L’arrivée des militaires regroupés dans le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) est loin de rassurer tous les Burkinabè. "Que veulent-ils faire de nous ?" se demande notre compatriote Sayouba Traoré, journaliste et écrivain, très actif sur les plateformes de débats.

On n’a pas célébré bruyamment la chute du pouvoir MPP. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir. Il se pourrait que j’aie loupé quelque chose. S’il y a eu manifestation, elle a dû être tiède.

On n’a pas fêté non plus les nouveaux détenteurs du pouvoir. On pourrait dire que c’est l’effet du couvre-feu. Mais dans la journée non plus, on n’a pas vu de manifestations délirantes. S’il y a eu soutien, c’est un soutien mou.

Ces deux signes doivent nous questionner. Ouagadougou aurait-il soudain perdu de la vigueur ? Les Burkinabè sont-ils subitement désintéressés par la chose politique ? À mon sens, ni l’un ni l’autre.

Je peux me tromper. La distance, ajoutée à une information parcimonieuse suintant goutte à goutte, tout cela peut jouer comme un filtre déformant.

Toutefois, je crois que la grande masse attend de savoir. À force de coups politiques de la part des militaires, on a appris à se méfier. On sait maintenant que le type sur la photo n’est pas forcément le décideur. Donc on ne sait toujours pas qui est le premier de la classe. Pas celui qui parle dans le micro. Celui dont on voit rarement le visage, mais qui pèse de tout son poids.

Deuxièmement, jusqu’à plus ample informé, on ne sait pas ce que les nouveaux venus veulent faire de nous. Ils n’ont rien dit. Et nous, il serait indécent de faire un procès à un type dont on ignore les intentions réelles.

Évidemment, il y a les habituels calculateurs qui tentent de lire la course des choses. Ne pas se retrouver dans le yang, quand les choses vont dans le ying. Manger à tous les râteliers, faire tout pour chaque fois en faire partie, ce n’est pas de tout repos. On peut en rire. Mais les voir ainsi déboussolés laisse perplexe.

Même les événements récents interrogent. Pour briser une garde présidentielle, qui n’a pas montré une fougue excessive, avait-on besoin de chauffer tout Ouagadougou jour et nuit par des rafales ? S’agissait-il de faire peur ? Une façon de nous interdire de nous mêler de ce qui nous regarde ?

Et puis, que devient l’ancien président ? En bonne santé ? Dans un autre état ? Qui donc a pu le rencontrer ? Pourquoi ces cachotteries de jeunes filles impubères ? Il est peu vraisemblable que les militaires soient devenus timides d’un coup.

Ce que les nouveaux patrons du pays doivent savoir : cette attente inquiète de tout un pays qui retient son souffle ne pourra plus durer ! Si l’intention est de nous faire mariner, il y a bien longtemps que nous avons dépassé ce stade. Il n’est pas mal venu de rappeler que ça fait 6 années interminables que nos amis djihadistes nous usent les nerfs.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain