C’est la nouvelle inattendue du week-end : l’ancien premier ministre (2007-2012) et ancien président de l’Assemblée nationale ( 2012-2019) de la Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro a annoncé hier 12 novembre 2023 qu’il mettait fin à son exil forcé qui dure depuis décembre 2019, date à laquelle il avait tenté de regagner son pays, sans succès, après que le pouvoir d’Abidjan ait refusé d’autoriser son avion à atterrir. "Je n’irai pas plus loin dans mon exil" a t-il déclaré dans une vidéo publiée sur la plateforme numérique de son mouvement, Générations et peuples solidaires (GPS).
Dans un communiqué publié le 11 novembre, un collectif d’avocats qui le défend conduit par Me Affoussy Bamba a avait dénoncé "la tentative d’enlèvement dont il a failli être victime le 3 novembre à l’aéroport international d’Istanbul où il devait effectuer une escale".
Après avoir joué un rôle central dans l’accession de Alassane Ouattara au pouvoir en 2011 au terme d’une crise post-électorale très sanglante, les rapports entre le président ivoirien et "son fils" comme il l’appelait, se sont gravement détériorés. Guillaume Soro met fin donc à son exil, conscient que "le seul lieu de repos paisible que me souhaite M. Ouattara est bien le cimetière".
A deux ans de son second mandat, le président ivoirien va devoir désormais prendre en compte cette séquence de la vie politique ivoirienne qui s’ouvre avec cette décision de l’ancien rebelle, sachant qu’il dispose encore d’une base sociale assez critique pour faire de lui un acteur public majeur

Déclaration de M. Guillaume Kigbafori Soro suite à la tentative de kidnapping à l’aéroport international d’Istanbul

Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,

Me voici donc devant vous, grâce à la magie de la technologie. Et rassurez-vous, je me porte bien.
Vous l’avez appris.

M. Ouattara a tenté de m’arrêter à l’aéroport d’Istanbul et de m’extrader, par la procédure d’urgence, en Côte d’Ivoire le 03 novembre dernier. Ceci n’est pas discutable.
Depuis ces cinq longues années, son obsession forcenée à me mettre aux arrêts ne s’est jamais flétrie. Pis, elle s’est aggravée.
Après m’avoir fait condamner par une justice émasculée et aux ordres, successivement à 20 ans et à perpétuité, il a entrepris de déclencher contre moi une féroce chasse internationale à l’homme, en dépit des décisions de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui a annulé toutes les poursuites contre moi, parce qu’elles étaient, vous le savez bien, politiquement motivées. Sachez-le : dans cette affaire, il ne s’est jamais agi de justice. Mais plutôt de perfidie.
En effet, déjà dans le courant de l’année 2020, précisément au mois de novembre, il a exigé de la France où je résidais mon arrestation et mon extradition. Paris, comme vous le savez, a décidé de m’interdire son territoire.
Du 14 au 18 février 2022, Alassane Ouattara a effectué une visite officielle en Belgique avec, parmi ses priorités, l’obtention de mon arrestation. Il a expressément exigé que le visa Schengen que je détenais ne soit pas renouvelé. Il a insisté auprès du gouvernement belge pour que ce pays ne me délivre aucun document administratif qui m’aurait permis d’y résider légalement. Ceci aussi est incontestable.
Ceci m’a contraint à emprunter une autre destination pour mon exil.
En janvier 2022, je me suis installé à Dubaï. Le 23 décembre de la même année, recevant les lettres de créance de l’ambassadeur des Émirats Arabes Unis, il en a profité pour réclamer mon arrestation et mon extradition en Côte d’Ivoire. Ceci ne se discute pas non plus.
Informé, j’ai dû me résoudre, la mort dans l’âme, à nouveau, à prendre le pénible chemin de l’exil, m’enfonçant toujours plus loin dans les confins du continent asiatique.

Chers Compatriotes,

La dernière tentative d’arrestation opérée à Istanbul démontre, si besoin en était, que le seul lieu de repos paisible que me souhaite M. Ouattara est bien le cimetière. Est-ce le lieu auquel on destine son bienfaiteur, celui qu’on affublait du « c’est mon fils » ?
Non.
Je revendique le droit légitime à la vie.
Et je n’irai pas plus loin dans mon exil.
Je refuse d’être un fugitif, d’autant plus que, devant Dieu et les hommes, je ne suis coupable d’aucun forfait qui mériterait un tel châtiment.
C’est pourquoi, ici et maintenant, j’annonce qu’à partir d’aujourd’hui, je mets fin à mon exil.
Car il m’est pénible de vivre loin de ma terre ancestrale et natale d’Afrique,
Car je veux vivre dans la quiétude avec ma famille, mes proches et ceux que je chéris le plus.
Car je veux pouvoir contribuer à la réconciliation des fils et des filles de mon pays et apporter ma pierre à l’édification de la paix et de la concorde entre les peuples d’Afrique.
Vive la Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.

Guillaume Kigbafori SORO
− Ancien Premier ministre (2007-2012)
− Ancien président de l’Assemblée nationale ( 2012-2019)