La Commission européenne a proposé ce mercredi la création d’un certificat de filiation qui oblige tous les Etats à reconnaître les familles homoparentales. Les discussions promettent d’être ardues pour obtenir l’unanimité des Vingt-Sept.

« Si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans chaque pays ». En septembre 2020, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avançait déjà ce mantra devant les eurodéputés. Elle prend un peu plus corps ce mercredi : la Commission a annoncé qu’elle travaillait à la création d’un « certificat européen de filiation » pour protéger les enfants des familles homoparentales, confirmant une information du magazine Têtu.

Ce certificat obligerait chaque pays de l’Union européenne (UE) à reconnaître les droits de filiation déjà accordés dans un autre Etat membre. Les enfants ou leurs parents « pourraient demander ce certificat à l’État membre qui a établi la filiation et l’utiliser pour prouver leur relation dans tous les autres États membres », et « la filiation établie dans un État membre devrait être reconnue dans tous les autres sans procédure spéciale », souligne Bruxelles.

Au-delà de la libre circulation, le texte proposé permettrait aux enfants, où qu’ils se trouvent dans l’UE, « de bénéficier des droits qui découlent de la filiation dans des domaines tels que les successions, les obligations alimentaires, le droit de garde ou le droit des parents d’agir comme représentants légaux pour les questions scolaires ou médicales », précise la Commission dans un communiqué.

La Pologne et la Hongrie en ligne de mire

« Actuellement, les législations nationales varient selon les Etats membres », en particulier concernant les droits des familles homoparentales, « ce qui peut créer des obstacles juridiques obligeant parfois les familles à engager des procédures administratives voire judiciaires pour obtenir la reconnaissance de la filiation, procédures longues et coûteuses à l’issue incertaine », déplore l’exécutif européen. La proposition semble tout droit viser les pays membres extrêmement réticents sur les droits LGBT +, Hongrie et Pologne en tête.

La création d’un tel certificat fait aussi écho à l’histoire de la petite Sara, fille d’un couple lesbien née en Espagne en 2019. La Bulgarie avait refusé de délivrer un certificat de naissance à l’enfant - dont l’une des mères est bulgare - car le pays ne reconnaît pas les mariages homosexuels et le lien de filiation que cela pourrait créer. L’affaire avait été portée jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui avait finalement tranché en décembre 2021 en faveur des deux mères. La cour avait statué que si les Etats membres ne peuvent être contraints à reconnaître légalement les couples de même sexe et leur parentalité, ils doivent respecter les droits des couples et de leurs enfants en vertu du droit de l’UE. Même si cela implique reconnaître les familles homosexuelles. L’affaire de « Baby Sara », nom donné à l’arrêt de la CJUE, reste toutefois bloquée en Bulgarie en attendant un arrêt de la cour suprême.

La création du certificat de filiation risque donc de ne pas faire l’unanimité au sein des Vingt-Sept. Pour être adoptée, la proposition devra être discutée par les eurodéputés et validée par tous les Etats membres. « Nous ne voulons pas changer la compétence nationale, il ne s’agit pas de changer la façon de définir ce qui constitue une famille » ou « la définition de l’adoption », mais « de protéger les droits de l’enfant », a plaidé le commissaire à la Justice Didier Reynders. Si l’unanimité ne peut être obtenue, Bruxelles cherchera à « renforcer les coopérations » entre Etats, a-t-il ajouté.

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