Après les ministres du dernier gouvernement du président Roch Kaboré, les organisations de la société civile, les syndicats, les opérateurs économiques et les hommes d’affaires, le chef de l’Etat, Paul Henri Sandaogo Damiba a rencontré hier matin 19 février dans la salle polyvalente de la présidence, les dirigeants des organisations professionnelles des médias ainsi que les patrons des médias publics et privés.
Objectif, échanger avec les professionnels de l’information et le communication sur les motifs qui ont conduit à l’avènement du MPSR, le besoin des nouvelles autorités de bénéficier d’un accompagnement "sincère et vrai" et bien entendu les préoccupations des des professionnels des médias.

Une heure et vingt deux minutes (1h22mn). C’est le temps qu’a durée la rencontre hier matin 19 février entre le président du Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba et les organisations professionnelles des médias burkinabè.
Dans un mot introductif, le chef de l’Etat a salué le professionnalisme des médias dans la relation des évènements du 23 et 24 janvier 2022. Il a rappelé le contexte dans lequel le coup d’Etat est intervenu, à savoir la dégradation de la situation sécuritaire. "Si rien n’avait été fait, le pays aurait sombrer dans le chaos, d’où l’action du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR)" a expliqué Paul Henri Sandaogo Damiba, ajoutant qu’il y avait sans doute d’autres moyens d’agir pour redresser la situation, mais que lui et ses camarades ont choisi de prendre le pouvoir.
Il a révélé que pendant les opérations menées pour la prise du pouvoir, il y a eu quatre (4) blessés et d’autres personnes qui ont été touchées par balles perdues notamment à Gounghin, Cisin. Un jeune homme de 12 ans est mort près de l’INJEPS, ainsi qu’un apprenti qui a succombé à ses blessures à l’abdomen alors qu’on tentait de l’opérer.
Des mesures ont été prises pour contacter les familles des victimes et les accompagner dans ces moments douloureux.
"En dehors du président Roch Kaboré qui est toujours en résidence surveillée, aucune autre autre personne n’est encore entre nos mains", a indiqué Damiba.
Face aux professionnels des médias, le président du MPSR a rappelé les objectifs poursuivis : permettre, à la fin de la transition, au pays de se remettre sur le bon chemin et recouvrer l’intégrité du territoire.
Le MPSR, faut-il le rappeler, est l’organe central d’orientation politique, économique, culturel et social du Burkina. Bientôt une charte sera adoptée ainsi que d’autres organes chargés de gérer la Transition.
Dans l’acte fondamental publié le 31 janvier, la liberté de presse et d’expression y est garantie et le MPSR n’entend pas faire marche en arrière sur ce point. D’autant qu’il souhaite un accompagnement "sincère et vrai" des médias durant cette période de notre histoire. "On ne cherche pas que vous nous fassiez des louanges et des acclamations, mais que vous donniez une bonne information de ce qui se passe", a plaidé le chef de l’Etat, avant d’ajouter : " Ce qui est critiquable doit l’être, mais il faut éviter les connexions malsaines et d’être les relais d’intoxication et de propagande sans un but qui est contraire à celui visé par le MPSR". Pour lui, le rôle de la presse est de contrer la désinformation, à commencer par les Fake News.
Il a promis que le soutien public à la presse privée sera maintenu et pourquoi pas être amélioré et dit qu’il resterait à l’écoute des préoccupations des médias qui doivent jouer une rôle fondamental dans l’atteinte des objectifs que le MPSR s’est fixés.

