Le massacre des populations civiles du village de Karma, dans le Nord du pays suscite des indignations et des condamnations nationales et internationales.
Dans le texte ci-contre, Me Hermann Yaméogo décrypte avec ses mots ce qui vient de se passer et suggère des pistes pour que plus jamais de tels drames ne se répètent

Le karma qui nous vient des Indes n’est pas toujours ce fardeau issue des vies antérieures que l’on porte, mais parfois aussi une suite d’épreuves identifiées à la naissance pour être assumées afin de donner un sens à sa vie.

Des vies ont été démoniquement arrachées à Karma au Burkina Faso. Le pouvoir aggravant les accusations qui sont portées contre lui, n’a rien trouvé de mieux à faire que de maintenir la semaine nationale de la culture et de se déporter à Bobo, mobilisant au détriment de la sécurité nationale un grand nombre de FDS pour des méga enjaillements.

Avec cette perte de plus de 150 personnes au Nord et de plus de 30 FDS à l’est et même 100 selon certaines sources, on ne saurait marquer plus de mépris à l’égard de nos morts civils et au combat. Mais en dépit des efforts titanesques et déshumanisants pour minimiser le drame, les réactions de condamnations en chaîne qui en résultent depuis, montrent que ces vies pourraient ne pas avoir été sacrifiées pour rien.

Elles constituent des épreuves qui révulsent sans retour la conscience nationale mais aussi internationale et pourraient à ce titre, en sauver des milliers d’autres voir bien plus et renouer le pays avec cette paix en errance dramatique depuis des années.

Le tout c’est de savoir face à l’espoir qui pointe du malheur, ne pas jeter le manche après la cognée, ne pas relâcher cette quête d’unité nationale fortifiante et réhabilitant pour tous.

Comme dans un cycle saisonnier voilà que se profile effectivement à l’horizon à la faveur de l’holocauste de Karma, une fin de période certes des plus tragiques mais qui dans le déroulé n’est pas sans précédent dans notre vie nationale.

Le 07/ 11 / 2021 sous le régime Kaboré j’écrivais ceci :« Faisons tout pour ne pas être demain au nombre de ceux qui par couardise, par intérêts ou par manque de patriotisme auront vu le pays basculer dans l’horreur , sans mot dire. Ne soyons surtout pas de ceux qui pendant qu’il était encore temps, n’auront pas osé exiger que les gouvernants en perte avancée de jugement , de légalité et de légitimité constitutionnelles se démettent. »

Dans le même temps, n’ayant aucune assurance quand à la suite des évènements et ne voyant aucune plate forme réunissant les leaders politiques et de la société civile collectivement organisés pour conduire le mouvement ( avant et après ), je m’en inquiétais en ces termes le

31 / 12 /2021 : « Mais le fameux sursaut, qui en dépit de tout alimente nos espérances et couve l’espoir en l’avenir, en quoi pourrait-il au juste consister ? Quels en seraient les acteurs du monde politique, associatif, syndical et activistes des réseaux sociaux les plus porteurs de confiance et de compétence ? Avec quelle stratégie et quel programme alternatif est-il proposé, de remettre le pays à flot , d’en ressouder les liens de solidarités nationales rompus , et évidemment d’en venir à bout ( de gré ou de force ), des terroristes ? Réponses précaires à ces questions et c’est là que le bât blesse, que les choses se compliquent. »

Ce 30 / 04/ 2023, la grande roue de la vie a tourné pour nous ramener comme par une loi d’airain devant les mêmes pathétiques interrogations.

Il n’est pas besoin d’être un observateur chevronné de la vie politique nationale pour sentir que le pays a besoin, comme en novembre 2021 d’un sursaut de courage et de patriotisme de ses fils et filles pour être sauvé de l’horreur. Il n’est pas non plus besoin d’être un devin pour voir que le pouvoir connaît aussi un dégel de la ferveur de ses soutiens, et qu’il s’oriente à pas sûrs vers une fin de partie.
Les frondes qui se constituent au grand jour contre les génocidaires de toutes natures sont un signe, de même que les saillies internationales contre l’engrenage de la transition dans les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides.

Je n’en suis pas personnellement surpris et cela se dégageait déjà de mes propos suivants le

07/ 01/ 2023 : « En 3 mois le capitaine Traoré n’a pas fait mieux que le LCL Damiba. Il a même battu tous les records du pire. »

Il y’a seulement à relever que les leçons du passé restent non apprises. Non assimilées par ceux qui munis des rennes du pouvoir ne les sentent jamais se faufiler entre leurs doigts pour adhérer à temps, aux changements positifs conseillés. Il y a aussi le même reproche à faire à ceux qui toujours trop attachés à conclure la fin de partie, ne se préoccupent pas d’y parvenir sans donner par ces fautes non corrigées, des chances de revanches aux embusqués.
En effet si encore une fois le consensus pour le changement semble se dessiner, celui de l’adhésion à une stratégie commune afin de dessiner pour le futur des chemins moins escarpés reste introuvable. C’est exactement comme en décembre 2021 avec Kaboré et comme en octobre 2022 avec Damiba.

On aurait pu penser que les leaders politiques et civils en raison de leurs diverses contributions à l’atomisation physique et morale de l’Etat, et tenant compte de l’obligation morale pour eux de faire bonne repentance ne rateraient pas cette fois-ci , l’impératif rendez-vous de rattrapage.

Sauf ultime sursaut, l’effet dissuasif des casseroles, la tendance maladive pour certains à systématiquement disperser leurs œufs dans plusieurs paniers, la prévalence des agendas politiques et électoraux personnels, les divisions politiques, idéologiques, personnelles de toujours pourraient une fois de plus empêcher la grande éruption fusionnelle, laissant encore la place aux seules mobilisations individuelles et sectorielles.

Il faut toutefois fermement féliciter le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés ( CISC ), le collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina Faso, l’union d’action syndicale (UAS ), le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples,( MBDHP ), le front uni pour le Faso ( FUF) les personnalités comme Kam Monique Yéli, et Harouna Dicko, les activistes lanceurs d’alertes de la diaspora ou du pays qui redoublent d’efforts malgré les menaces de mort, pour dénoncer les graves atteintes au droit national et aux conventions internationales qui protègent contre les atteintes aux droits fondamentaux et les crimes de génocide .

L’histoire leur reconnaitra le grand mérite d’avoir sublimant les égoïsmes, calculs politiques et sectarismes traditionnels actionné utilement le revif national contre l’enlisement du pouvoir dans la négation du respect et de la protection de la vie.

Il faut les complimenter, les applaudir pour ce sursaut patriotique et pour ce véritable travail d’assainissement politique et social sous-jacent. C’est pour cela que tout en les exhortant à unir leurs signatures et à convaincre les leaders politiques repentis et non encagoulés, à gagner les rangs de ce noble combat, je suis de ceux qui pensent que pour éviter les éternels recommencements et engager un véritable nettoyage des « écuries d’Augias », le leadership du combat devrait leur revenir.

Hermann Yaméogo.
Président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), ancien ministre