Les populations du Sahel ont battu le pavé hier samedi 12 juin 2021 à Dori pour exiger la sécurité, la stabilité et le développement de leur région. Cette marche, organisée par les Organisations de la société civile locales a été organisée suite au massacre de Solhan qui a fait selon un bilan officiel 132 morts et 40 blessés. Pour les manifestants, le gouvernement doit assumer sa responsabilité vis-à-vis de tous les Burkinabè sans exclusive.

Déjà éprouvés par des attaques terroristes, les Burkinabè s’étaient réveillés le 1er janvier 2019 en apprenant avec stupeur le massacre de 200 personnes à Yirgou suite à un conflit inter-communautaire. Un événement extrêmement grave qui avait heurté les consciences. Sous la houlette de la section Seno du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) et de d’autres Organisations de la société civile de la région, une marche de protestation et d’interpellation avait été organisée le 12 janvier 2019 pour dénoncer le crime, apporter le soutien des populations du Sahel aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et inviter les autorités à prendre les meilleures dispositions pour assurer la sécurité de tous les Burkinabè.

De Yirgou à Solhan

Deux ans jour pou jour, une autre marche est organisée, pour les mêmes motifs, après l’attaque terroriste à Solhan, toujours dans le Sahel, qui a fait officiellement 132 morts et 40 blessés dans la nuit du 4 au 5 juin. Depuis la marche pour
Yirgou, « rien n’a changé sur le plan sécuritaire », selon le coordonnateur de la Marche, Abdoulaye Dicko. "Les attaques terroristes se sont poursuivies avec le même rythme. Les morts, les blessés et les déplacées internes aussi. Les mesures sécuritaires prises, notamment le couvre-feu et l’interdiction de circuler à moto ou à tricycle dans certaines localités de la région du Sahel, ont mis à genou l’économie de cette région où les jeunes manquent d’emplois" poursuit-il.
Ils sont nombreux d’ailleurs les Sahéliens, à l’image de A. Boly orpailleurs de la région, qui estiment que les mesures sécuritaires prises sont jusque-là contre-productives. « Ces mesures créent les mêmes problèmes aux populations que les actions des terroristes sur le terrain. Depuis qu’ils ont décrété par exemple le couvre-feu, est-ce que les attaques ont cessé ? Quel bilan peut-on en faire ? Et moi, je dis que si effectivement le couvre-feu n’était pas en vigueur, ce qui s’est passé à Solhan n’aurait jamais atteint ce niveau d’horreur. Je connais bien Solhan et je sais comment les gens sont organisés là-bas », explique t-il.
Solhan ! C’était le drame de trop pour les Sahéliens : 132 personnes tuées, 40 personnes blessées et plus de 7.000 personnes déplacées internes en quelques heures, à quelques kilomètres de Sebba. Pour les Sahéliens, ce massacre ne doit pas rester impuni. Elles sont donc sorties pour dire toute leur indignation et exprimer leur ras-le-bol face à l’insécurité qui martyrise la région. Le rond-point Arba Diallo à Dori a été choisi comme point de ralliement .

Une marche pour Solhan, une marche pour la sécurité

Arrivés par petits groupes, les marcheurs discutent essentiellement de la situation sécuritaire du pays en général et particulièrement de la région du Sahel. L’indignation et la colère se ressentent bien dans les propos des uns et des autres face à la gestion de la question sécuritaire. Le président Roch Marc Christian Kaboré, son ministre en charge de la Défense, Shérif Sy et le gouverneur de la région du Sahel, Salfo Kaboré sont pointés du doigt. Les avis sont cependant partagés sur la conduite des Forces de défense et de sécurité (FDS). Certains estiment qu’elles agissent avec des moyens très limités et ne peuvent en conséquence pas faire des miracles. D’autres par contre leur retirent le crédit qu’ils leur accordaient vu que le massacre s’est déroulé en période de couvre-feu, à quelques km d’une base militaire. Pour eux, rien ne saurait justifier cette inaction des Forces de défense et de sécurité, même pas l’argument selon laquelle la route menant à Solhan aurait été préalablement minée par les terroristes.
Les échanges entre populations se sont poursuivis dans une ambiance chauffée par le bruit des sifflets, des vuvuzelas et des décibels que crachent les haut-parleurs.
Sur le coup de 9 heures, la mise en place est terminée et le top départ de la marche est donné par le coordonnateur, Abdoulaye Dicko du MBDHP/Seno.

