Le film de la camerounaise Ellie Foumbi, « Mon père, le diable » est sélectionné dans la catégorie « long métrage » en compétition à la 28è édition du Fespaco. Un film tiré d’une histoire réelle qui aborde la problématique du pardon, voire de la rédemption.

La tragédie qu’a été le génocide au Rwanda en 1994 ne finit pas d’inspirer les écrivains, les cinéastes et autres artistes qui tentent de comprendre comment ce pays a pu sombrer dans un tel l’abîme. Et pourquoi, des hommes et des femmes, qui ont partagé un espace de vie depuis des millénaires se sont mis à se haïr avec une telle cruauté qui remet en cause les fondements de la société humaine.
« Mon père, le diable » raconte en 120 minutes, l’histoire d’une douloureuse retrouvaille entre Marie, une ancienne enfant soldat, employée comme cuisinière dans une maison de retraite dans le Sud de la France et un prêtre africain au passé génocidaire, qui fait du bénévolat dans un foyer. Le scénario est inspiré d’une histoire réelle. Après le génocide au Rwanda, beaucoup de ceux qui avaient joué un rôle dans cette catastrophe ont fui le pays à l’avènement du Front patriotique rwandais conduit par Paul Kagamé et ont trouvé refuge en Europe. Des rescapés du génocide aussi.

Alors qu’il fait ses courses, un prêtre génocidaire croise au détour d’une allée du supermarché, des rescapés du génocide qui le reconnaissent comme ayant joué un rôle dans le massacre des membres de leurs familles. Une rencontre qui lui rappelle le passé douloureux. Elles le dénoncent à la police et une procédure judiciaire engagée contre lui.
Dans le foyer où le père Patrick fait du bénévolat, il jouit d’une bonne image et les pensionnaires l’apprécient. Il dégage même un charisme qui ne laisse pas indifférent certains, ce qui insupporte Marie, habitée par la haine et le désir de vengeance.
Le talent de la réalisatrice Ellie Foumbie est d’avoir réussi à mettre face à face deux personnages au passé honteux et d’explorer leur capacité à le surmonter. Car, au gré des circonstances, chacun a eu la possibilité d’éliminer l’autre, mais personne n’est allé à l’extrême. « Ce film pose fondamentalement la question du pardon et de la rédemption », explique Souleymane Sy Savané, comédien ivoirien installé aux Etats-Unis, qui a incarné le père Patrick. Il dit sa fierté d’être au Fespaco d’autant que dans une vie antérieure, il a été pensionnaire pendant deux ans du lycée Marien N’Gouabi.
Le vif débat que la projection du film a suscité révèle la complexité des rapports humains lorsqu’ils s’inscrivent dans une perspective de réconciliation après un passé tumultueux. Pendant que pour certains, la fin du film consacre l’impunité du bourreau et la banalisation du mal, d’autres y voient au contraire la supériorité axiologique du Bien sur le Mal.
« Mon père, le diable » passe à Canal Olympia Yennenga Ouaga2000 mardi à 22h30.

Dominique Koné
Kaceto.net