Le philosophe Mamadou Djibo décrypte la crise qui frappe le CDP, interroge la gouvernance du président Eddie Komboïgo et dénonce son "projet funeste" d’écarter Blaise Compaoré "des grandes décisions qui concernent la vie du parti".

Le CDP fait face aujourd’hui à une crise majeure, qui touche à ses
fondements historiques les plus sacrés et met en jeu son existence en
tant qu’acteur essentiel de la vie politique au Burkina Faso.
A l’initiative du Président Blaise Compaoré, le parti a été créé en 1996
par la fusion de diverses formations politiques pour servir de vecteur de
rassemblement et de mobilisation des couches les plus larges de la
société burkinabè, en vue de guider et de promouvoir la marche du pays
vers la démocratie et le progrès, au bénéfice du plus grand nombre de
nos concitoyens et particulièrement des plus défavorisés. Jusqu’en
2014, le CDP s’est imposé comme le leader incontesté des partis
politiques du Burkina, participant activement à la gestion du pays sous la
direction du Président Blaise Compaoré. Il partage le bilan de ce dernier,
avec ses succès et ses échecs. Il en est comptable.
A l’occasion de l’insurrection de 2014, les militants et les cadres
dirigeants qui avaient refusé de déserter les rangs du parti devant la
vague de contestation suscitée par le projet de modification de l’article
37 de la Constitution, ont payé un lourd tribut pour leur fidélité au CDP
et pour leur loyauté envers son leader, le Président Blaise Compaoré.
Les années qui suivirent ont été difficiles, autant pour le parti que pour
ses membres. Mais il a survécu, grâce au courage et à l’endurance de
ses membres, qui ont pris conscience que la lutte démocratique
impliquait aussi la traversée du désert que peut constituer un passage
dans l’opposition. Premier pas significatif sur le long et rude chemin de
la renaissance, le CDP s’est imposé aux élections législatives de 202O
comme le premier parti de l’opposition parlementaire. Ce qui vaut à son
Président d’être le Chef de file de l’opposition.
Dans le même temps, la vie interne du CDP a été marquée par des
luttes incessantes pour le choix de son président et pour la désignation
de son candidat aux élections présidentielles. Inconnu dans le parti
jusqu’en 2012, Eddie Komboïgo a réussi à préempter ces deux
positions, usant largement de procédés de corruption électorale. Au fil
des années, la futilité de son comportement et l’inanité de sa gestion ont
éclaté aux yeux de la très grande majorité des cadres et militants du
parti. Cela s’est traduit par des démissions en cascades au sommet
comme à la base du parti.
Dernier épisode de sa gestion calamiteuse, sentant qu’il est sur le point
d’être lâché par le Président d’honneur du CDP, le Président Blaise
Compaoré, Eddie Komboïgo s’est engagé dans une lutte larvée avec ce
dernier, ourdissant le projet funeste de l’écarter tout simplement des
grandes décisions qui concernent la vie du parti.
Que cela plaise ou non, le Président Blaise Compaoré est l’âme du CDP.
Non seulement il l’a fondé, mais il est resté le symbole de son unité,
celui auquel se réfèrent les militants de base jusque dans les villages,
pour justifier leur attachement au parti, parce qu’ils ont le sentiment que,
tout compte fait, les choses allaient mieux au Burkina sous sa direction.
Le pouvoir actuel du MPP et de ses alliés est conscient de cet état de
fait, qui va de pair avec l’impopularité grandissante que lui valent sa
mauvaise gouvernance et son incapacité à faire face au terrorisme.
Donc ils sont acharnés à ternir son image, à défaut de le détruire. C’est
ce qu’ils ont essayé de faire en lui faisant miroiter la promesse
hypocrite d’un traitement digne s’il venait à Ouagadougou pour
comparaître devant le tribunal militaire dans l’affaire de l’assassinat de
Thomas Sankara. C’est ce qu’ils continuent de faire inlassablement
depuis 2015, en profitant de la moindre occasion pour insinuer que c’est
Blaise Compaoré qui est à l’origine des attaques terroristes que subit le
pays et en refusant de voir leur propre responsabilité dans la
dégradation de la situation sécuritaire. Il apparait clairement désormais,
aux yeux des militants du CDP comme de tout le pays, qu’Eddie
Komboïgo s’est mis à leur service dans cette œuvre de mystification.
Donc le temps des doutes, des tergiversations et de la manipulation est
révolu.
Le congrès statutaire du CDP devait avoir lieu en cette année 2021, pour
respecter à la fois les textes du parti et la réglementation en vigueur.
Compte tenu de la situation délétère qui prévaut actuellement au sein du
parti et de l’état de crise dans lequel se trouve le pays du fait du drame
d’Inata et de l’ampleur des attaques terroristes, le Président d’honneur
du CDP, agissant dans le cadre des prérogatives qui lui sont reconnues
par nos textes, a donné comme directive que le congrès soit reporté à
une date ultérieure.

