Parmi les défis qui attendent le gouvernement post-remaniement du Premier Ministre Paul Kaba Thiéba, il y en a deux qui nous semblent majeurs, urgents et incontournables : la situation sécuritaire et la situation alimentaire.

Ces deux défis sont majeurs, parce que c’est le genre de problème dont la résolution ne peut être remise à plus tard. Plus grave, ces deux problèmes peuvent s’auto-entretenir chacun, s’imbriquer l’un dans l’autre et ainsi combiner leurs effets néfastes. Difficile de courir en se grattant le dos dans le même temps.

La situation sécuritaire

Là, je ne souhaiterais pas me mêler de domaines où je n’ai aucune compétence. Toutefois, je vais dans les villages et je puis dire ce que mon regard de novice croit pouvoir remarquer. Les assaillants ne sont plus à nos portes, ils sont à présent dans nos murs. Regardez simplement sur la carte ! Voyez où se situent les dernières attaques et vous serez édifiés. Aujourd’hui, c’est Tchembolo, une localité située à 50 km de Djibo. Le lundi 29 janvier 2018 c’était à Pétégoli, localité située à environ 15 kilomètres de Baraboulé. Le 24 décembre 2017 c’était à Déou une localité située à environ 76 km de Gorom Gorom dans la province de l’Oudalan. Les 8 et 9 novembre 2017, c’était à Ariel à 5 km de Nassoumbou à une soixantaine de km de Djibo dans la province du Soum.
On peut continuer longtemps ainsi. Toutefois, il est malsain de faire de la réclame pour les actions de ces groupuscules. Jusque-là, nous avons tenu grâce au courage extraordinaire de nos FDS. Il nous faut conquérir l’assistance des populations locales. Enfin, c’est ce que je pense... Il faut être prudent lorsqu’on pose le pied en territoire inconnu. Je m’empresse donc d’aller voir ailleurs. Et qu’on veuille bien me pardonner si j’ai dit des choses inconvenantes.

La situation alimentaire

Là, je confesse que je suis plus à l’aise pour parler. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, la saison pluvieuse n’a pas répondu aux attentes des producteurs. Du reste, on voyait la chose venir. Le Réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine, un réseau international qui surveille les tendances des prix des aliments de base dans les pays vulnérables à l’insécurité alimentaire, publiait ces mots porteurs de sens le 31 Octobre 2017 : « La production céréalière attendue de la campagne agricole humide 2017-2018, qui a été marquée par de multiples séquences pluviométriques sèches et d’attaques de chenilles légionnaires, sera globalement moyenne, avec cependant des déficits très sévères par endroit. »
De leur côté, les autorités gouvernementales burkinabè ne sont pas restées muettes. Les 16 et 17 janvier 2018, la Société de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS), dressait le bilan et les perspectives. D’où il est ressorti que « 17 provinces sont déficitaires avec 83 communes à risque et 42,6% des ménages ». Déjà à cette date des 16 et 17 janvier, c’est-à-dire 3 ou 4 mois après les récoltes, « 132.899 personnes réparties dans les régions du Nord, du Sahel, du Centre-Nord et du Centre-Ouest du Burkina Faso, seraient en situation de crise alimentaire ». Enfin, selon le ministre en charge de l’Agriculture, Jacob Ouédraogo, ces craintes se ressentent « déjà sur le marché, avec une faiblesse de l’offre céréalière par rapport à la normale et des prix assez élevés ».

Le gouvernement burkinabè a décidé d’injecter, cette année, 25 milliards FCFA dans la constitution d’un stock céréalier de 95.000 tonnes, à des fins de sécurité alimentaire. En termes clairs, on reconstitue les stocks parce qu’on n’en sait jamais. Décision salutaire quand on sait que la SONAGESS dispose actuellement d’un stock de sécurité d’environ 17.000 de céréales. Mais, manifestement, il en faut plus. Pour renforcer les convictions à ce propos, allez sur les marchés en ville comme au village. Manque de denrées et prix insupportables pour les budgets des familles. Et nous sommes en février.

Une soudure interminable

Les spécialistes comprendront quand je mentionnerais que la période de soudure n’a même pas encore commencé et la situation est déjà critique. Il faut expliquer la chose en termes simples. En moyenne, les pays du Sahel ne produisent que pour quelques mois de consommation de céréales. Cette situation a donné naissance à une expression employée dans toute l’Afrique : la période de soudure. La soudure est la période qui sépare la fin de la consommation de la récolte de l’année précédente et l’épuisement des réserves des greniers, de la récolte suivante. Durant cette période, la population est contrainte de se débrouiller pour faire patienter les estomacs. Il y a alors souvent pénurie et flambée brutale des prix parfois accentuée par la spéculation. Et généralement, cette période de soudure s’étend de juin à septembre.
Ça veut dire quoi, cette affaire ? Ça veut dire que vers le mois de juin les greniers sont vides, on a besoin de forces pour travailler les champs, et la nouvelle récolte est espérée pour Octobre-Novembre. Cela, cette situation est pénible pour tout le monde, c’est la situation que l’on pourrait considérer comme « normale », sinon habituelle. Et dites-vous que là, nous sommes seulement en février ! Et je n’ai rien dit par rapport à la situation des éleveurs sans fourrage et sans abreuvement !

En somme !

Ce n’est pas pour être alarmiste que de dire ces choses, car chacun comprendra qu’il ne servira à rien de parler quand il sera trop tard pour le faire. Attendre le trépas du malade avant de dire ce qu’il aurait fallu faire pour lui sauver la vie, c’est de la sorcellerie pure. Nous sommes avertis et un homme averti en vaut deux. Donc un gouvernement averti...
Bien sûr, et ne soyons pas naïfs, ce n’est pas au gouvernement seul d’agir. L’action nécessaire concerne tout le monde. Si le ministère envoie des vivres dans les villages et que des truqueurs interviennent pour dévoyer les choses pendant la distribution, on voit immédiatement les conséquences de tels actes. On en connaît qui ne pensent qu’à leur gosier. Chacun doit donc jouer sa partition. Soit en facilitant les choses, chaque fois que la providence vous en donne la possibilité. Soit en évitant de poser des actes que la morale réprouve. Aux dirigeants de trouver la bonne impulsion.

Sayouba Traoré ; Journaliste, Ecrivain
Kaceto.net