Trente (30 juillet 2022-30 juillet 2023, voilà exactement un an que le mouvement Burkinabè unis pour la transformation sociale (BUTS) a vu le jour. Occasion pour cette organisation dirigée par l’ancienne ministre Rosine Coulibaly de faire le bilan de son action et d’interpeler les différents acteurs socio-politiques à faire preuve de plus de responsabilité pour gagner la guerre contre les groupes terroristes.

Voilà déjà un an que, motivé par un élan démocratique face à la situation nationale,
le mouvement BUTS a vu le jour.
Au 30 juillet 2022, le Burkina Faso était caractérisé par une insécurité généralisée,
une des pires situations humanitaires dans le pays, une fracture sociale inédite, des
institutions paralysées, une contradiction civilo-militaire très compromettante et une
incapacité de la société à assurer le bien-être et les droits à ses membres.
Ce constat ne pouvait laisser indifférents les Burkinabè. C’est ce qui a motivé notre
choix de nous retrouver dans un cadre organisé afin de travailler collectivement, de
façon indépendante et sans posture partisane, dans le but de contribuer à bâtir un
nouveau contrat social solide et susceptible de redonner espoir à notre peuple digne
mais injustement meurtri. Ne rien faire signifiait renoncer au rôle de veille citoyenne
que nous pouvions jouer. Car « Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais,
c’est le silence des gens bien » nous disait Norbert ZONGO.
Le 30 juillet 2022 déjà, date de lancement du mouvement, nous interpellions les
autorités politiques sur le niveau de dégradation sécuritaire qui se manifestait par
de nombreuses victimes suite à des attaques armées de groupes terroristes, de
nombreux déplacements de populations, des fermetures d’écoles et de centres de
santé, le bafouement de la vie humaine, etc.

Sur le plan politique, nous attirions également l’attention sur un besoin d’ouverture
pour la conduite de la transition et sur l’impérieuse nécessité de protection des
espaces d’expression publique.
L’observation de la situation nationale une année durant nous conforte dans nos
choix d’observer, d’analyser et d’interpeller.
Sans faux fuyant, avouons que la situation reste très délétère en dépit des efforts et
sacrifices multiformes de l’ensemble des composantes de notre nation.
 Sur le plan sécuritaire, on note malheureusement une recrudescence des
attaques, avec de nombreuses pertes en vies humaines, des provinces et régions
entières sous blocus. Selon le dernier rapport de l’indice 2023 du terrorisme
mondial publié par l’Institut pour l’économie et la paix (IEP), le Burkina Faso est
le 1er pays sur le continent et le 2ème pays au monde le plus touché selon l’Indice
mondial du terrorisme (GTI) 2023 ;
 Dans les domaines social et humanitaire, la situation se dégrade
continuellement : au total environ 2 millions de personnes déplacées internes ont
été enregistrées par le Secrétariat permanent du Conseil national de secours
d’urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR) (et cela ne tient pas compte des
populations hébergées dans des familles d’accueil et celles qui ont dû trouver
refuge dans d’autres pays). Selon le rapport mensuel Statistique du Ministère de
l’Éducation sur l’éducation en situation d’urgence du 28 février 2023, « à la fin
du mois de février 2023, 6 134 écoles étaient fermées au Burkina Faso, soit une
augmentation de 44% comparé à mai 2022 (4 258), ce qui représente 24% de
l’ensemble des structures académiques du pays » en moins d’un an ;

 Au niveau économique, on assiste impuissant à une baisse du pouvoir d’achat
avec un taux d’inflation jamais égalé, de loin le plus élevé de la zone UEMOA. La
conséquence immédiate est la vie chère qui compromet le bien-être des
populations. De plus en plus de terres cultivables ne sont plus accessibles, ce qui
annonce une insécurité alimentaire sans précèdent. A tout cela s’ajoute un
phénomène nouveau, celui du départ de la main d’œuvre et des capitaux et le
manque d’attrait du Burkina Faso pour les investisseurs potentiels. Les
entreprises déjà en place n’arrivent plus à évoluer dans l’environnement actuel ;

