D’après l’OIM, le Niger aurait bloqué plus de 95 200 migrants depuis 2016 grâce à sa loi criminalisant le trafic de migrants dans le pays. Quatre mois après le coup d’Etat qui a renversé Mohamed Bazoum, le pays vient d’abroger cette loi.
Par la voix de sa commissaire aux Affaires intérieures, L’Union européenne a exprimé sa vive inquiétude, mardi 28 novembre, quant à l’abrogation par le Niger de sa loi criminalisant le trafic illicite de migrants.
« Je suis très préoccupée par la situation. Il y a un gros risque que cela cause de nouveaux décès dans le désert, c’est le point le plus préoccupant », a déclaré Ylva Johansson regrettant « vivement » cette décision prise par la junte dirigée par le général Abdourahamane Tiani.
Le décret promulgué par le gouvernement du Niger, le lundi 27 novembre, annule la loi n° 2015-36 du 26 mai 2015. Cette législation imposait des peines de trois à dix ans de prison et des amendes allant de 1 à 5 millions de francs CFA (plus de 8 000 euros) à toute personne facilitant l’entrée ou la sortie illégale de non-ressortissants ou de non-résidents permanents au Niger, contre paiement. Avec cette annulation, les condamnations précédentes et leurs effets sont également révoqués.
L’abrogation survient dans un contexte de tensions croissantes entre le Niger et l’Union européenne, consécutivement à l’arrivée au pouvoir de la junte militaire. Après l’adoption d’un cadre de sanctions par l’UE contre le nouveau régime, c’est désormais sur le terrain de la coopération migratoire que semble se poursuivre le bras de fer entre Niamey et Bruxelles.
Faut-il le rappeler, cette loi avait été soutenue par l’UE pour réduire l’immigration clandestine vers ses côtes. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Niger a bloqué plus de 95 200 migrants depuis son instauration, avec une diminution significative du nombre de migrants transitant par le pays.
En pleine résurgence de la question migratoire en Europe, avec l’Afrique fréquemment désignée comme une source majeure d’immigration, l’annulation de la loi de 2015 par le Niger pourrait exacerber cette perception. Pourtant, le continent ne représente que 14 % de la population migrante mondiale, contre 41% pour l’Asie et 24 % pour l’Europe, selon les données du Centre africain d’études stratégiques.
Le nouveau virage pris par le Niger n’est pas sans rappeler les évènements de mai 2021 au cours desquels 8 000 migrants, en provenance du Maroc, avaient franchi les frontières de l’enclave espagnole de Ceuta en moins de 24 heures. Une crise migratoire qui aurait eu pour origine une brouille diplomatique entre le Royaume chérifien et l’Espagne, à propos du Sahara occidental.
La junte nigérienne recourrait-elle à l’arme migratoire, même si elle affirme que la loi 2015 « a été votée sous l’influence de puissances étrangères » et « ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses concitoyens » ?
ECOFIN
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