La crise sanitaire a démontré le caractère accélérateur des nouvelles technologies en matière de créations de richesse. L’Afrique doit miser sur le numérique, à condition de consentir aux investissements en infrastructures, considère le rapport Africa Pulse de la Banque mondiale.

Selon la Banque mondiale, les pays d’Afrique subsaharienne se mettent « sur une trajectoire de reprise » après la pandémie de Covid-19. Il sera essentiel d’assurer une croissance supérieure à 4% à partir de 2022 et au-delà. Le rapport Africa Pulse de la BM, qui vient d’être publié, anticipe une croissance de 2,3 % à 3,4 % en 2021, l’hypothèse optimiste se fondant sur une propagation rapide de la vaccination sur le continent.

À moyen terme, la croissance de 4 % l’an, nécessaire pour soutenir les pays les plus en retard dans leur développement, est atteignable si les pays mettent en œuvre un ensemble de mesures favorables. Qui tiennent à l’investissement, y compris en capital humain, et à l’amélioration de la compétitivité que permettraient des taux de change plus adaptés. Sachant que « les douze prochains mois seront critiques pour tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine, de façon à renforcer l’intégration des pays africains dans des chaînes de valeur régionales et mondiales ».

Les nouvelles technologies doivent s’accompagner d’investissements dans les infrastructures physiques, l’électricité, l’alphabétisation, mais aussi de réglementations intelligentes. Si le téléphone mobile est désormais accessible à tous, il n’en est pas de même pour l’Internet et l’électricité.

L’une des voies de développement tient dans l’économie numérique. Laquelle suppose d’importantes infrastructures, notamment en électricité. « Des réformes visant à combler les écarts infrastructurels dans le secteur numérique et destinées à rendre l’économie numérique plus inclusive, c’est-à-dire améliorant l’accès financier tout en développant les compétences dans tous les segments de la société, seront d’une importance critique. »

Sur la période récente, l’économie numérique a été d’« une importance capitale » pour assurer la poursuite des activités des gouvernements, des affaires et de la société. Dès lors, s’interroge la BM, quelles répercussions à attendre du déploiement du numérique sur l’emploi ? Sans nul doute, des politiques encourageant les investissements dans l’innovation et les technologies numériques peuvent aider à rétablir les structures économiques et à faciliter le rattrapage de l’Afrique.

Les technologies numériques offrent la possibilité de se diversifier au-delà de l’exploitation des ressources naturelles, en allégeant les contraintes financières auxquelles font face les entrepreneurs, notamment les exigences en matière de capitaux pour les start-up.

Une productivité du travail accrue

La BM cite les exemples du Nigeria et du Kenya, devenus les épicentres d’une expansion de la technologie financière dans la région. Ces pays ont recours à des technologies bon marché et accessibles pour mobiliser des consommateurs de façon innovatrice, par exemple, les prêts digitaux. Les technologies numériques ont un rôle essentiel dans la capacité de la région à relever des défis majeurs en matière de développement, comme la diversification économique, la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire et la gouvernance.

Le constat était fait avant même la crise sanitaire. On a vu que l’emploi et la productivité du travail sont plus élevés dans des entreprises utilisant des smartphones, des technologies de transaction numériques et des solutions de gestion numériques. Au Sénégal, par exemple, le taux d’emploi dans les entreprises informelles utilisant ce type de un logiciel était 1,6 fois plus élevé que dans celles qui n’en utilisaient pas, tandis que ce taux chez les entreprises utilisatrices d’outils numériques pour recruter des travailleurs atteignait plus du double de celui des non-utilisatrices. De plus, le salaire moyen dans les entreprises faisant appel à des technologies de transaction numériques était 1,5 à 2,4 fois plus élevé.

L’enseignement de la crise actuelle

Pour autant, l’adoption des technologies numériques au sein des entreprises africaines reste faible. Par exemple, 7 % des entreprises informelles interrogées avant la pandémie utilisaient Internet à des fins commerciales dans les pays d’Afrique subsaharienne. Parmi les entreprises ayant accès à l’Internet, près de 25 % cherchent des fournisseurs en ligne, tandis que 10 % utilisent des solutions de commerce en ligne. La lenteur de cette adoption peut s’attribuer à l’absence d’équipements compatibles avec l’Internet, au prix élevé des services, des smartphones et des données mobiles, ainsi qu’au manque de connaissances.

La crise sanitaire a accéléré l’insertion d’outils et de solutions numériques dans différents secteurs de l’activité économique. L’adoption croissante des technologies numériques et l’expansion de la connectivité ont fait émerger de nouvelles activités et de nouvelles façons de mener à bien des activités existantes.

Sur le plan sanitaire, plus de 120 solutions fondées sur la technologie ont été testées ou adoptées en Afrique, soit 13 % des innovations conçues au niveau mondial, révèle la BM. Des politiques industrielles impliquant une remise à niveau technique ont aidé les pays africains à préserver ou à créer des emplois.

Dans le secteur public, l’administration fiscale a bénéficié des progrès grâce à la numérisation. Les cartes d’identité numérique, les déclarations fiscales, les grandes bases de données, les analyses contribuent à réduire les coûts de transaction et les temps d’exécution, ainsi qu’à améliorer l’efficience de la gestion du risque et des techniques d’audit.

La crise a également encouragé l’innovation dans la prestation de services, notamment par la promotion des paiements de gouvernement à individu. Les technologies numériques ont étendu la couverture des filets sociaux de sécurité a amélioré le ciblage et a protégé les bénéficiaires, malgré les mesures de distanciation. L’augmentation des payements aux bénéficiaires a été réalisée en utilisant entre autres des comptes d’argent mobile, comme le programme Novissi du Togo.

De nécessaires investissements

Dans le privé, la plupart des entreprises dans la région ont ajusté leur emploi en réduisant les heures et les salaires et ont évité de licencier des travailleurs. Parallèlement, elles ont étendu l’utilisation des technologies numériques en réponse à la pandémie.

Les enquêtes menées dans 18 pays montrent que 22 % des entreprises ont introduit ou augmenté leur utilisation de l’Internet, des médias sociaux et des plates-formes numériques. De plus, les entreprises ayant des niveaux technologiques élevés avant la Covid-19 sont plus susceptibles d’accroître la numérisation en réponse à la pandémie et de bénéficier de niveaux plus élevés de vente et d’emploi.

« Les interventions numériques ne sont pas par elles-mêmes une panacée », prévient la BM. Elles doivent s’accompagner d’investissements dans les infrastructures physiques, l’électricité, l’alphabétisation, mais aussi de réglementations intelligentes. Si le téléphone mobile est désormais accessible à tous, il n’en est pas de même pour l’Internet et l’électricité. À long terme, l’Internet devrait avoir un impact plus important sur la croissance économique. Beaucoup dépendra de l’adoption d’un cadre réglementaire favorable et de modèles d’entreprises soutenables pour encourager la diffusion de l’Internet et des infrastructures liées.

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