Comme c’est le cas pour de nombreuses régions du monde, l’Afrique n’échappe pas aux défis qui découlent des variations qui affectent la monnaie américaine. Les pays de la zone franc CFA résistent tant bien que mal, malgré l’accord de stabilité avec l’euro.

Au 21 mai 2023, le dollar américain s’échangeait à un peu plus de 606,7 FCFA d’Afrique de l’Ouest, ce qui représente une augmentation de 3,4 % depuis le début du mois de mai. La valeur de la devise américaine a lentement progressé au cours des 30 jours précédents, mettant ainsi les pays utilisant le franc CFA face à une nouvelle pression sur leurs réserves de change en raison d’une facture d’importation plus élevée que celle des exportations.

Une fois de plus, la faute ne vient pas des zones monétaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. En effet, parmi les 16 autres monnaies africaines de référence suivies par African Markets, 14 d’entre elles affichent une dépréciation face au dollar américain depuis le début de l’année 2023. Au-delà des implications liées à l’attachement à l’euro des pays de la zone franc, il existe des dynamiques propres à la monnaie américaine qui peuvent expliquer cette situation.

La remontée du dollar est une surprise pour plusieurs acteurs du marché, car en début d’année, un consensus élevé prévoyait une dépréciation de la valeur du billet vert. De nombreuses hypothèses sur l’effondrement de cette monnaie ont même été avancées, arguant du déclin de la règle selon laquelle elle est principalement utilisée pour l’achat de pétrole, la principale matière première mondiale. Des liens entre la Russie, les pays arabes, les BRICS et la Chine prédisaient le début de la fin de la demande de dollars.

La récente progression mensuelle peut donc sembler surprenante, mais des faits économiques survenus au sein de l’économie américaine peuvent l’expliquer tout en lui donnant une perspective.

Tout d’abord, il y a le débat actuel sur l’augmentation du niveau de la dette américaine. Les investisseurs pourraient parier sur un défaut de paiement de l’administration américaine et rechercher des valeurs refuges. Avec des actions en bourse qui ne rapportent plus autant qu’il y a deux ans et des prix des matières premières sous pression, le dollar fait partie des actifs refuges. Sa forte demande justifierait sa progression.

Cependant, cette hypothèse n’est pas exempte de critiques. Si les investisseurs avaient réellement l’impression que l’économie américaine risque de s’effondrer, on observerait une forte pression sur les principales bourses américaines, ce qui n’est pas le cas pour le moment, du moins pas à grande échelle. D’autres arguments expliquent la hausse du dollar, tels que des données économiques très volatiles, y compris les chiffres sur les créations d’emplois, qui suggèrent que la demande des consommateurs et des producteurs continuera de progresser, ainsi que l’inflation, les taux d’intérêt et le dollar. Cependant, les 12 derniers mois ont démontré qu’en ces périodes, il est désormais devenu difficile de prévoir au-delà du moyen terme.

Selon que cette performance du dollar se maintiendra ou non, la principale conséquence pour les pays de l’UEMOA et de la CEMAC sera une légère amélioration des revenus extérieurs. Une monnaie américaine en hausse donnera plus de valeur en monnaie locale aux produits agricoles de rente, dont les valeurs sont en hausse ou en perspective de l’être (cacao, coton). Elle pourrait également permettre de compenser légèrement la baisse des prix des hydrocarbures, qui traversent une mini-crise avec un baril à son niveau le plus bas des deux dernières années. Cependant, un dollar fort fera encore augmenter les prix des produits et services internationaux payés par les deux sous-régions, occasionnant ainsi une nouvelle pression en termes d’inflation.

Pour le moment, il reste difficile de prédire avec exactitude quand les turbulences qui secouent actuellement l’économie américaine et sa monnaie prendront fin, étant donné que le dollar est également la principale devise des échanges commerciaux mondiaux. Dans ces incertitudes, les pays de l’UEMOA, de la CEMAC et l’Union des Comores peuvent continuer à compter sur la couverture que leur confère le rattachement à l’euro par une parité fixe. La zone euro a tout intérêt à disposer d’une monnaie solide, ce qui profite par ricochet à ses partenaires africains.

ECOFIN