La dernière dénonciation de la convention fiscale de non double imposition entre le Burkina et la France continue de susciter des réactions. Si certains apprécient cette dénonciation comme traduisant une volonté du Burkina réparer un tort, d’autres expriment un avis nuancé sur la question.
Juriste et ancienne ministre déléguée dans le dernier gouvernement du président Roch Kaboré, Clarisse MERINDOL OUOBA considèrent qu’il est normal pour un Etat de relire des accords ou conventions dès lors leurs contenus ne répondent plus à ses intérêts, mais estime toutefois que sur le sujet, "l’information juste soit donnée au citoyen", car "l’induire en erreur pour on ne sait qu’elle raison est une injure à son intelligence !"

Il y’a des moments dans l’histoire des peuples, où chaque responsable ou
ancienne autorité devrait assumer les actes de manière conséquente et objective !
Car, seule la vérité est la voie du succès ! le mensonge dure le temps de la forfaiture
mais finit par sombrer et disparaitre, tout comme le soleil qui réapparait malgré les
longues nuits au pôle nord !
Il est étonnant de voir des sorties hasardeuses et opportunistes d’anciens hauts
responsables de l’Etat, surfant sur une certaine vague populiste, pour applaudir des
remises en cause d’accords et autres décisions auxquelles ils avaient pourtant apporté
leurs quitus sans aucune réticence !
Faisant fi de toute responsabilité collégiale, violant parfois le devoir de réserve,
certains s’épanchent sur la toile, croyant bénéficier d’une absolution de responsabilité
d’actes de prédécesseurs pour lesquels ils étaient des serviteurs de premier rang,
prêts à aller au front de la défense subjective, quand bien même le pourquoi il fallait le
faire était parfois dénué de bon sens !
Juste pour apporter des éléments de précisions sur la dynamique de
dénonciations d’accords ; de conventions bilatérales, à laquelle nous assistons depuis
un certain temps au Burkina Faso :
Il faut souligner d’entrée que la dénonciation ou la demande de revue d’un
accord de coopération relève de la pleine souveraineté de l’Etat burkinabè. C’est une
prérogative du gouvernement qui s’inscrit dans le sacro-saint principe du droit à
l’autodétermination des peuples, consacré par la Charte des Nations Unies. Pour
cause, un accord n’est qu’une entente entres des partenaires dans un ou plusieurs
domaines de coopérations, à un moment donné, afin de conforter et légaliser des
positions communes ou une vision partagée aux fins d’intérêts communs ! Signé sans
aval de la représentation nationale (accord en forme simplifiée) ou après soumission
à l’assemblée nationale (accord en forme solennelle) il tire ses fondements de deux
choses : LA VOLONTE LIBRE DES ETATS ET LES NORMES DE DROIT
INTERNATIONAL RELATIVES A LA CONCLUSION DES TRAITES
. Cela, en
empruntant à des exemples, donc à des précédents, afin de formuler au mieux les
dispositions.
Anciennes ou nouvelles, les conventions qui lient des Etats partenaires peuvent
relever de tous les domaines de la vie de ces entités : social, politique, culturel,
économique, diplomatique, militaire (lutte contre le terrorisme, coopération militaire,
questions économiques, fiscales etc.). Ces différents textes sont négociés par des
expertises réunies et désignées par chaque Etat. Apres validation, ces accords lient
ces Etats qui en deviennent « parties » et astreintes donc au respect des règles
consignées. PACTA SUND SERVANDA ! Locution latine qui affirme le principe
majeur selon lequel les traités et plus généralement les contrats, doivent être respectés
de bonne foi par les parties.
Les dispositions des accords prévoient également dans une large majorité, des
modalités de modifications, donc d’amendements ou de dénonciations, avec des
délais et des procédures. C’est dire que la dénonciation ou la demande de relecture,
d’un accord de coopération entre le Burkina Faso et un pays partenaire, peu importe
la date de signature ou l’autorité qui en est signataire, n’a rien de spécial ! Cela fait
partie des pratiques conventionnelles et heureusement ! car nul ne peut être ou rester
lié à un contrat qui ne lui convient pas ou plus, et qui ne répond pas ou plus à ses
intérêts !
Il est en revanche vrai qu’en fonction du partenaire partie à l’accord, la
dénonciation ou la demande de relecture de certaines dispositions peut apparaitre
comme un message politique du gouvernement, qui souhaite revoir ses axes de
coopération, ou mieux préserver les intérêts du pays. Un scoop ! diront certains, à fort
impact sur l’opinion, surtout dans une conjoncture comme celle que connait le Burkina
Faso.
Un axe de coopération doit être revu pour ajuster nos attentes, revoir nos
positions et faire les options idoines pour le développement du pays ! noble cause,
juste cause ! Mais cela ne doit pas nous faire oublier nos propres obligations et notre
responsabilité dans l’échec ou le succès dans la mise œuvre d’un accord.
Individuellement engagé certes, mais collectivement responsables !
Il faut donc que les parties assument leurs obligations respectives de bonne foi
et évaluent périodiquement les effets réels de l’exécution du contrat qui les lie. Toute
chose qui suppose l’inscription de chacune d’elle dans la dynamique du contrat
d’objectif. Savoir ce que l’on veut, définir clairement les objectifs attendus dans
l’exécution de l’accord, notifier les griefs au partenaire et échanger sur les divergences
et désaccords sans complexe et sans tabou.
Le principe de continuité de l’Etat impose le respect du consentement
préalablement donné par ses acteurs. Toute remise en cause bien que légitime, doit
s’inscrire dans la courtoisie et la réciprocité y relative. Aucune conjoncture politique ne
devrait servir de prétexte pour déformer les faits, surtout lorsqu’on n’a pas été empreint
de l’Esprit de la norme et que l’on n’a que juste pris au vol de l’histoire, que la LETTRE
de l’accord contesté.
Ne dit-on pas que « … c’est le terrain qui commande la manœuvre » ? Je ne
peux croire un seul instant que nos aînés, prédécesseurs et parfois les acteurs clés
de nos indépendances, aient fait prévaloir autre chose que l’intérêt suprême de la
Nation voltaïque et burkinabè plus tard, lors de négociations et signatures d’accords !
C’est juste que les temps changent et les attendes aussi. Normal que l’on veuille revoir
certaines choses ! Mais de grâce, que l’information juste soit donnée au citoyen !
L’induire en erreur pour on ne sait qu’elle raison est une injure à son intelligence !
Avant nous, des prédécesseurs ont négocié et signé les Accords qui lient le
Burkina Faso à de nombreux partenaires, après nous, d’autres le feront. Faisons-en
sorte que les nôtres soient juste les plus objectivement meilleurs !

Dr. Clarisse MERINDOL OUOBA
Juriste
Enseignante Chercheure à l’UFR/SJP
Université Thomas SANKARA