Depuis le 12 décembre, la Chine assouplit sa politique stricte en matière de zéro-Covid, constatant, notamment, les dégâts de son isolement au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les fabricants africains doivent saisir l’opportunité de combler ce vide.

Emirates Shipping Lines est l’un des principaux chargeurs de conteneurs du Moyen-Orient. Lors du Global Freight Summit de DP World à Dubaï, son PDG, Till Ole Barrelet, avait expliqué que la tentative de la Chine d’éradiquer la pandémie de Covid-19, qui comprend des fermetures d’usines et des quarantaines obligatoires pour les visiteurs internationaux, constituait l’une des nombreuses menaces qui pèsent sur l’industrie mondiale du transport maritime. « En Chine, c’est un véritable défi pour les fournisseurs et les clients… Vous ne savez pas quand vous allez fournir vos marchandises, ou si vous allez être en confinement, ou si vous allez avoir suffisamment de travailleurs. »

Cette incertitude constitue « une préoccupation majeure pour l’économie chinoise, et nous espérons vraiment qu’il y aura bientôt une solution pour qu’il y ait plus de prévisibilité…. Les acheteurs ne peuvent aller en Chine que difficilement ; ils ne peuvent donc plus visiter les usines et les chaînes d’approvisionnement ».

La faiblesse de la Chine offre des défis et des opportunités à l’Afrique. En ce qui concerne les inconvénients, il est peu probable qu’une Chine préoccupée par des considérations intérieures et se retirant de l’économie mondiale offre à l’Afrique le même niveau de soutien financier et d’investissement qu’elle a si spectaculairement fourni au cours des deux dernières décennies.

Lauren Johnston, professeur au centre d’études chinoises de l’université de Sydney, rappelle que les prêts chinois sur le continent étaient, à l’origine, soutenus par la chute des taux d’intérêt consécutive à la crise financière mondiale et par la recherche de nouveaux marchés. Aujourd’hui, alors que les taux d’intérêt mondiaux s’envolent, cet environnement favorable n’existe plus. Au lieu de cela, la Chine se retrouve à essayer de gérer un portefeuille de prêts en présence de tensions mondiales et de défis économiques post-pandémie.

L’Afrique ne peut plus s’attendre à des cadeaux, des subventions et des prêts, tandis que les banques chinoises s’attendent désormais à être remboursées intégralement pour les prêts accordés. « Les banques chinoises sont réticentes à annuler ou à réduire le principal des prêts en Chine ; le faire à l’étranger serait très impopulaire parmi les citoyens chinois », nous confie Deborah Brautigam, directrice de recherche Chine-Afrique à l’université Johns Hopkins. Il est donc peu probable que l’époque de l’argent facile revienne de sitôt. Les prêts chinois à l’Afrique ont atteint un pic en 2016, à 29,5 milliards de dollars. Les analystes ont déjà noté la réduction des financements lors du Forum sur la coopération sino-africaine.

Opportunité pour la chaîne d’approvisionnement

Pourtant, l’isolement que s’impose la Chine dans les chaînes d’approvisionnement mondiales donne à l’Afrique une chance de stimuler sa capacité de fabrication et de transformation. Selon Till Ole Barrelet, la production manufacturière mondiale s’est déjà déplacée vers l’Asie du Sud-Est. L’Inde, le Viêtnam, la Thaïlande et l’Indonésie voient le volume de leurs échanges commerciaux augmenter en raison du retrait de la Chine. Till Ole Barrelet considère que l’Afrique reste résistante aux turbulences mondiales en raison de son appétit important et croissant pour les produits de base, tels que les téléviseurs et réfrigérateurs. Si l’offre de biens à destination de l’Afrique peut se tarir temporairement, ce n’est pas le cas de la demande. La nouvelle zone de libre-échange continentale africaine offre le potentiel d’un énorme marché intérieur.

Alors que la Chine se retire des chaînes d’approvisionnement mondiales, quel meilleur moyen de créer un cercle vertueux que de permettre aux fabricants africains de produire davantage de biens dont le continent a de plus en plus besoin ?

Il est peu probable que cela se produise rapidement, et la Chine restera longtemps un géant de la production. Mais, en créant des entreprises et des emplois africains, en réduisant la dépendance à l’égard des importations et en stimulant les dépenses intérieures, une telle évolution pourrait profiter à l’Afrique bien après le retour de la Chine sur la scène mondiale.

Le magazine de l’Afrique