Proparco est à l’Agence française de développement (AFD) ce que la Société financière internationale est à la Banque mondiale : une institution financière dédiée au soutien et à l’accompagnement des entreprises privées dans les pays en développement et émergents.
Peu connu du grand public burkinabè, Proparco est pourtant un acteur de taille dans le financement des Petites et moyennes entreprises. Mais les choses commencent à changer depuis l’arrivée en février 2021 de Michael Tapsoba en tant que chargé d’affaires de l’antenne Burkina.
Après ses études à Clermont-Ferrand en France et dans l’Iowa aux USA, il a regagné le pays en 2013 et a travaillé successivement à Bank Of Africa, Coris Bank International et la Société générale de banque Burkina.
C’est donc un cadre de banque très au fait des mécanismes de soutien aux activités économiques qui a la responsabilité de faire jouer à Proparco sa partition dans le développement des entreprises privées burkinabè.

Quels sont les missions et les objectifs de Proparco

Dans le tour de table, l’Agence française de développement (AFD) représente 80%, mais avons des entreprises privées et Institutions financières françaises, et également d’autres Institutions financières internationales telles l’Aga Khan Fund for Economic Development (AKFED) et la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD).
Proparco existe depuis plus de quarante (40) ans et est présent dans 115 pays avec 13 directions régionales et 10 antennes locales dont celle du Burkina. Je suis le représentant en charge du Burkina et dépend de la direction régionale Afrique de l’Ouest qui est basée à Abidjan.
L’objectif de Proparco est de soutenir le secteur privé dans l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). Proparco finance des sociétés dont l’activité participe à la création d’emplois et de revenus décents, à la fourniture de biens et de services essentiels, ainsi qu’à la lutte contre le changement climatique.
Notre cible principale, ce sont les Petite et moyennes entreprises (PME) parce que ce sont elles qui tirent la croissance dans un pays.

Nous finançons notamment les banques et les institutions de microfinance en leur accordant des ressources longues afin qu’elles puissent à leur tour favoriser l’accès au financement des TPE et PME Burkinabès. Le dernier financement qui sera bientôt signé, est avec une institution de microfinance de la place pour un montant de trois (3 millions d’euros), soit 1,965 milliard de F CFA sur quatre (4) ans.
En plus du financement, nous apportons également de l’accompagnement technique permettant par exemple aux institutions micro-finance d’aller vers la digitalisation, et à mieux adapter leurs produits aux bénéficiaires finaux.
Nous avons également réalisé un financement de dette subordonnée de 25 millions d’euros (soit 16,375 milliards de F CFA) à la Société Générale du Burkina Faso pour une maturité de 10 ans. Ces ressources permettent à la banque de renforcer ses fonds propres afin de continuer à soutenir le tissu des PME.

Nous avons également une activité de prises de participations dans des entreprises pour les accompagner à mieux se structurer. Cette activité est réalisée au Burkina Faso notamment à travers le fonds d’investissement à impacts Sinergi Burkina Faso dans lequel nous sommes contributeur via le fonds Investisseurs et Partenaires (I&P). Grâce à ces fonds, les TPE et PME Burkinabès peuvent avoir accès à des solutions de financements adaptées à leurs besoins.
Avec notre soutien, l’entreprise BIOBAG qui fabrique des sacs biodégradables a bénéficié de 46 000 euros (30 millions de F CFA) de la Société Générale pour s’équiper et moderniser sa production. En 2020, nous avons soutenu 100 entreprises, 800 micro-entrepreneurs et permis de créer et maintenir 33 000 emplois directs et indirects.

En plus de l’inclusion financière, notre objectif est d’avoir un impact dans le secteur de l’énergie où nous accompagnons déjà la construction de deux centrales solaires à Dédougou et à Tenkodogo. Il s’agit de favoriser l’accès à l’électricité grâce à une énergie fiable et sobre en carbone. Nous ne finançons pas directement les Etats, mais travaillons exclusivement avec le secteur privé. Des sociétés privées internationales, ou Producteurs Indépendants d’Electricité (PIE) ont répondu à un appel d’offre de l’Etat en 2018 pour la construction, l’exploitation et la vente de l’énergie dans le cadre des Partenariats Publics Privés (PPP). Ce sont ces sociétés qui bénéficient de notre financement. Nous sommes aussi intéressés par les projets d’infrastructures confiés à des privés par des mécanismes de PPP.

