Les négociations sur la restructuration de la dette des pays les moins avancés, y compris plusieurs Etats africains, se déroulent souvent dans des cadres auxquels ceux-ci n’ont pas accès. Pour des observateurs, le continent gagnerait à se constituer en groupe de pression pour participer à ces discussions.

À Abidjan, en Côte d’Ivoire, les participants à la réunion du groupe technique du G24 se sont demandé pourquoi les pays du continent ne se constituaient pas en un groupe dans les négociations internationales sur la restructuration de leurs dettes. « Nous sommes en discussion avec le Club de Paris, le G20, et nous y allons en ordre dispersé, il n’est donc pas étonnant d’avoir une situation où la Zambie obtient une réponse alors qu’on demande plus d’efforts au Ghana », a confié un participant souhaitant garder l’anonymat à l’Agence Ecofin.

Effectivement, les débats sur la restructuration de la dette africaine, considérée comme un élément clé de la transformation des économies du continent, se sont largement concentrés sur l’appréciation du cadre commun proposé par le G20. Sans surprise, les divergences d’opinions entre la Chine et le G20 ont émergé au cours des discussions. La représentante chinoise a saisi cette opportunité pour exprimer la position de son pays, plaidant pour la participation des banques multilatérales au processus, si tous les créanciers devaient recevoir le même traitement. Le représentant du Fonds saoudien de financement du développement, présent dans la salle, a adhéré à cette position.

Face à cette divergence d’opinions, la voix des pays africains est peu entendue, tant individuellement que collectivement. Cependant, la faible sollicitation du cadre commun du G20 pour le traitement de la dette démontre que peu de pays de la région y sont favorables. Jusqu’à présent, seuls la Zambie, le Tchad et l’Éthiopie ont recouru à ce mécanisme. Non seulement il ne délivre pas de résultats rapidement, mais il est assorti de conditionnalités.

Pourtant, la dette africaine sur les marchés internationaux de capitaux demeure très faible en comparaison au volume global de la dette mondiale. Selon les données de l’Institute for International Finance, la dette mondiale sur les marchés de capitaux atteint 300 000 milliards de dollars, dont un peu moins de 800 milliards de dollars (à peine 0,3%) pour les pays de l’Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud. Les discussions sur la restructuration les contraignent souvent à prendre des mesures qui entraînent des chocs à court terme, comme la hausse des prix et la mise de côté de certains objectifs prioritaires de développement, sans qu’un accès supplémentaire au marché des capitaux ne soit envisageable.

Au Cameroun par exemple, le gouvernement a accepté de réduire les subventions sur les prix de l’essence à la pompe. Si cette décision a résolu une anomalie économique, elle a entraîné une augmentation des prix qui, selon les prévisions du gouvernement, risque de perdurer jusqu’en 2025. Or dans le cadre de la modification de la Loi de finances de 2023, les ressources allouées au remboursement de la dette sont celles qui ont le plus augmenté, et non les dépenses sociales, selon le magazine en ligne Investir au Cameroun.

Le cas du Cameroun pourrait s’appliquer à de nombreux pays, y compris le Ghana, le Nigeria, le Kenya, ou encore la Côte d’Ivoire. Et pourtant, on attend toujours de voir ces pays se regrouper et proposer leurs points de vue à leurs bailleurs de fonds, aux agences de notation et à la communauté des créanciers.

Une note positive : le G24, qui compte plusieurs pays africains, s’est montré favorable à ce que se poursuivent des réflexions en vue d’adapter le cadre d’analyse de la viabilité de la dette du FMI, qui influence très souvent la perception des créanciers et des investisseurs.

ECOFIN