Hé oui ! Je défends le livre. Et je défendrai toujours le livre. Parce que j’y crois fermement. Celui qui lit nourrit son esprit et domine celui qui ne lit pas. Ça, c’est d’un. De deux, c’est à nous Burkinabè de parler de notre pays au monde. Et ce boulot, c’est à travers toutes les expressions artistiques possibles.
On n’a pas le choix. Personne ne lira pour nous. Personne ne fera la promotion de notre pays à notre place. Il faut donc soutenir le livre. Regarder les acteurs du livre se battre tout seuls sans résultat tangible est un gaspillage impardonnable.
Et je ne le dis pas pour le plaisir. Regardons froidement ce qui se passe actuellement ! L’histoire se passe au Burkina Faso. L’artiste qui écrit est Burkinabè. Qu’est-ce qui se passe en réalité ? Si tu édites un livre au Burkina Faso, l’éditeur a les pires difficultés pour la distribution. Même tes parents ne songent pas à acheter ton livre pour t’encourager. On attend que tu offre ton livre cadeau.
Moi, je demande souvent : "quand tu vas au maquis, est-ce que tu demande à boire et à manger cadeau ?". L’écrivain a travaillé six mois pour rédiger un texte. L’éditeur a mis son argent, mobilisé ses équipes, pour fabriquer le livre. Et quelqu’un est assis et attend qu’on lui offre ce produit gratuitement. L’auteur, la maison d’édition, l’entreprise d’imprimerie, les libraires, tous ces gens ils vont manger quoi ? Vos remerciements ? C’est avec vos remerciements qu’ils vont payer leur loyer et nourrir leur famille ? Quand vous allez au stade ou au concert, est-ce qu’on vous laisse entrer gratuitement ?
Il reste une solution à un écrivain. Éditer à l’étranger. C’est là-bas que le livre est soutenu. C’est là-bas que tu as des lecteurs qui vont ACHETER et LIRE ton livre. Ceux qui sont au Burkina Faso auront les mille difficultés pour se procurer ce livre. Résultat : c’est nous-mêmes qui créons et entretenons la dépendance dans le domaine du livre.
Des artistes musiciens m’ont dit que c’est pareil, sinon pire, dans le domaine de la production musicale. Faire sortir ton disque au pays, si tu n’as pas un bon agent, c’est un enclavement. La réalité, c’est nous-même et personne d’autre qui entretenons la dépendance.
Notre système actuel étrangle le livre et tous les acteurs du livre. J’ai été ahuri par le nombre de manuscrits qui dorment dans des tiroirs au pays. C’est-à-dire que nous avons la matière première. Et tout le monde s’en fout. On va dépenser pour soutenir un club de football qui se trouve à des milliers de kilomètres. Ces joueurs (Messi, Mbappe, Ronaldo ou autres), tu ne les verras jamais dans ta vie. Soutenir tes propres écrivains, non ! C’est quoi ce délire ?
Et apres ce je m’enfoutisme criminel, on se lève, on tape la poussière sur les fesses, et on accuse les autres. Accuser les autres, ça, nous sommes très forts. Mais il ne faut pas nous demander de se bouger le cul.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain