Après « Des jeunes filles amères », un livre consacré au phénomène des jeunes filles-mères ostracisées par la société (https://kaceto.net/spip.php?article12619), Sayouba Traoré est à nouveau présent sur la scène littéraire avec « Lettre à le jeunesse burkinabè », un essai de 78 pages dans lequel il parle à ceux qui incarnent l’avenir du Burkina.

Décliné sous forme de feuillets thématiques, l’essai traite de l’évolution des valeurs dans le temps, de l’opération mana-mana, ces séances collectives de nettoyage de nos quartiers instaurées sous la Révolution démocratique et populaire et remises au goût du jour sous la présidence du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, et de la citoyenneté, un concept politique dont le contenu reste à définir pour une jeunesse burkinabè en mal de repères.
Sayouba Traoré s’intéresse également à la défiance envers la politique, c’est-à-dire, le discrédit qui frappe les politiciens professionnels pour qui l’engagement politique vise à satisfaire des intérêts partisans au lieu d’apporter le bien-être à la population, l’apprentissage de la ville, cette organisation de la vie dans un espace avec des règles qui tranchent avec la vie au village et enfin, les questions liées à la pollution, une plaie sanitaire, écologique et sociale à laquelle les Burkinabè ne semblent pas en prendre la mesure.
Présentant son livre le 15 avril dernier dans les locaux de la maison d’édition Plum’Afrik, Sayouba Traoré a expliqué que son objectif était d’assurer la transmission entre les générations. Les anciens disposaient d’outils sociaux pour faire passer des messages, inculquer des valeurs qui privilégient le bien commun sans pour autant nier les aspirations individuelles.
Les jeunes générations disposent de plus d’espaces de rencontres, de discussion et pour cela, on a peut-être tort de penser que sur bien de sujets, ils en savent plus que leurs ainés. A tort.
Pour Sayouba Traoré, c’est d’abord et avant tout dans le cadre familial qu’on fait le premier apprentissage des valeurs et l’idée d’apprentissage renvoie à la notion d’éducation. « C’est comme les cailloux sous la jarre », explique-t-il, « il faut un nombre suffisant de cailloux pour supporter le poids et pour équilibrer le récipient ».
L’auteur observe avec regret que « nous ne savons plus vivre ensemble » et que nous ayons perdu « le souci du bien commun ».
Voilà pourquoi, on peut, sans gêne, polluer la rivière, qui n’appartient à personne mais qui profite à tout le monde : laboureurs, éleveurs, maraichers, etc.

Que renferment les notions d’Etat, nation et pays dans un contexte sécuritaire où le Burkina se bat pour sa survie ? « Pour bâtir une nation, il faut des citoyens », écrit Sayouba Traoré. Et être citoyen, poursuit-il, « ce n’est pas avoir la Carte nationale d’identité, le certificat de nationalité, supporter les Etalons et chanter le Ditanyè ; ça ne suffit pas. Il rappelle que la citoyenneté comporte des droits, mais aussi des devoirs. L’accès à la santé, à l’éducation, au logement, à la justice pour tous, sont des droits reconnus aux citoyens par les textes nationaux et internationaux ratifiés par notre Etat. Mais payer ses impôts, participer à la guerre pour défendre le pays, veiller au respect de l’hygiène publique etc., sont des devoirs auxquels tout citoyen ne saurait se soustraire.
Sayouba Traoré insiste : La citoyenneté, c’est quelque chose de plus profond parce qu’elle comporte une dimension morale. Elle consiste, dit-il, « à faire quelque chose au bénéfice de tous même si on n’a pas un intérêt personnel et immédiat dans l’affaire ».

La force de « Lettre à la jeunesse burkinabè », c’est que l’essai prône un changement de comportement en prenant appui sur des pratiques sociales négatives. Les maquis autres lieux de loisirs produisent des nuisances sonores en crachant des décibels qui perturbent le sommeil des autres, « une violence que l’on exerce sur des innocents », dénonce Sayouba Traoré.
L’autre pratique négative à bannir porte sur les ordures jetées devant sa porte et que les sales charrient vers les caniveaux qui très vite sont bouchés. Or, rappelle l’ex-animateur de l’émission « le Coq chante », l’eau sale qui stagne développe des moustiques qui transmettent le paludisme, une maladie qui a tué 241 millions de personnes en 2020 dont plus de la majorité vient d’Afrique, les victimes étant essentiellement des enfants de moins de cinq (5) ans.
L’auteur de « Lettre à la jeunesse burkinabè » interpelle également le lecteur sur le phénomène des sachets plastiques. Beaucoup l’ignorent, mais ces sacs sont extraits de pétrole brut chauffé à 370 degrés et contiennent des éléments toxiques qui endommagent l’environnement, les sols, l’eau et l’air. Le message fait écho aux propos de Saint-Exupéry : « Nous n’avons pas hérité la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Dans quel état allons-nous nous les rendre ?
"Lettre à la jeunesse burkinabè" de notre confrère Sayouba Traoré, rédigée dans un niveau de langue accessible à tous, est une œuvre d’intérêt public. A 5000 F CFA, le est également accessible au travailleur. A peine plus que le prix d’un poulet à l’ail !

Sayouba Traoré : Lettre à la jeunesse burkinabè ; Editions Plum’Afrik, Ouagadougou, 2023 ; 78 pages ; 5000 F CFA

Joachim Vokouma
Kaceto.net