La présence et l’influence de la France en Afrique sont en net recul. Je ne vais pas développer les différents points d’explication de ce recul (handicap lié à l’histoire coloniale et post-coloniale, baisse des budgets consacrés à l’Afrique, forte réduction du nombre de coopérants techniques comme des résidents français sur le contient africain, désertion des investisseurs français par crainte de l’instabilité politique, de la crise sécuritaire et de la pauvreté, etc.). Mais je veux surtout faire remarquer ici que ce recul s’est accentué ces dernières années, en partie à cause de l’arrivée de la Chine sur la scène africaine.

✅ La Chine est devenue, en l’espace d’une décennie, le premier bailleur et le premier partenaire économique et commercial de l’Afrique qui lui fournit des ressources naturelles, un grand marché en expansion avec une classe moyenne émergeante apte à consommer. Sans oublier que l’Afrique lui fournit accessoirement un soutien diplomatique sur la scène internationale.

▶️ Je ne vais pas ici brandir des chiffres, à la manière des économistes, pour étayer mes propos. Je vous propose simplement de visionner la cartographie du champ sémantique autour de la « France en Afrique » versus la « Chine en Afrique » (Je n’intègre pas, comme point focal, l’expression bien connue de « françafrique » utilisée en général pour stigmatiser la relation France-Afrique qualifiée de néocoloniale par ses détracteurs).

▶️ Cette cartographie a été générée sur la base de l’analyse d’un corpus significatif de titres de publications francophones en ligne entre 2012 et 2021 centrés sur les relations « France-Afrique » et « Chine-Afrique ». Qu’observe-t-on ?

✅ Sur la relation « France-Afrique » (cluster « vert » sur la cartographie sémantique) on remarque la centralité des sommets « France-Afrique » devenus sommets « Afrique-France » depuis 2010 (cette inversion des termes de la relation n’est pas sans lien avec les critiques associées à l’expression « françafrique »). Ce sont des sommets internationaux organisés initialement à un rythme annuel entre chefs d’Etats africains et français depuis 1973. Si cette cartographie sémantique de titres de publications francophones en ligne met en évidence les enjeux politiques et sécuritaires discutés lors de ces sommets, elle reste quasi-muette sur les questions économiques, commerciales et financières.

✅ Sur la relation « Chine-Afrique » dans les titres de publications francophones en ligne, on remarque la prégnance du forum sur la coopération sino-africaine (en anglais : Forum On China-Africa Cooperation – FOCAC. Voir cluster « violet » sur la cartographie) lancé par la Chine en 2000 afin de renforcer les liens économiques, commerciaux et financiers qui ont des effets favorables sur le développement de l’Afrique, notamment en raison des investissements massifs sur les infrastructures locales.

✅ Cette domination de plus en plus importante de l’influence de l’Empire du milieu en Afrique n’est pas du goût de la France en perte de vitesse sur le continent. Dans une interview au Journal Le Monde, en date du 19 novembre 2021, Jean-Yves le Drian, ministre français des Affaires étrangères, mettait en garde les responsables africains dans leurs relations avec la Chine : « Certes, ils [les responsables africains] ont pu bénéficier dans l’immédiat d’infrastructures, parfois spectaculaires, construites par les Chinois avec l’argent des Africains dans le but affiché du développement, mais, à la fin, ils mettent leur pays sous tutelle en raison de l’endettement majeur qu’ils sont obligés de contacter pour financer les infrastructures ». Ce à quoi le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, a répondu par ces mots : La France « devrait juger la coopération sino-africaine de manière objective et impartiale, prêter une oreille attentive à ce que disent les Africains et faire davantage de choses positives et concrètes pour l’Afrique. »

✅ Dans la Déclaration finale du Sommet Afrique-France du 1er juin 2010, les participants avaient pourtant souligné « la nécessité de renforcer les relations entre la France et l’Afrique en créant un partenariat fondé sur des intérêts partagés et une confiance mutuelle ». Aujourd’hui, force est de constater, un peu plus d’une décennie après ce sommet de 2010, qui se voulait un tournant marquant, qu’il y a encore du pain sur la planche de part et d’autre. D’autant plus que la Russie, alliée à la Chine, se signale de plus en plus ouvertement sur le terrain africain souvent en compétition directe avec la France (Exemples centrafricain et malien) et que l’Afrique, d’une manière générale, ne regarde plus seulement vers ses partenaires traditionnels.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & Analyse sémantique
Kaceto.net