca a démontré une efficacité d’environ 60% dans les essais cliniques. Après une mise à jour des données issues d’un essai clinique aux USA, au Pérou et au Chili, le laboratoire a annoncé, jeudi 25 mars, une efficacité à 76% pour prévenir les cas dits symptomatiques (85% chez les 65 ans et plus).
Par ailleurs, au titre des avantages on retiendra que c’est un vaccin moins coûteux que ceux de Pfizer/BioNTech (environ 2,50 euros la dose) et plus simple à stocker au long terme car il n’a pas besoin d’être conservé à une température très basse ( AstraZeneca entre 2°C et 8°C ; Moderna à -20°C ; Pfizer/BioNTech à -70°C). Pour une vaccination à grande échelle, il est clair que AstraZeneca remporte le match.
En somme, les bénéfices du vaccin anti-covid-19 d’AstraZeneca l’emportent largement sur les risques (très rares) auxquels il peut exposer. Reste à vaincre ce fameux « halo discursif » négatif, par l’information transparente et la communication positive et persuasive. Les médecins ont un rôle de premier plan. Les autorités politiques, les médias et toutes les personnalités de bonne foi doivent s’y engager avec conviction. Le groupe AstraZeneca ne doit pas être en reste. Il a trouvé un nouveau nom commercial à ce vaccin injustement mal aimé. Ce dernier s’appelle désormais « Vaxzevria ». Ce n’est certainement pas suffisant à court terme pour briser le halo négatif, mais pour le long terme c’est plutôt bien vu. Car nommer, c’est appeler à l’existence, c’est aussi permettre une renaissance.

Ousmane SAWADOGO, Consultant TM & Text Analytics
Kaceto.net