Ces dernières années, et en particulier depuis 2015 (pour rappel, à partir du printemps 2015, des centaines de milliers de réfugiés Syriens ont déferlé sur les côtes européennes, principalement en Grèce), on a pu remarquer que les termes « réfugié » et « migrant » étaient souvent utilisés de façon interchangeable par des politiques, les médias et le public. Toutefois, y a-t-il une différence entre les deux termes ? Si différence il y a, est-elle importante ?

✅ Eh bien, l’UNHCR France (le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) répond par l’affirmative : « Oui, il existe une différence et elle est importante. »

▶️ Quelle est la différence entre les deux termes ?

✅ Les deux termes ont des significations distinctes et différentes. La cartographie sémantique ci-après générée à partir de l’analyse d’un corpus significatif et pertinents de titres de publications francophones en ligne centrés sur les termes « réfugié(e)s » et « migrant(e)s » nous en donne une illustration analytique.

✅ Les réfugiés – au sens de la Convention du 29 juillet 1951 relative au statut des réfugiés – sont des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution (persécution politique en particulier, produisant des « réfugiés politiques »). Ils sont confrontés à des situations tellement périlleuses et intolérables pour leur vie qu’ils se voient contraints de traverser des frontières nationales dans l’espoir de trouver la sécurité dans des pays voisins. Ils sont par conséquent reconnus internationalement en tant que réfugiés accédant à l’aide des Etats, du UNHCR (ou HCR tout court) et d’autres organisations. Ils doivent être protégés car il est dangereux pour eux de retourner dans leurs pays. Refuser de leur accorder l’asile c’est potentiellement les exposer à la mort.

✅A ces « réfugiés classiques », si j’ose dire, on peut associer les « personnes déplacées internes » (PDI) que nous connaissons au Sahel. Elles n’ont traversé aucune frontière internationale en quête de sécurité. Contrairement aux réfugiés classiques, ces personnes vulnérables ont fui au sein de leur propre pays du fait de situations de violences extrêmes. Elles demeurent dans leur propre pays et sont, en principe, sous la protection de leur gouvernement (qui est souvent, malheureusement, leur propre bourreau plus ou moins direct). Il faut souligner qu’à ces personnes aussi le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) a mandat de les protéger et de de leur porter assistance.

✅ Il n’existe pas de définition juridiquement reconnue du terme « migrant ». C’est déjà une sacrée différence avec le terme « réfugié ». Toutefois, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR France), les migrants « choisissent » de quitter leur pays, non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail (=> « travailleurs immigrés »), et dans certains cas, pour des motifs d’éducation, de regroupement familial ou pour d’autres raisons. Contrairement aux réfugiés qui ne peuvent retourner chez eux en toute sécurité, les migrants ne font pas face à de tels obstacles en cas de retour plus ou moins choisi.

▶️ Pourquoi la différence entre les deux termes est importante ?

✅ D’abord, bien distinguer les deux termes a un grand intérêt pratique pour les gouvernements des pays d’accueil. Car les pays gèrent souverainement les migrants en vertu de leurs propres lois et procédures en matière d’immigration. En revanche, ils gèrent les réfugiés en vertu des normes sur la protection des réfugiés et de l’asile aux réfugiés qui sont définies dans les lois nationales ET les lois internationales. Ils exercent des responsabilités précises envers leurs demandeurs d’asile sur leurs territoires et à leurs frontières. Il est donc très important pour eux de savoir qui est éligible au statut de réfugié et qui ne l’est pas, ce qui n’est pas une mince affaire.

✅ En revanche, confondre les termes « réfugié » et « migrant » peut avoir des conséquences graves sur la vie et la sécurité des réfugiés. Beaucoup de gens interchangent les deux termes sans intention de nuire. Cependant, d’autres (dans les médias, dans le débat politique, au sein de la société) le font dans l’intention de détourner l’attention de la protection juridique précise dont les réfugiés ont besoin. Selon l’UNHCR France « Cela peut saper le soutien de la population pour les réfugiés et l’institution de l’Asile. »

▶️Quid du réfugié dit « climatique », une catégorie émergente visible sur la cartographie sémantique ci-dessus ?

✅ Un « réfugié climatique » est considéré comme une personne contrainte de quitter son pays du fait d’une catastrophe climatique ou plus précisément du réchauffement climatique affectant son lieu de vie. On inclue généralement le « réfugié climatique » dans une catégorie plus vaste, celle des « réfugiés environnementaux ». Un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) de 1985 définit ces derniers comme des personnes forcées de quitter leur habitat de façon temporaire ou permanente, en raison d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) mettant en péril leur existence ou affectant sérieusement leur qualité de vie.

✅ Si les migrations liées aux chocs environnementaux ne sont pas nouvelles, il faut savoir que la catégorie de « réfugié climatique » comprend un nombre sans cesse croissant de personnes du fait de l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes. Nous en savons quelque chose au Sahel (sécheresses, dégradation des sols). Cependant, malgré une préoccupation croissante depuis les années 1980, aucune convention internationale ne propose une définition juridique précise de cette réalité. Tout se passe comme si l’expression de « réfugié climatique » est en quelque sorte un abus de langage. En effet, jusque-là, le terme « réfugié » est, ainsi que rappelé plus haut, réservé aux personnes menacées de persécutions selon la Convention de Genève de 1951, dont découle une protection juridique. Ajoutons à cela que le terme de « réfugié » implique de quitter son pays d’origine, alors que la plupart des migrations climatiques sont des déplacements internes.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & Analyse sémantique
Kaceto.net