Concernant l’opportunité de ce report :
En dehors de la crise interne qui sévit au CDP, qui peut contester que le
pays traverse actuellement des circonstances exceptionnelles qui ne
sont pas propices à la tenue d’un grand rassemblement politique à
Ouagadougou ? Ce sont les mêmes circonstances qui ont conduit au
changement inopiné du gouvernement (encore en cours), au report de la
commémoration solennelle de l’Indépendance, à des manifestations
diverses à travers le Burkina, à l’annonce de réformes importantes dans
la gestion de la situation sécuritaire et de la gouvernance générale du
pays. Comment imaginer que dans un tel contexte, un parti important
comme le CDP n’ait pas d’autre priorité que d’organiser un grand
rassemblement à Ouagadougou pour traiter de ses problèmes internes ?
Concernant les pouvoirs du Président d’honneur :

Statuts du CDP

Le titre de Président d’honneur et sa position « hors hiérarchie » sont
institués par les articles 77 et 78 des Statuts du CDP. L’article 79 indique
que les attributions du Président d’honneur sont précisées par une
résolution du Congrès. L’article 80 dispose que : « En tout état de cause
lorsque le Président d’honneur estime que l’intérêt supérieur du parti
l’exige, il convoque toute instance qu’il souhaite réunir, fixe l’ordre du
jour et les modalités pratiques de sa tenue. »

Règlement Intérieur

L’article 15 du Règlement Intérieur rappelle que « …les attributions du
Président d’honneur sont fixées par la résolution du congrès y relative. »
Résolution portant attribution du titre de Président d’honneur au
Président Blaise Compaoré, adoptée le 6 mai 2018 par le 7è congrès
ordinaire du CDP
Les attributions du Président d’honneur sont précisées à l’article 2 de la
résolution ainsi qu’il suit : « Il est garant de l’unité et de l’orientation
politique du parti. A ce titre, il
 fixe les grandes orientations et les options stratégiques du parti ;
 arbitre, en dernier ressort, les différends nés dans la gestion du
parti ;

 formule des orientations et valide le choix du candidat du parti à
l’élection du Président du Faso ;
 formule des orientations et valide le choix du Président du parti ;
 valide les propositions de collaboration ou de fusion du Congrès
pour la Démocratie et le Progrès avec d’autres partis ou formations
politiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina Faso ;
 convoque tous les organes et toutes les instances qu’il souhaite
réunir lorsqu’il estime que l’intérêt supérieur du parti l’exige ; il en
fixe l’ordre du jour et précise les modalités pratiques
d’organisation.
En outre, le Président d’honneur … peut :
 être saisi de toutes questions d’intérêt majeur pour le parti ou la
Nation par le Président du parti ;
 se saisir de toute question qu’il juge d’intérêt majeur pour le parti
ou pour la Nation. »
Il est clair ainsi que le Président d’honneur dispose des pouvoirs les
plus larges pour intervenir dans la vie du CDP lorsque la gravité ou
l’urgence des sujets l’exige. Il a usé de ce pouvoir avec parcimonie et
mesure, préférant laisser à la direction exécutive du parti la latitude
d’exercer la plénitude de ses attributions, aussi longtemps que cette
gestion ne mettait pas en cause l’unité et la cohésion du CDP.
Le fait que les attributions du Président d’honneur soient explicitées
par une résolution du congrès plutôt que par les Statuts du parti
n’atténue en rien le caractère obligatoire de ces dispositions pour les
organes statutaires et les militants du CDP. L’article 84 des Statuts du
CDP stipule clairement que : « les décisions du Congrès sont
exécutoires et ne peuvent être révoquées que par un autre
Congrès. »
Concernant les implications éventuelles du report du
congrès en 2022
Toutes les principales instances du CDP se sont ralliées à la
recommandation du Président d’honneur sur le report du congrès
parce qu’elles en reconnaissent le bienfondé et par respect pour
l’autorité morale qu’il incarne au sein du parti. Il en est ainsi pour la
totalité des Vice-Présidents, la nette majorité du Bureau Exécutif
National et du Bureau Politique National, l’ensemble des membres
de la Commission de Contrôle et de Vérification (qui est l’organe de
règlement des litiges et de gestion de la discipline interne), la quasi-totalité des membres du Haut Conseil, la quasi-unanimité des
députés, etc. Seul Eddie Komboïgo, suivi par un quarteron de
comparses, choisit de s’opposer frontalement à cette directive, au
point d’engager une bataille judiciaire pour parvenir à ses fins, grâce à
ses accointances pernicieuses avec le pouvoir.
Pour justifier son entêtement à organiser le congrès en ce mois de
décembre 2021, envers et contre tous les avis, il prétend avoir
approché le ministère de l’Administration territoriale qui lui aurait
laissé entendre que le CDP se verrait infliger une suspension s’il ne
tenait pas son congrès avant la fin de l’année. Cette affirmation est
fausse ou à tout le moins guidée par une mauvaise foi manifeste.
Cette question relève de l’application de la Loi du 29 novembre 2001,
portant Charte des partis et formations politiques au Burkina Faso,
que tout le monde sait lire. C’est vrai, les partis ont l’obligation de se
conformer à leurs dispositions statutaires et donc au calendrier de la
tenue de leurs instances, sous peine de sanctions éventuelles. Mais
nous sommes fondés à considérer que les circonstances
exceptionnelles qui justifient le report du congrès du CDP sont dignes
d’être prises en considération. S’il était de bonne foi, Eddie Komboïgo
devrait militer dans ce sens, au besoin en ralliant les autres partis de
l’opposition à cette démarche, dans le cadre du CFOP.
A supposer que le Ministère de l’administration territoriale choisisse
de profiter de cette circonstance pour prendre une sanction à l’égard
du CDP, l’article 28 de la loi susvisée prévoit une gamme de mesures
qui vont de l’avertissement, à la suspension puis à la dissolution.
L’article 29 précise à ce sujet que :
« Lorsque le parti ou la formation politique ne respecte plus ses
propres statuts relatifs à son fonctionnement régulier, le Ministre
chargé des libertés publiques peut lui adresser un avertissement lui
enjoignant de respecter se statuts. »
Voilà ce que risque le CDP dans le pire des cas s’il ne tient pas son
congrès en 2021 : un avertissement.
Que le Président du CDP, alors qu’il est désavoué par toute la
direction du parti, en vienne à défier le Président d’honneur et à user
de subterfuges puérils pour tenter de tromper des gens pétris
d’expérience, en dit long sur sa moralité. Reportons le congrès et
mettons fin au règne ubuesque de cet énergumène sur notre parti.

Mamadou Djibo
PhD Philosophie
Kaceto.net