Direction le gouvernorat du Sahel

Dans les rangs des marcheurs, il y a des enfants, des jeunes, des femmes et des personnes du troisième âge. Tous sont sortis pour apporter leur soutien aux populations meurtries de Solhan, dénoncer la gestion de la question sécuritaire par le gouvernement. Parmi les marcheurs, on compte également les rescapés de la meurtrière attaque de Solhan, les familles des victimes. Le Mouvement U Gulmu Fi était également de la marche pour témoigner la solidarité de toute la région de l’Est aux populations du Sahel.
Les organisateurs devant, les populations derrière, la longue file des marcheurs avance en direction du gouvernorat du Sahel. Les pancartes portent des messages on ne peut plus clairs : « On ne veut pas d’amateur pour notre sécurité. Chérif Sy dégage ». « Sécurisez vos populations comme vous sécurisez vos mines ». « Solhan, la Honte du gouvernement ! ». Les oreilles du président du Faso, celles du gouverneur et du ministre de la Défense ont dû siffler, tous accusés de laxistes à protéger les populations mais prêts " à assurer la sécurité des mines et des intérêts de puissances extérieures au Burkina Faso". Le député du Sahel, Saidou Maïga qui avait appelé au boycott de la marche est aussi passé à la casserole des marcheurs.

Le gouverneur rassure

Après une trentaine de minutes de marche dans les rues de Dori, après des efforts consentis par les éléments chargés de la sécurité de la marche pour éviter tout débordement, les marcheurs arrivent aux encablures du gouvernorat du Sahel où un dispositif sécuritaire était mis en place pour parer à toute éventualité. Les marcheurs ont sont invités au calme, le temps que le gouverneur reçoive une délégation, conduite par Abdoulaye Dicko.
Face au gouverneur, Abdoulaye Dicko a indiqué qu’ils sont sortis ce samedi 12 juin 2021 pour dénoncer la situation sécurité dans laquelle est plongé le Burkina Faso, et la région du Sahel en particulier. Cette situation endeuille des populations et pour la délégation des marcheurs « le peuple Burkinabè ne saurait se résoudre à s’habituer à de telles tragédies ». Dans leur adresse, le président du Faso est interpellé pour mettre définitivement les populations « à l’abri de ces scènes d’horreur de personnes égorgées, de populations massacrées, déchiquetées par des balles de fusils d’assaut ou d’engins explosifs. » Il a également été interpellé pour mettre un terme « à ces scènes humiliantes de déplacements massifs de femmes, d’enfants et de vieillards tétanisés par l’horreur des tueries et par la peur et fuyant vers des zones où hélas, la sécurité et la sécurisation demeurent tout aussi précaires. »
Ils ont aussi indiqué que les populations « restent et resteront debout, dans un esprit de résilience, rejetant toute résignation et tout fatalisme. » Ils ont par ailleurs joint à leur adresse une copie de leur plateforme citoyenne minimale pour traitement.
Le message a été lu et transmis au Gouverneur de la région du Sahel, le Colonel-major Salfo Kaboré qui a accusé réception et a donné l’assurance que le message sera transmis à qui de droit. Sans un mot de plus, il a souhaité bon retour à ses hôtes avant de regagner sa résidence.
Le gouverneur parti, la délégation conduite par Abdoulaye Dicko rejoint les milliers de marcheurs à qui un point est fait. Il a rassuré ses camardes qu’un suivi rigoureux sera fait sur le contenu de leur adresse aux autorités nationales et locales et qu’ensemble ainsi que les perspectives qui pourraient être envisagées.

Cheick Traoré, Envoyé spécial à Dori
Kaceto.net