Les travailleurs ont commémoré hier 1er mai, la fête du travail en "hommage à tous les devanciers qui ont consenti des sacrifices énormes sur le terrain de la lutte syndicale, lutte dont nous, travailleurs du XXIe siècle, profitons encore des fruits".
A Ouagadougou, le 1er Mai a été marqué par un meeting d’Union d’action syndicale (UAS) tenu à la bourse du travail

Dans son programme de commémoration de la fête du 1er mai 2024, l’Union d’action syndicale (UAS) avait prévu une marche, la remise du cahier de doléances au ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale et enfin, un meeting à la bourse du travail. Elle s’est finalement contentée du meeting, le président de la délégation spéciale (PDS) de Ouagadougou, Maurice Konaté n’ayant pas donné un avis favorable à la marche, à la grande déception des syndicats. Le cahier de doléances sera remis plus tard, après concertations, ont indiqué les responsables syndicats, visiblement très agacés par la position du PDS.
C’est donc le meeting seul qui a constitué l’essentiel des activités des syndicats dans la capitale, une occasion qu’ils ont saisie pour s’exprimer sur la situation internationale, africaine, sous-régionale africaine et nationale.
Pour l’essentiel, on retiendra que le 1er mai de cette année est commémoré dans un contexte international "marqué par l’approfondissement de la crise du système capitaliste impérialiste" qui se "traduit sur le plan militaire par la multiplication des foyers de guerres autour des intérêts géostratégiques des puissances impérialistes", pendant qu’au plan politique, on note une "montée des partis et des idées d’extrême droite, voire fascistes" dans les pays occidentaux.
Pour l’UAS, la situation économique à l’échelle internationale n’est pas reluisante : destruction massive des forces productives, récession de la plupart des économies avec pour effets des suppressions d’emplois, remises en cause des acquis sociaux, bref le développement de la misère en contradiction avec la réalisation par les multinationales de superprofits.
Au plan continental, l’UAS déplore "le renforcement de la domination impérialiste du continent qui est de ce fait le théâtre des rivalités inter-impérialistes. Les récents propos tenus par le Général Lecointre, ancien chef d’Etat-major de la France traduisent bien la volonté de la France impérialiste de défendre ses intérêts par la guerre s’il le faut". Une perspective que refusent les peuples africains de plus en plus conscients des enjeux mondiaux et qui aspirent à des changements en leur faveur, même si dans le même temps, cette quête de changements "est dévoyée par des organisations militaires et civiles putschistes qui se proclament « panafricanistes » et « anti-impérialistes ». Pour preuves, à la place des anciennes puissances impérialistes sont apparues de nouvelles qui ne cachent pas leur volonté de profiter des richesses africaines, notamment la Russie, l’Inde, la Turquie, l’Iran, etc.

Analysant la situation sous-régionale, l’UAS considère que les régimes militaires qui se sont installés dans les trois pays du Sahel, Burkina, Mali et Niger "exploitent à fond le sentiment anti-impérialiste au niveau des populations sans véritablement remettre en cause l’exploitation et la domination impérialistes", en témoigne "l’option claire de se mettre sous la coupe de l’impérialisme russe jugé plus « accommodant ».

Au plan national, les syndicats dépeignent une situation "marquée par une dégradation notable de la situation sécuritaire, la remise en cause des libertés et la vie chère".
S’ils notent que des Personnes déplacées internes (PDI) ont été réinstallées dans certaines localités et des écoles ont été réouvertes, les syndicats considèrent que "la situation globale des zones à fort défi sécuritaire est plutôt inquiétante", d’autant que "des attaques terroristes suivies de déguerpissements des populations, les manifestations des populations de diverses localités pour réclamer la sécurité ou un ravitaillement en produits de première nécessité, l’impossibilité d’emprunter certains axes routiers, les nombreuses localités sous blocus sont des faits quasi quotidiens". Une situation qui rend un peu plus difficile le travail des journalistes qui n’ont plus la possibilité de vérifier certaines informations sur le terrain. Résultat, les Burkinabè sont livrés aux Fake news et à la désinformation alimentée en permanence par les réseaux sociaux.

L’UAS déplore le refus du pouvoir en place d’exécuter les décisions de justice (cas du dossier Anselme KAMBOU) y compris "celles qui font suite à un appel formulé par l’Agent Judiciaire de l’Etat" (dossier Guy Hervé KAM). Les organisations syndicales dénoncent les menaces dont elles sont l’objet depuis des mois, à l’image de celles proférées contre elles fin octobre 2023 lorsqu’elles avaient programmé une manifestation pour célébrer l’anniversaire de l’insurrection populaire de 2014. A l’époque, on s’en souvient, des Burkinabè se réclamant des soutiens du MPSR2 avaient brandi des machettes, promettant de punir ceux qui répondraient à l’appel des organisateurs.
L’UAS est revenue dans sa déclaration sur la tentative d’enlèvement fin janvier 2024 dont a échappé le secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Moussa Diallo, par ailleurs enseignant-chercheur en Philosophie à l’université de Manga, puis son licenciement le 25 avril en conseil des ministres pour abandon de poste. "Il s’agit là d’un véritable acharnement contre un responsable syndical que nous dénonçons et condamnons énergiquement", écrit l’UAS.
La gouvernance économique par le pourvoir en place n’est pas non plus appréciée par les syndicats. Ils n’y voient qu’une "gestion des deniers publics qui fait courir le risque de fins de mois sans salaire aux agents publics de l’Etat, un abus dans l’octroi des marchés gré à gré, des nominations qui ignorent désormais le principe d’appel à candidature pour la désignation des directeurs généraux et autres présidents d’institutions (en totale contradiction avec la loi N°002-2023/ALT sur le renforcement de la neutralité politique et de la méritocratie dans l’administration publique ), des recours répétés et abusifs aux ressources des caisses de prévoyance sociale que sont la CNSS et la CARFO."
En tant que partenaires sociaux du gouvernement, les syndicats font le diagnostique selon lequel, le dialogue social n’est pas au beau fixe, insistant sur le fait que "la rencontre Gouvernement/Syndicats ne s’est pas tenue depuis 2022, faute de réponse aux préoccupations soulevées par l’UAS. Laquelle, en dépit de tout, a affiché sa détermination à "toujours de jouer pleinement son rôle de défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs et de veille citoyenne".

Dominique Koné
Kaceto.net