Un mois après le putsch au Niger, la France, sous pression de la junte, prépare en toute discrétion le retrait de ses troupes

Quel sort pour les troupes françaises au Niger ? La question mérite d’être posée alors que, lundi soir, le nouveau Premier ministre nigérien, nommé par la junte qui a pris le pouvoir le 26 juillet dernier, Ali Mahaman Lamine Zeine, a affirmé que des « échanges » étaient en cours avec les forces françaises stationnées dans le pays pour permettre leur départ « très rapidement ». Environ 1 500 soldats se trouvent actuellement dans le pays, principalement sur la « base aérienne projetée » (BAP) située près de l’aéroport de Niamey. « Des échanges sur le retrait de certains éléments militaires ont commencé », a finalement indiqué mercredi le ministère français des Armées, sans préciser quelles unités étaient concernées.

Des négociations en toute discrétion

Les généraux qui ont pris le pouvoir fin juillet au Niger par un coup d’État ont dénoncé le 3 août plusieurs accords de coopération militaire avec Paris. Depuis, les armées françaises n’appuient plus les militaires nigériens sur le terrain. Ainsi « la question du maintien de certaines de nos forces se pose », selon le ministère, en particulier les unités chargées de l’entretien du matériel inutilisé sur place depuis plus d’un mois, comme les drones, les hélicoptères ou les avions de chasse.

« Des échanges de coordination fonctionnelle existent localement entre militaires pour faciliter les mouvements de moyens militaires français immobilisés depuis la suspension de la coopération antiterroriste » après le coup d’État, avait indiqué plus tôt l’entourage du ministre, sans préciser la nature de ces « mouvements », leur ampleur ou leur déroulement.

Toutefois, le chef du gouvernement nigérien a tenu à assurer que son gouvernement espérait « si possible maintenir une coopération avec un pays avec qui on a partagé énormément de choses ».

La France, ancienne puissance coloniale, ne reconnaît pas les nouvelles autorités de Niamey et y maintient pour l’heure son ambassadeur, malgré les injonctions des nouvelles autorités ayant démis le président Mohamed Bazoum, qui exigent son départ.

Paris excluait par ailleurs jusqu’ici un retrait militaire du Niger, où 1 500 soldats et aviateurs sont déployés sur la base aérienne projetée de Niamey ainsi qu’à Ouallam et Ayorou, aux côtés des Nigériens, dans la zone dite des trois frontières entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, qui sert de sanctuaire aux djihadistes du groupe État islamique.

L’armée française prise au piège

Mais les armées semblent désormais rattrapées par le principe de réalité. Drones, avions de chasse et hélicoptères sont cloués au sol sur la base aérienne projetée de Niamey, tandis que les fantassins déployés avec leurs blindés sur les bases avancées d’Ouallam et Ayorou, censés en temps normal appuyer les opérations anti-djihadistes nigériennes, ne sortent plus sur le terrain.

« Le partenariat marchait » entre armées française et nigérienne, il était « dans l’intérêt » du Niger, mais « je ne crois pas que ce soit tenable, on ne peut pas fonctionner et mener des opérations militaires sans la coopération des pays hôtes », souligne à l’AFP Michael Shurkin, spécialiste américain du Sahel et des armées françaises.

En un mois, depuis l’arrivée de la junte au pouvoir, des attaques répétées dans la zone dite des trois frontières, entre Burkina Faso, Niger et Mali, ont fait des dizaines de morts militaires et civils.

À l’arrêt en raison du blocage politique entre Paris et Niamey, les moyens humains et matériels dédiés au contre-terrorisme pourraient bien être retirés du Niger, notamment via Cotonou au Bénin, direction la France, le Tchad voisin, qui accueille l’état-major des forces françaises au Sahel, ou encore vers d’autres théâtres où sévissent les djihadistes, comme le Moyen-Orient, selon des sources concordantes.

Aucun calendrier de redéploiement

Plus largement, la question de l’ampleur du retrait reste ouverte, s’accordent à dire des sources militaires et politiques françaises.

À Paris, on attend de voir si la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a condamné le coup d’État, imposé de lourdes sanctions au Niger et menacé d’intervenir militairement, parvient à obtenir des résultats.

Mais l’organisation ouest-africaine ne veut « pas répéter » au Niger « les expériences du Mali, de la Guinée et du Burkina », où des périodes de transition avaient été négociées avec les putschistes, a affirmé mercredi sur France 24 Abdel-Fatau Musah, commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité de la Cedeao, précisant toutefois que la priorité était à la « médiation ».

Deuxième facteur qui pousse la France à jouer la montre, explique-t-on à Paris : les dissensions entre les généraux nigériens auteurs du coup, qui pourraient entraîner un délitement du pouvoir militaire en place susceptible de dénouer la situation.

« Il y a sûrement des officiers nigériens qui connaissent très bien la valeur du partenariat et qui ne sont pas contents de ce qui se passe. On attend peut-être qu’ils agissent », suggère encore Michael Shurkin.

Survenue après les déconvenues militaires et diplomatiques françaises au Mali et au Burkina Faso, cette nouvelle crise au Niger risque en tout cas de laisser des traces à Paris et pourrait bien accélérer, voire amplifier, la réduction de voilure de la présence militaire enclenchée en Afrique de l’Ouest sur ordre de l’Élysée.

Le Point Afrique