 Concernant la politique extérieure, les retombées de la diplomatie frontale
tous azimuts se font attendre. La phobie de la victimisation et le discours de
confrontation ne peuvent produire de résultats durables à l’échelle de la nation
dans un contexte où la situation sociale reste intenable ;
 S’agissant de la gouvernance, l’on déplore une véritable prise en otage de la
gestion des affaires par les réseaux sociaux qui vilipendent, décrètent des fatwa,
dictent leurs lois et rejettent la pluralité des opinions si chèrement acquise par
les Burkinabè. L’agenda politique n’est toujours pas connu tandis que les acteurs
politiques et ceux des Organisations de la Société Civile (OSC) les plus crédibles
sont contraints au silence.
Au vu de ce qui précède, l’on se rend à l’évidence que les maux qui ont poussé des
militaires à prendre le pouvoir sont toujours en l’état malgré les sacrifices consentis par
les forces combattantes et les contributions patriotiques des populations.
Était-ce le meilleur choix ? Un dialogue utilisant les mécanismes qu’offrent les institutions
démocratiques n’aurait-il pas permis d’éviter cette fracture sociale ? Ce sont des
questions légitimes que nous sommes en droit de nous poser aujourd’hui, au regard du
bilan.
Du constat fait, il ressort que seule une unité d’actions peut fédérer les énergies
positives et sauver notre pays du péril actuel.
Nous lançons encore une fois, un appel pour que l’ensemble des acteurs et toutes les
forces vives de la Nation soient mises à contribution pour nous éviter un naufrage
collectif.
Il faut éviter tout triomphalisme. Autant les gouvernants, devraient rassurer, avoir le
triomphe modeste et prôner davantage une politique plus inclusive et plus protectrice
des droits et devoirs de l’ensemble des Burkinabè dans la discipline la plus totale, autant
les autres Burkinabè qui ne sont pas aux affaires ne devraient pas se mettre
dangereusement en marge de la construction de la nation. Notre Pays est forcément
au-dessus de nos intérêts personnels et claniques. C’est notre plus grand bien commun.
Le 13 octobre 2022, notre organisation avait déjà fait des propositions courageuses
pour une transition politique apaisée et inclusive devant conduire à la refondation de

l’Etat burkinabè et le retour à l’ordre constitutionnel normal. Ces propositions restent
d’actualité.
Pour notre part, et sur le plan politique, un élargissement des espaces d’expression est
de nature à stimuler la participation des citoyens à une gestion saine de la chose
publique ; y compris dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Sur le plan de la cohésion sociale, il convient de noter, que si l’Etat a des responsabilités,
elles s’accomplissent aussi à travers un comportement « citoyen » de ses populations.
A cet effet, chaque Burkinabé quel que soit sa position, se doit de mesurer la portée de
ses actes et jouer objectivement le rôle qui est le sien.
Le mouvement BUTS félicite et encourage les forces combattantes et les citoyens qui
contribuent au retour de la paix dans le pays. Il réitère ses recommandations à l’endroit
de l’Etat et des acteurs de la vie nationale.
A l’endroit de l’Etat et des gouvernants, le mouvement interpelle les autorités sur
leur responsabilité première dans la sécurité des personnes et des biens à travers une
armée et des forces de sécurité républicaines et professionnelles, seule garantie d’une
paix pérenne. Il en est de même de la création de conditions favorables à une cohésion
sociale. Nous condamnons l’exclusion sous toutes ses formes. Les seuls ennemis contre
lesquels l’Etat s’est engagé à se battre restent les terroristes. Il est impératif de marquer
une halte pour analyser avec l’ensemble des forces vives de la nation et de façon
inclusive, le parcours accompli, en lien avec les missions et l’agenda de la transition
ainsi que les engagements pris au départ.
A l’endroit des chefs coutumiers et religieux, nous les exhortons à continuer de
jouer un rôle fédérateur et ne jamais tomber dans le piège des ennemis de la nation et
de la paix. Ces ennemis ne sont pas toujours là où on le croit. Il faut sortir des silences
complices et des non dits qui renforcent les clivages et l’arbitraire.
A l’endroit des OSC, nous demandons plus de responsabilités, car on ne construit pas
une nation dans la division, la violence, la stigmatisation, le mensonge, la paresse,
l’individualisme et le nombrilisme. La trajectoire prise par certaines OSC (pro et anti)
ressemble à du déjà vu avec ses conséquences fâcheuses. Nous devons apprendre de
notre passé.

A l’endroit des formations politiques, nous demandons une convergence de points
de vue autour de l’essentiel pour éviter que notre pays ne chavire davantage dans le
gouffre. Le canari ne se casse qu’entre les mains de deux idiots nous dit une sagesse
africaine. Pour arriver au pouvoir, il faut d’abord vivre. Un dialogue national sincère et
franc s’impose pour apprécier la trajectoire prise en rapport avec la reconquête du
territoire national, apaiser les rancœurs et tourner très rapidement cette page
douloureuse.
 Nous saluons la résilience de certaines composantes de notre société qui subit de
plein fouet les conséquences de cette crise multidimensionnelle.
 Notre pleine compassion et nos encouragements à ces nombreuses PDI qui n’ont
pas demandé à se retrouver dans cette situation humiliante.
 Nous félicitons les étudiants, les élèves et tous les acteurs de notre système
éducatif pour leur sens de sacrifice et le résultat obtenu dans des conditions
extrêmement difficiles.
 Nous félicitons l’ensemble des travailleurs qui n’ont jamais abandonné malgré les
difficiles conditions de travail et de vie.
 Nous demandons enfin à toute la population de garder espoir et de se mobiliser
pour la cause commune chaque fois que de besoin, dans la vigilance la plus totale.

Notre destin nous appartient