Voilà déjà deux ans que la banque centrale de l’UEMOA a retiré ses avoirs du compte des opérations qui était logé dans le Trésor public français et leurs gestions n’est toujours pas rentable. En zone CEMAC, la BEAC continue de jouir des rendements garantis, mais tout bien mesuré, le résultat final semble à l’avantage de la BCEAO
Les résultats financiers de l’année 2022 des banques centrales de la CEMAC et l’UEMOA qui ont en commun l’utilisation du Franc CFA, fait ressortir que la reprise par les pays de l’Afrique de l’Ouest de la part des réserves de change qui étaient logées dans le compte des opérations auprès du Trésor public en France, ne leur est pas encore profitable. Les deux sous-régions ont pourtant accru l’encours de ces ressources sur la période analysée.
Pour ces ressources qui sont inscrites dans la catégorie du « portefeuille titres », la BCEAO a annoncé un résultat net négatif (-25,4 milliards de FCFA), contre un gain de 13,2 milliards de FCFA en 2021, qui était déjà en baisse comparé à celui de l’année précédente. Dans le même temps, les avoirs placés par la BEAC sur le compte des opérations du trésor public en France lui ont rapporté des revenus d’intérêt de l’ordre de 43 milliards de FCFA, en hausse de 246,7% par rapport à celui de la même période en 2021.
Un portefeuille titres peu rentable pour la BCEAO
Dans le cadre de la BCEAO, on note que, dans la gestion de ses réserves de change, elle a connu une baisse de 50% de ses avoirs dans les comptes des banques de correspondance, principalement en Europe, passant de 3800 milliards de FCFA à seulement 1942 milliards de FCFA. Les raisons de cette baisse ne sont pas évoquées.
Une hypothèse forte est que la banque centrale a voulu compenser ce recul en accordant des prêts supplémentaires de 2,3 milliards d’euros à des pays européens, pour des maturités majoritairement supérieures à 5 ans. Seulement, l’institution a investi une part importante de ces ressources sur des titres à coût amorti, qui les protège contre des risques immédiats de changement des taux d’intérêt, tout en générant des revenus. Le choix a eu un impact direct positif, puisque les revenus de cette catégorie de produits financiers ont rapporté 19 milliards de FCFA à la BCEAO, en hausse de 23% comparé à ceux de 2021. Mais le fait d’avoir presque désinvesti sur les titres évalués à la juste valeur, ont fait reculer les revenus de cette catégorie de produits de près de 9 milliards.
Avec des charges (non expliquées) sur le portefeuille titre qui ont augmenté de 236%, la marge nette de ces produits a été de seulement 11,7 milliards de FCFA, contre 26 milliards en 2021. Dans ce contexte, la BCEAO n’est pas parvenue à générer une marge nette positive sur ses placements d’autant que ses pertes latentes sur titres d’investissement sont restées stables à 47 milliards de FCFA.
Un compte des opérations dont la rentabilité s’est accrue pour la BEAC
La BEAC pour sa part n’a pas eu à subir le stress des placements. Ses avoirs dans le compte des opérations en France ont augmenté tout au long de l’année, passant de 4000 milliards de FCFA à la fin du premier semestre 2022, à 5500 milliards de FCFA à la fin de l’année. Dans le même temps, le niveau de rémunération de ce placement a continué de progresser.
Selon les accords de coopération monétaire avec la France, qui sont encore pleinement en vigueur dans cette sous-région, le compte des opérations paie un intérêt de 0,75%, lorsque les taux de la Banque Centrale Européenne sont inférieurs à ce dernier chiffre. Mais lorsque se produit l’inverse, le compte des opérations paie au moins 1%. Or, principalement sur les 3e et 4e trimestre 2022, les rendements moyens sur ce placement ont rapporté entre 1,4% et 2,48%, et ce sont aussi les périodes ou les réserves placées ont le plus augmenté.
« A compter du 21 décembre 2022, le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement est de 2,50 % et le taux de la facilité de prêt marginal de 2,75 % contre respectivement 0,00% et 0,25% en 2021. Ces deux taux rémunèrent respectivement le compte spécial de nivellement et le compte d’opérations », explique la Banque centrale commentant ces chiffres.
La BCEAO gagnante finale, avec de la flexibilité monétaire en plus
Au final, la BCEAO a été plus rentable que la BEAC, avec un bénéfice net de l’exercice de près de 126 milliards de FCFA (contre 114 milliards de FCFA pour sa jumelle). L’institution ouest africaine a tiré profit d’une hausse record du revenu des activités avec le Fonds Monétaire International, et surtout d’un marché monétaire intérieur plus dynamique et donc plus rentable que celui de la CEMAC. Aussi, même si les placements de certains avoirs en devises de la BCEAO tardent à générer des rendements nets positifs, cela peut encore être attribuable à une conjoncture très volatile sur les principaux marchés où sont investies ces ressources.
La BEAC peut profiter de rendements plus stables et plus élevés, mais elle perd au change en autonomie et en flexibilité.
Le débat sur la pertinence du franc CFA continue d’alimenter les discussions. L’UEMOA prouve qu’on peut conserver la garantie, en ayant plus de flexibilité sur la gestion des réserves de changes, et par conséquent plus d’autonomie. Mais jusqu’ici, le prix à payer s’accumule négativement.
En zone CEMAC, on en est encore à la réflexion et divers scénarios sont évoqués. Mais pour l’instant, la sous-région peut encore profiter de l’amélioration des taux sur la rémunération de ses dépôts, contre moins de flexibilité, et un contrôle toujours présent des autorités monétaires françaises.
ECOFIN
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