Hier 2 juin, cela faisait exactement trente (30) ans que la constitution de la quatrième république, celle en vigueur, était adoptée par référendum.
Pour Sayouba Traoré, cet anniversaire telle raconté n’est pas exact parce qu’on occulte le rôle d’un acteur majeur, en l’occurrence la CFD

Constitution de juin 1991. Rappelez vous, ou faites vous expliquer comment cette constitution est née. Telle que racontée et célébrée en ce trentième anniversaire, l’histoire est tronquée. En tout cas, racontée à moitié. Je ne prête aucune intention à quiconque. Je me contente d’établir un constat. Les faits, rien que les faits.

Nul n’a jugé utile de mentionner le rôle moteur de la CFD (Confédération des Forces Démocratiques) dans ce combat.
Car, pour arracher cette constitution, ce fut un combat acharné. Un grand moment de notre histoire qui ne saurait être ignoré. Ou simplement effleuré de la main en passant.

Si on a parlé de la CFD, ce fut rarement et de manière fugace. Du bout des lèvres, en somme. Comme un détail quoi ! On ne peut pas occulter ceux qui se sont battus pour avoir cette constitution, et encenser les acteurs qui se sont farouchement opposés à sa naissance. Les uns et les autres se reconnaîtront. Et chacun reconnaîtra de quel côté de la palissade il se tenait.

Si les jeunes ignorent une chose, on peut avancer deux explications. Soit on ne leur a pas expliqué. Soit on leur a dit, expliqué, mais ils ont suivi d’une oreille distraite. Tout bâtisseur soucieux du futur vous dira qu’on prend garde aux travaux des sols et la construction des fondations. Édifier la jeunesse, c’est construire le futur sur des fondations bien pensées.

Ce que je dis là est loin d’être anecdotique. Car si on ne se situe pas en ces temps des conférences nationales souveraines, on ne peut pas expliquer pourquoi cette constitution de juin 1991 nous a conduit à l’insurrection de 2014. Donc, soit on dit les choses, soit on se tait prudemment. Si les massacreurs qui refusaient l’idée même de sortie du pouvoir d’exception se retrouvent en haut de l’affiche, ne vous étonnez pas si cela est vécu comme une provocation. Une de plus !

Chantal Compaoré n’a pas réveillé son époux un matin, et mon grand frère a dit dans un sourire "Tiens, je vais donner une constitution aux Burkinabé !". Ça ne s’est pas passé comme cela. On a dû forcer la main à Blaise Compaoré et son équipe. Sur le terrain à Ouagadougou, il avait la CFD en face de lui. A Paris, nous étions coalisés au sein du Comité d’Actions Démocratiques Burkinabé (CADB). Des acteurs de cette histoire sont toujours là et peuvent témoigner.

A la fin, c’est comme ils ont dit. "Nous avons le pouvoir. Nous avons les armes. Nous avons l’argent. Et nous avons les plus belles femmes". L’auteur de ces mots est toujours vivant et se reconnaîtra. Voilà pourquoi ils ont pu imposer un texte bancal. Voilà pourquoi ils ont pu réviser la constitution comme ils le voulaient, et à chaque fois qu’ils le voulaient. Voilà pourquoi Norbert Zongo y a laissé la vie. Un scandale de trop. Une crapulerie mal maquillée qui a obligé à la tenue de la journée nationale du pardon. Et voilà pourquoi une énième révision de la constitution n’a pas marché et il y a eu l’insurrection.

Si quelqu’un veut contredire ce que je dis là, je l’attends. Sans l’aide de qui que ce soit.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain