Il y a exactement 24 ans, jour pour jour, notre confrère Norbert Zongo et ses trois compagnons étaient assassinés puis brûlés à Sapouy, dans le Centre-ouest du Burkina.
Une commission d’enquête mise en place a conclu qu’il a été tué pour ses activités journalistiques.
Près d’un quart de siècle après les faits, la justice n’est toujours pas rendue.

Ce ne sont plus les grandes mobilisations dans les rues sur l’ensemble du pays pour condamner l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, ses compagnons Blaise Ilboudo, Ernest Zongo et Abdoulaye Nikiéma et réclamer justice pour eux.
Mais 24 ans après, le combat s’est certes émoussé, mais il n’est pas éteint.
Aujourd’hui, comme chaque année, des militants de défense des droits de l’homme, de la liberté de la presse, des membres de la famille des disparus se sont retrouvés au cimetière de Gounghin pour rendre hommage aux suppliciés de l’autodafé survenu ce funeste 13 décembre 1998 à Sapouy, dans le centre-ouest du Burkina. Histoire de rappeler leur détermination à conduire le combat jusqu’à son terme, c’est à dire, la tenue d’un procès libre et équitable des personnes suspectées d’avoir commis cet acte odieux qui avait heurté les consciences.
Selon les avocats et les professionnels du droit en charge du dossier, l’instruction est bien avancée, mais ils se gardent toutefois d’évoquer un délai pour qu’il soit jugé.
C’est que la procédure bute sur l’absence de celui qui est considéré à tort ou à raison comme le principal instigateur du crime de Sapouy, François Compaoré.
Frappé par un mandat d’arrêt international, François Compaoré avait été arrêté le 29 octobre 2017 à l’aéroport Paris Charles de Gaule en provenance d’Abidjan. Une nouvelle qui avait été bien accueillie par tous ceux qui militent pour que justice soit rendue à celui qui était le directeur de publication de l’Indépendant et ses compagnons.

Mais leur enthousiasme sera de courte durée. L’état de droit a ses exigences et la procédure en matière pénale est d’une complexité qui demande patience. La justice, dit-on, est comme une vieille dame. Elle prend son temps.
En mars 2020, le gouvernement français avait autorisé l’extradition de François Compaoré, une décision validée par le conseil d’état. Le mis en cause n’est cependant pas extradé. Pour cause, saisie par les avocats de la défense, la Cour européenne des droits de l’homme a suspend temporairement l’extradition en juillet 2021. Elle veut obtenir des garanties que François Compaoré ne sera pas maltraité une fois au Burkina, que sa sécurité sera assurée et qu’il bénéficiera d’un procès qui respecte les standards internationaux en matière de respect des droits de l’homme.
L’Etat burkinabè s’y est engage et a même aboli la peine de mort qui était encore inscrite dans le code pénal, même elle n’avait plus été appliquée depuis la fin des années 70. Tout semblait indiquer que les obstacles à l’extradition de Français Compaoré étaient sur le point d’être levés quand est intervenu le coup d’Eta du 24 janvier 2022 qui a renversé le régime du président Roch Kaboré. L’arrivée d’un pouvoir d’exception dirigé par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba ne rassure pas la Cour. Elle sollicite à nouveau des garanties qui lui sont fournies par le ministre de la Justice Me Barthélémy Kéré. La Cour n’a pas le temps de les apprécier et se décider qu’intervient un autre putsch le 30 septembre 2022 conduit par le capitaine Ibrahim Traoré. Il faut donc encore patienter.

Ce matin autour de la tombe de Nordbert Zongo, de Geneviève Zongo, sa veuve au président du MBDHP, Chrysogone Zougmoré en passant par le président de l’Association des Journalistes du Burkina, Guézouma Sanogo, tous ont nourri l’espoir que l’épilogue de ce dossier qui n’a que trop duré intervienne en 2023.
Contacté par Kaceto.net, le service de presse de la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que l’affaire étant "pendante, il n’y a pas de date prévue pour la sortie d’une décision".

Joachim Vokouma
Kaceto.net