Il a également décliné la vision que les nouvelles autorités issues du coup d’Etat du 24 janvier ont du pays. Les consultations avec les forces vives du pays visent à permettre de voir plus clair et à établir une pertinente feuille de route pour la sauvegarde et la refondation de la nation burkinabè.
Il a terminé son mot introductif en demandant aux professionnels des médias de s’impliquer dans le travail de la commission technique pour qu’ensemble, "l’espoir suscité par le MPSR soit une réalité perceptible".
Dès l’entame de la rencontre, le président Damiba avait prévenu : "Ce n’est ni une interview, ni une conférence de presse", mais la parole a néanmoins été donnée à l’assistance pour poser des questions, faire des suggestions ou exprimer des préoccupations qui sont spécifiques aux médias. "La situation sécuritaire est toujours préoccupante et la route de Djibo est baptisée "route de la mort". Or, tous les moyens avaient été donnés à l’armée, mais pourquoi ça n’a pas marché" s’est interrogée Aminata Ouédraogo de l’Association des retraités de l’information et la communication. Elle a prévenu le président Damiba que les journalistes ont l’obligation de dire la vérité et que le MPSR devrait souffrir de la critique qui sera faite de son action.
Prenant la parole, le DG de la RTB, Pascal Thiombiano a informé le président du manque de moyens logistiques et de fréquences pour un maillage du territoire national, ainsi que le besoin de relever le niveau du plateau technique. Il a aussi indiqué que les travaux de construction du siège de la RTB ne dépassent guère 36% de taux de réalisation depuis 2018.
Quant à Issouf Saré, président de l’Union burkinabè des éditeurs privés de services de télévision (UBESTV) et par ailleurs directeur général de BF1, il a plaidé pour que l’Etat prenne en charge les frais de fonctionnement de la Société burkinabè de télédiffusion (SBT), ce qui soulagerait les télévisions privées de devoir payer 88 millions de F CFA pour bénéficier du bouquet de la TNT.
Pour Cyriaque Paré de Lefaso.net, il est plus qu’urgent de revoir le régime fiscal appliqué aux entreprises de presse qui sont mises dans le le même sac que les boulangeries. Il aussi rappelé que des factures restent encore impayées et que cela nuit gravement à la santé des entreprises de presse déjà fragile. Sur les autres préoccupations, il a indiqué qu’elles sont consignées dans un document qui avait été élaboré dans la perspective de la rencontre avec le président Kaboré en octobre 2021.
"Qui sont les membres du MPSR ?" a interrogé Boureima Ouédraogo, président de la Société des éditeurs de la presse privée, pendant que Fidèle Tamni, DG de la SBT regrette le faible niveau des subventions versées à la Société. Elles couvrent environ 1/3 des charges et si rien n’est fait, la Sonabel risque de couper le courant pour factures impayées, a t-il prévenu.
L’accès aux sources d’informations dans le contexte actuel a été également évoqué par les participants qui ne souhaitent pas que leurs médias servent juste de support de publication des communiqués officiels du MPSR.
La polémique née de la présence du webactiviste Ibrahim Maïga s’est invitée dans les échanges. "En tant que journaliste, je me suis senti humilié de voir qu’un activiste ait pu pendant des mois publier des informations de première main au point où notre crédibilité et notre compétence ont pris un coup dans l’opinion publique", a lancé un confrère avant de poser cette question qui brûlait les lèvres depuis plusieurs jours : "Ibrahim Maïga est-il membre du MPSR ?". Inquiet par les mises en garde lancées par le président du MPSR dans ses discours, un autre confrère a voulu se rassurer. "A qui s’adressent ces mises en garde ?" Aux journalistes dont le métier est de dire des choses qui ne plaisent pas toujours" ?
Reprenant la parole, le président Damiba n’a esquivé aucune question. Il est conscient que la situation sécuritaire est toujours préoccupante, mais que ce soit au Nord ou à l’Est, elle ne l’est pas plus qu’avant. En rencontrant les organisations professionnelles des médias, le président Damiba dit souhaiter passer le message suivant : on ne vous demandent pas de nous faire des cadeaux, mais sachez que tous ceux qui sont aux affaires ont le souci de bien faire et les médias doivent s’inscrire dans cette vision. Un point focal sera d’ailleurs créé pour faciliter le travail des journalistes qui souhaitent avoir des informations.
Il a indiqué que lors des opérations qui ont abouti au coup d’Etat, le président Kaboré n’était pas été visé. Il a révélé que le bilan dressé par ses services après le changement de régime fait état de deux (2) décès par balles perdues : un jeune de 12 ans et un apprenti qui a pris une balle dans l’abdomen et qui a succombé à ses blessures alors que les médecins l’opéraient.

Quant à l’activiste Ibrahim Maïga, il estime que la polémique autour de lui est sans objet car dit-il, "il n’est pas de notre mouvement". Sur les mises en garde, elles s’adressent à tous, y compris les militaires.

Joachim Vokouma
Kaceto.net