L’autre volet très important sur lequel nous agissons porte sur l’agriculture. Nous avons entrepris depuis trois ans des travaux afin de toucher directement les PME agricoles et transformateurs à travers la structuration de filières. Cette initiative est menée en partenariat avec la Société Financière Internationale avec pour objectif de faire émerger des entreprises agricoles plus structurantes pour leurs filières, et à même de créer de l’emploi et dynamiser l’activité et accroitre les revenus des petits producteurs. L’objectif de cette démarche est de lever les obstacles sur la filière et permettre à des entreprises de parvenir à des standards plus élevées, afin de bénéficier de financement plus importants. Nous voulons inciter les Institutions financières à aller dans des secteurs où elles ne vont pas naturellement car le secteur agricole est considéré comme étant trop risqué et ne bénéficie donc pas des financements appropriés.
La pertinence de notre positionnement réside dans le fait de pouvoir soutenir en amont des acteurs tels que les banques et les institutions de microfinance dont le rôle est de financer les TPE, PME avec de faibles montants.
Nous sommes en cours de finaliser d’un partenariat avec un établissement bancaire de la place, pour la mise en place d’ une ligne de financement Trade finance qui lui permettrait de dynamiser le volume de ses opérations de commerce international à hauteur de 30 millions d’euros (19,650 milliards de F CFA). Ce qu’il faut savoir, c’est que dans le commerce international, les Institutions financières s’appuient sur un réseau de correspondants bancaires à l’étranger qui permettent de faciliter les transactions entre acheteurs et vendeurs. Ces banques correspondantes sont très regardantes sur la solidité financière, le risque pays et donc la notation de la banque qui initie ces opérations de commerce international. La notation de Proparco via l’AFD permet de couvrir une banque bien connue en local mais peu référencée au plan international. Nous la couvrons pour lui permettre de bénéficier de correspondants bancaires étrangers et faciliter les opérations de ses clients à des coûts raisonnables.


Quel est le contenu de votre portefeuille actuellement au Burkina ?

Nous avons placé des prêts auprès de certains Etablissements bancaires de la place, et sommes en prospection auprès d’autres. Notre dispositif d’accompagnement prévoit également des lignes de garanties en couverture à 50%, des engagements pris par la banque sur les PME et Institutions de microfinance.
L’antenne Proparco Burkina existe seulement depuis février 2021 car au paravent le Burkina était suivi depuis le Bureau Régional de Proparco basé à Abidjan. Cette proximité trouvée à travers la création de l’antenne locale permet de bousculer le marché.
Proparco a une stratégie Sahel parce que nous nous sommes rendus compte que les pays du Sahel ont des problématiques similaires et font face à des enjeux induits par la crise sécuritaire. Ils ont besoin de mettre en place un filet sécuritaire et social qui permet d’arrêter l’avancée du terrorisme et nous y contribuons à notre manière en ayant un impact sur le secteur privé en général, et l’agriculture plus particulièrement à travers la démarche de structuration des filières agricoles.
Sur la filière maïs par exemple, nous allons bientôt déployer un programme de structuration qui va consister au soutien des différents acteurs de la filière sous forme de subvention et d’inclusion financière. Nous avons également soutenu le Groupe COFINA pour la mise en place d’un desk agricole et la définition de sa stratégie de financement de chaînes de valeur agricole au sein de ses filiales du Burkina, du Mali, du Sénégal et de la Guinée.

Proparco prend t-il en compte la dimension Genre dans le soutien aux entreprises ?

La dimension Genre est un paramètre important dans nos projets de financements mise en œuvre. Il en est de même des questions environnementales, sociales, et d’accès à l’emploi des jeunes.
De manière indirecte, notre structure a une dimension Genre et nous finançons des actions au profit des femmes et des jeunes. Nous intervenons en prenant en compte trois paramètres : l’environnement avec la question des sols, la sécurité s’agissant des conflits agriculteurs/éleveurs qui est la première cause de conflits dans notre pays, et enfin, l’appui aux jeunes et les femmes qui sont les plus exclues.
L’important pour nous est d’intervenir en amont et de faire régulièrement le point pour voir l’impact de nos actions sur la structuration de la filière, la création d’emplois pérennes et durables et l’amélioration des conditions de vie des acteurs sur la filière. Le secteur privé burkinabè devient de plus en plus mature et nos modes d’intervention doivent s’adapter à ce contexte évolutif.. Dans le secteur bancaire par exemple, il y a une mutation qui s’opère actuellement avec des acteurs locaux et sous régionaux qui sont en train de prendre leur place et jouer leur rôle de financeurs du secteur, notre rôle est de les y encourager et de les accompagner sur l’accroissement des solutions de financements à la disposition des TPE et PME qui porte la croissance du pays.

Pendant longtemps, l’aide apportée par les pays occidentaux était liée.
On accompagne financièrement un pays à condition qu’il s’équipe dans le pays donateur. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Non, notre soutien se focalise sur le développement du secteur privé au Burkina Faso, et nous avons vocation à travailler avec l’ensemble des acteurs privés, tenant compte uniquement des exigences en termes de conformité, de standards environnementaux et sociaux, à l’image des autres institutions de financement du développement. Le challenge également est de pouvoir identifier une entreprise locale qualifiée et structurée, à même d’absorber nos tickets minimums de financement.
Le secteur privé prend de l’ampleur dans nos pays, et le soutien de ce secteur dans le cadre de la coopération internationale se présente comme un complément nécessaire au développement de nos pays.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net