Artisan potier, expert en formation aux métiers de la poterie céramique, en conception et entretien des fours à usages multiples, Frédéric Yerbanga était un véritable trésor humain vivant que la mort a brutalement arraché aux siens le 7 mars dernier.

Frédéric Yerbanga est brutalement décédé le 7 mars 2021, aux environs de 19 h30 mn, victime d’un accident de la route. Un violent choc contre un conducteur de tricycle lui a été fatal. Transporté aux urgences de l’hôpital de Ziniaré, il y décède en dépit des efforts des médecins urgentistes pour le réanimer. "En fait, c’était trop tard quand on est arrivé à l’hôpital ; on se doutait que seul un miracle pouvait le tirer d’affaire", raconte un parent qui s’est rendu rapidement sur les lieux de l’accident.
Frédéric Yerbanga avait 68 ans, était marié et père de huit (8) enfants (4 filles et 4 garçons).
Comme une traînée de poudre, la nouvelle s’est vite répandue dans le village de Guilongou, semant la consternation. D’autant que le défunt a été vu à plusieurs endroits, distillant sa bonne humeur comme à son habitude. "Dans la matinée, nous avons tenu une réunion de l’Association des anciens élèves de l’école catholique de Guilongou ; c’était la première réunion de l’année 2021 que nous avons souhaitée afin de nous présenter les vœux du nouvel an, nous rappeler de trois de nos membres décédés en 2020 et demander une messe à leur mémoire. En tant que trésorier, c’est Frédéric qui s’est occupé de faire les courses pour la préparation du repas qu’on a partagé ensemble. C’était sympathique et en début de soirée, j’ai repris la route de Ouaga", confie André Yerbanga, président de l’Association, dévasté par la disparition de son frère et ami.

Affable, toujours jovial, très courtois et viscéralement attaché à son village, Frédéric Yerbanga laisse derrière lui l’image d’un homme qui a consacré sa vie à la poterie, une activité traditionnelle naguère très pratiquée dans le village dès la fin des récoltes. Sa particularité est d’avoir modernisé la poterie céramique en y introduisant dès 1977, la cuisson à four cylindrique à la place de la cuisson traditionnelle qui était faite à fosse ouverte.
Fredo, comme on l’appelait dans le village, c’est aussi celui qui revendiquait sans complexe l’héritage culturel légué par les ancêtres. "Dramatique, une grosse perte pour la région du Plateau central, un génie de la poterie céramique, un artisan de talents, etc., autant de commentaires qui se multiplient sur la toile et dans les cabarets de Guilongou après sa disparition. Dans un communiqué publié le 11 mars, le ministre de la Culture, des arts et du tourisme a rappelé fort opportunément que le regretté avait été proclamé Trésor humain vivant (THV) par le président du Faso le 23 décembre 2015. L’avocat et hommes de Lettres, Maitre Pacéré Titinga, l’artiste musicien Zougnazagmda figurent entre autres, parmi les THV da la région.
Frédéric Yerbanga était connu, aussi bien au Burkina qu’à l’étranger, pour la maîtrise à la perfection de l’art de la poterie céramique. Il menait une activité qui était au croisement de l’économie et de la culture et son atelier recevait régulièrement des touristes nationaux et internationaux curieux de découvrir son savoir-faire dans le maniement de l’argile.

De sources familiales, l’artisan hors pair que pleure le Plateau central a bénéficié d’une formation de base sur l’utilisation du tour de potier avec le Dr Jacques Létard, ce qui lui a permis de construire en septembre 1982 son premier Four Céramique à flammes renversées, toujours opérationnel. Depuis lors, la production va gagner en qualité et en quantité, réalisant des abreuvoirs, des foyers améliorés à la demande du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) et de l’Association Bois de Feu (ABF).
C’est le début d’une riche carrière internationale en tant qu’expert en technique de poterie-céramique ( construction de fours, construction de tours, fabrication de foyer, des briquettes etc…), notamment au Niger, au Togo, au Ghana, en Guinée, au Tchad, au Cameroun et en France.

Que ce soit dans la construction des foyers massifs multi- marmite avec cheminée, la fabrication de prototypes de foyers mobiles pour les tests de laboratoire ou la mise en place de fourneaux améliorés contre la déperdition de la chaleur, Frédéric Yerbanga a toujours répondu présent aux sollicitations d’acteurs nationaux internationaux.

Méthodique et soucieux de transmettre son savoir à la jeune générations, il a depuis plusieurs années initié ses fils à la technique de la poterie céramique. "La relève est assurée. Nous savons parfaitement construire et entretenir des fours céramiques comme les fours à pizza pour les restaurateurs", confie un de ses fils qui était d’ailleurs présent à une exposition à Ouaga 2000 quand le drame s’est produit.
Si comme me dit l’adage, le rond est l’image du monde, tout récipient en poterie exprime bien l’envie d’attraper l’univers". Le destin de Frédéric Yerbanga s’est, pour ainsi dire, accompli. Dans la transcendance.

Joachim Vokouma
Kaceto.net