Dans quelques semaines, les grandes avenues de la capitale seront à nouveau envahies par des affiches géantes vantant le taux de réussite aux différents examens scolaires dans certains établissements privés.
Formateur et fondateur d’un groupe scolaire dans un quartier populaire de Ouagadougou, André Eugène Ilboudo montre dans le texte ci-contre la face cachée de ce matraquage marketing, notamment les injustices sociales qu’il occulte.

Je ne voudrais pas être un rabat-joie, mais...
Au Burkina, il y a quatre catégories d’établissements secondaires.
La première, sont les écoles à système français, comme le Saint-Ex, qui ne reçoivent que les élèves de nationalité française et assimilés. Ils sont moins de 25 élèves par classe et appliquent le programme français. Ces élèves ont leur propre véhicule avec chauffeur qui les attendent toute la journée au parking de leur école. Bien que situées au Burkina Faso et recevant quelques enfants Burkinabé, ces écoles n’ont rien à voir avec le système éducatif burkinabè.
La deuxième catégorie concerne les écoles catholiques et assimilées. Ces écoles recrutent dans la haute bourgeoisie et chez les commerçants fortunés. Seuls les enfants qui ont des maîtres de maison, pour un encadrement serré pour obtenir de grande moyenne, y ont accès. N’y entre pas qui veut. Le test de sélection est rigoureux. Elles se disputent les élèves qui ont 19,04 à l’examen et dont les motocyclettes sont renouvelées chaque année. En fin d’année, elles affichent fièrement leurs résultats de 100% pour des élèves sélectionnés avec 19 de moyenne. Pour une préférence pour les pauvres où ’’les pauvres sont la richesse de l’Eglise’’, François, Pape de la périphérie, repassera.
La troisième catégorie concernent les écoles publiques. Elle reçoivent la moitié des élèves qui ont réussi à leur entrée en 6eme mais dont les parents ont perdu la queue du diable à force de la tirer. Ces élèves font plus de 7km pour rejoindre le Zinda ou le Bambata avec leur ’’vélo panier’’. Ils vont à l’école gaiement en 6eme, mais seuls les téméraires atteignent la 3eme et plus rarement la Terminale.
Qui a dit que l’école, de nos jours, est un ascenseur social ? Non !! Pierre Bourdieu parle de Reproduction. Les Curés reproduisent des curés ; les Médecins reproduisent des médecins et les Vigiles reproduisent des... vigiles.
La quatrième catégorie concerne les écoles privées laïques. Elles caracolent avec ’’les ramassis’’. Elles accueillent les rebuts que les autres ne veulent pas. Parfois, leurs élèves ne savent même pas écrire leur nom et ne peuvent pas écrire entre les lignes et sur les lignes en 6eme. En véritables missionnaires accomplissant un sacerdoce royal, leurs élèves viennent, la plupart du temps, des bas quartiers, des bas-fonds et autres quartiers précaires. Leurs chemises d’uniforme datent du début de la Révolution d’août. Les cancres qu’elles ont, à force d’encadrement, rendus meilleurs, rejoignent le public en cours de cycle. Ces écoles ne pourront jamais afficher le taux de réussite de 100%.
Pourtant, elles sont les véritables éboueurs de l’Education nationale.
Ceux qui font le meilleur du travail ne sont jamais devant les projecteurs ni récipiendaires des palmes académiques.
Respect !

André-Eugène Ilboudo
Fondateur du Groupe l’Académie ; directeur de la Radio des écoles.
Kaceto.net