Monsieur Christophe Dabiré a livré le 20 mai 2021 son troisième discours sur la situation de la Nation burkinabè depuis qu’il est premier ministre (PM) du Burkina Faso sous la houlette de Monsieur Roch Marc Christian Kaboré, président du Faso. Je vous propose, dans ce qui suit, une courte analyse sur la forme des trois discours à la nation prononcés respectivement le 16 mai 2019, le 19 mai 2020 et le 20 mai 2021.

Les discours sur la situation de la nation du PM Dabiré sont construits sur un style narratif. C’est-à-dire que ce sont des discours qui racontent un récit (celui de l’état de la nation et de l’action de son gouvernement), à un moment donné, en un certain un lieu. Cela se voit par l’usage significatif des modalisations de temps (« au cours de », « dans le même temps », « aujourd’hui », « souvent », « parfois », « d’abord », « ensuite », « enfin », « déjà », « à ce jour » …), de lieu (« devant », « sous », « vis-à-vis », « dans le cadre de », « sur place », « vers », « ici », « face à », « face aux », « au niveau de », « ailleurs », …) et du connecteur d’addition (« et ») qui permet de faire des énumérations.
La mise en scène de ces discours sur la situation de la nation du PM Dabiré est dynamique grâce à un usage nettement marqué des verbes dits factifs ou verbes d’action (« verbes factifs » = 66,3% ; « verbes statifs ou verbes d’états » = 21,6% ; « verbes déclaratifs + verbes performatifs » = 12,2%). J’y reviendrai.
C’est connu, les hommes et les femmes politiques veulent avant tout apparaître comme engagés pleinement dans l’action. C’est peut-être encore plus vrai s’agissant des premiers ministres.
Notons que ces discours sur la situation de la nation du PM Dabiré sont fortement dramatisés par l’usage significatif des modalisations d’intensité (41,4%. Exemples de marqueurs d’intensité : « tout », « tous », « tous les », « particulièrement », « durement », « surtout », « trop fort », « très », « tant », « tout autant », « plusieurs », « pleinement », etc.).
Mais cette dramatisation se veut adossée à un monde du discours objectif, du moins objectivé par l’usage massif des adjectifs dits objectifs (42% : Exemples : « national », « local », « régional », « gouvernemental », « publique », « récurrent », « communautaire », « intercommunautaire », « premier », « dernier », « sanitaire », « technologique », etc.) et numériques (34,9%).
Les adjectifs dits subjectifs sont en revanche les moins sollicités (23,1%. Exemples : « honorable », « nombreux », « difficile », « radieux », « tranquille », « essentiel », « favorable », « légendaire », « prometteur », etc.).
Enfin, ces discours sur la situation de la nation du PM Dabiré sont marqués par la saillance des pronoms « JE » (et équivalents : « je », « j’ », « me », « moi », « m’ », « ma », « mon », « mes », « mien(s) », « mienne(s) ») et « NOUS » (et équivalents : « nous », « notre », « nos », « nôtre », « nôtres »). Toutefois, dans ce système « JE-NOUS », soulignons qu’ici le « NOUS » (67%) domine nettement le « JE » (33. Ce « NOUS » indique autant une identité supposée en amont (« Nous, Nation burkinabè, Nous peuple du Burkina Faso » qu’un acte de volonté d’identification et de totalisation politique autour de projets et programmes portés par le gouvernement Dabiré.
Comme il n’y a pas de « Nous » sans extérieur structurant (« Vous » et/ou « Eux »), il serait intéressant de questionner cet « extérieur structurant » du « Nous » dabiréen. Par ailleurs, pourquoi ce « Nous » ? Qu’est-ce qui gouverne ce choix dabiréen d’un intérêt et/ou d’un but communs ? A quelles conditions ce « Nous » peut-il renforcer le sens du « Commun », de « l’Un » des citoyens burkinabè, donner du poids à ces sentiments si essentiels dans la vie d’une nation ?
En analysant l’univers des verbes associés au « JE » et « NOUS » qui structurent les discours sur la situation de la Nation du PM Dabiré (voire la cartographie ci-jointe) on découvre que ces deux pronoms personnels ne jouent pas du tout les mêmes rôles. En effet, alors que le « JE » est un sujet du dire « déclaratif » et surtout « performatif » (JE est associé à « vouloir », « rappeler », « saluer », « inviter », « remercier », « se féliciter », « s’honorer », « dire », « citer », « exprimer », « appeler » …), l’univers verbal du « NOUS » est dominé par l’action, comme en témoignent les verbes factifs associés tels : « poursuivre », « réaliser », « faire », « renforcer », « améliorer », « accroître », « accélérer », « travailler », « accompagner », « mobiliser », etc. (Reste à savoir dans quels domaines se déroulent ces actions. Cela pourrait faire l’objet d’une prochaine publication). Mais, notons que ce « NOUS » est aussi un « NOUS » lesté des modalités du « devoir », du « pouvoir », de la possibilité (« permettre »).
Note : Le fait qu’ici le « JE » dabiréen soit plutôt préférentiellement associé aux verbes déclaratifs et performatifs et que le « NOUS » dabiréen soit, lui, plutôt préférentiellement associé aux verbes d’action (factifs) est vraisemblablement redevable à la situation particulière du discours sur la situation de la nation qui installerait un « contrat de communication » particulier.

Ousmane Sawadogo
Expert/Consultant Text Analytics & TM
Kaceto.net