Le monde entier célèbre aujourd’hui 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes. C’est en 1985, sous la révolution démocratique et populaire, qui avait fait de l’émancipation de la femme burkinabè son cheval de bataille, que cette Journée a été instituée puis déclarée chômée et payée.
La volonté politique affichée des autorités de l’époque conjuguée à l’activisme de femmes militantes ont permis d’engranger des acquis dans le combat pour l’épanouissement de la femme.
Reste que dans notre pays, comme ailleurs, l’autre moitié du ciel continue de subir les violences physiques et psychologiques dont les coupables ne sont autres que ceux qui prétendent les aimer. Une étude menée par des démographes et des organismes qui se consacrent à la santé sexuelle et reproductive révèlent l’ampleur de ce phénomène.

Dire que dans notre pays, des milliers de femmes subissent au quotidien, des violences de toutes sortes de la part de leur mari ou partenaire intime, c’est enfoncer des portes déjà largement ouvertes. Le phénomène, qui dure depuis la nuit des temps, a la peau dure et n’est pas prêt, hélas, de s’estomper.
Selon une étude sur les violences faites aux femmes publiée en septembre 2022 par Performance monitoring for Action (PMA), l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP), Johns Hopkins, Bill et Melinda Gates for population and reproductive Health et l’ONG Jhpiego, "58% des femmes mariées ou en union qui ont fait l’objet de violences par un autre membre de leurs ménages que leurs partenaires ont aussi subi des violences entre partenaires intimes (VPI) ».
Dans les détails, on apprend que « parmi les femmes mariées ou en union, 25,7% ont rapporté avoir subi des VPI en 2021 et 15,2% des
violences au sein de leurs ménages. Parmi celles qui ont subi
des violences au sein des ménages, 8,8% ont indiqué avoir subi
des VPI en même temps, révélant que 58% des femmes faisant
l’objet de violences perpétrées par un autre membre de leurs
ménages ». Autrement dit, les frères, sœurs, oncles et tanties du mari exercent aussi, en toute impunité, de la violence contre l’épouse ou la compagne de leur frère.

Ce qui est désespérant dans cette étude, c’est que les femmes victimes de violences sexuelles rechignent à rechercher de l’aide à la différence de celles victimes de violences physiques.
Et même lorsque, n’en pouvant plus, elles se décident à solliciter de l’aide, c’est vers des sources informelles qu’elles se tournent, notamment les amies, les voisines ou les membres de leurs familles.
« L’aide formelle », révèle l’étude, « qui comprend le corps médical, la police et les programmes d’aide aux survivantes de violences, est rare chez
les survivantes de VPI autant que de violences au sein des
ménages ».
Explications de Georges Guiella, professeur de démographie à l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP).
D’abord, le sujet de la violence conjugale est un tabou ; c’est une question de dignité et aucune femme ne veut rapporter les violences que lui inflige son mari ou son compagnon.
Ensuite, pour une femme, recourir à l’aider formelle, c’est comme si elle fermait toute possibilité de réconciliation avec son mari ou son compagnon.
Comment en effet, convoquer son partenaire dans un commissariat de police et revenir vivre paisiblement dans le foyer ? La très phallocrate société burkinabè réussit même l’exploit de faire la victime, le coupable. Elle ne comprend pas comment une simple claque administrée par un homme à sa femme peut lui valoir une audition dans un commissariat de police ou dans une structure sociale. « Une femme, c’est comme le tam-tam d’aisselle ; pour obtenir un bon son, il faut le presser et taper dessus », se justifie-t-on.

Véritables obstacles à l’épanouissement de la femme et sa contribution au développement économique et social du pays, les violences conjugales concernent toutes les couches sociales. On insulte, maltraite, bastonne aussi bien dans les couples non ou peu instruits que dans les couples instruits.
L’ironie dans cette affaire, c’est que les femmes instruites subissent plus de violences que les femmes non instruites. Le mâle abruti vit mal son complexe et pense retrouver la confiance en soi par la brutalité qu’il administre à sa femme.
Que faire face cette plaie sociale ? L’étude préconise des politiques préventives contre et les violences basées sur le genre dans les ménages, la
sensibilisation de la communauté sur les stratégies centrées sur la femme pour répondre à ces violences en aidant à leur divulgation sécurisée.
« Les services doivent minimiser le sentiment de honte et de culpabilité, qui peuvent tous deux dissuader les femmes de
parler de leurs expériences et de rechercher de l’aide », recommandant également les auteurs de l’étude, ainsi que
des « interventions pour aider les femmes à être plus en sécurité lorsqu’elles ne peuvent quitter leur relation ».

Joachim Vokouma
Kaceto.net