Cet écrit s’adresse à ceux qui sont calés à Ouagadougou et qui savent tout sur tout mieux que tout le monde et qui ont le verbe plus haut que tout le monde et qui croient sincèrement détenir la vérité à eux tout seuls et par conséquent ont le droit d’emmerder tout le monde avec leur radicalisme bon marché.

Dans un village en zone rouge, la population est véritablement prise en otage. Tu ne salues pas les barbus parce que tu les aimes. Tu n’obéis pas aux barbus parce que tu soutiens leur cause. Ils savent mériter leur dénomination de groupe. Ils sèment la terreur.

Nos soldats arrivent. La population du village est soulagée, mais elle se garde de le manifester. Pourquoi ? Qui peut nous dire pourquoi ? Hé bien, parce que nos soldats viennent, et se retirent. Celui qui a crié trop fort sa joie et son soutien aux FDS sait que les barbus vont revenir.

On ne réussit pas toujours ce qu’on entreprend. Avant la création des VDP, les soldats marchaient au milieu d’une population muette. Les gens des villages ne savent pas si les soldats vont repartir ou pas. Les soldats ne savent pas distinguer qui est un terroriste et qui est un vrai civil. Reconnaissez que ce n’est pas une situation facile.

Les soldats doivent affronter des civils en arme. Pour distinguer l’ennemi, il faut qu’il sorte son arme. Tout le monde voit qu’à ce jeu, l’ennemi à l’avantage, parce que c’est lui qui a l’initiative de l’engagement. Fermez les yeux et imaginez ! Le soldat est en territoire inconnu. Ce n’est pas son village. Il lui est impossible de savoir qui le combat parmi tous ces gens. Donc, il doit attendre qu’on lui tire dessus avant de riposter. Ouvrez les yeux ! Qui ne comprend pas la situation ?

L’armée vient et est décidée à en découdre ce coup-ci. Il y a plusieurs pièges qui attendent les soldats.

Il y a des blessés ou des victimes côté barbus. Il suffit aux survivants de dissimuler leurs armes et de dire que l’armée a neutralisé des civils innocents. Qui d’entre nous peut dire comment se tirer d’un piège aussi tordu ?

Dans l’engagement, la troupe n’en peut plus et décide de faire place nette. C’est là où il y a le deuxième piège. La population se retrouve entre deux feux. L’armée, elle vient de Ouagadougou et personne dans le village ne comprend ses manières. Les barbus, on les connaît. Entre l’ennemi venu de loin et l’ennemi de proximité, la tentation est grande de consommer local. Les barbus exploitent cette colère des villageois, et recrutent.

On vous accuse d’exactions et de crimes de guerre. Là, vous êtes méchamment piégés. Si vous avez négligé la communication dans vos préparatifs, vous êtes mal. Moi, avec ma petite expérience, je crois que la meilleure solution est de demander et d’accueillir une enquête internationale.

Il ne s’agit pas de manifester bruyamment un nationalisme irréfléchi. Il s’agit de la jouer fine. L’adversaire est malin. Il faut être plus malin que lui. Accueillir cette enquête dit aux yeux de tous que vous ne craignez pas la manifestation de la vérité. Ça, c’est un premier point. L’enquête dira que vous êtes innocent de ce dont on vous accusé. Là, c’est une grande victoire. Un vrai atout-dix.

Il y a des bénéfices annexes. Puisque vous avez la délégation sous la main, et qu’ils sont directement sur le terrain, l’occasion est belle pour leur expliquer la complexité de la situation. Eux-mêmes, ils verront de leurs propres yeux que ce sont des civils en arme qui nous combattent.

Le dernier point est important lui aussi. La population des villages pourra comprendre ce qui se joue. Une population informée sait maintenant quels sont les vrais enjeux. Pour des soldats en marche, le bénéfice n’est pas mince.

Il y a bien d’autres choses, que vous me permettrez de ne pas divulguer ici. Tous les Burkinabè, du premier au dernier, nous souhaitons tous la paix. Et nous savons tous que cette paix ne peut venir que d’une victoire de nos soldats.

Alors, les donneurs de leçons qui sont bien calés au maquis devant bière et poulets avec la main sur l’épaule de la copine et qui jouent aux durs, arrêtez pour vous là ! Vous n’aimez pas ce pays plus que quelqu’un.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain