La visite inopinée du ministre de la Santé au Centre Médical avec Antenne chirurgicale
de Réo et au Centre Hospitalier Régional de Koudougou le 11 juillet dernier, puis ses déclarations sur l’absence de médecins à leur poste passent mal chez les médecins de la région du centre-ouest. Dans le texte ci-contre, ils répondent à leur ministre de tutelle et le rappellent à l’ordre pour non respect de la confraternité.

Le dimanche 11 juillet 2021 entre 13h -14h, Monsieur le Ministre de la Santé au
décours d’une tournée où il a participé à la journée de redevabilité d’un député,
dit avoir effectué une visite inopinée au Centre Médical avec Antenne chirurgicale
de Réo et au Centre Hospitalier Régional de Koudougou. Visite à l’issue de
laquelle, il écrivait sur sa page Facebook, n’avoir pas vu de médecins dans les
couloirs de ces deux structures.
En outre, une vidéo postée sur les mêmes réseaux sociaux montrait Monsieur le
Ministre de la Santé qui jetait l’opprobre sur les médecins en les livrant à la
vindicte et les opposant aux paramédicaux en incitant ces derniers à la révolte.
Au niveau des structures de santé incriminées, des programmes d’activités des
médecins sont régulièrement établis et validés par leurs premiers responsables.
Ces derniers notamment le Directeur des Services Médicaux et Techniques
(DSMT) du CHR et le Médecin Chef du District (MCD) de Réo sont nommés
respectivement par le Directeur général du CHR et le Ministre de la Santé. Malgré
l’insuffisance criarde en ressources humaines de nos structures dans la région,
cette organisation arrive à répondre au mieux aux sollicitations courantes des
populations.
Mus par l’obligation administrative du respect de ces programmes validés et
signés après avis du comité de garde par le DSMT et le MCD, les médecins de
ces structures assurent quotidiennement leurs tâches, même au moment où le
ministre était de passage. Nous tenons à préciser que dans les programmes validés,
l’astreinte des médecins incriminés y figure et a été acceptée par l’administration.

L’astreinte dans la Fonction Publique Hospitalière selon les dispositions du
Décret N 2020 0152 /PRES/PM/MS/MFPTPS/MINEFID portant horaire et
organisation du travail dans la Fonction publique hospitalière, est définie comme
une période où l’agent qui n’est pas physiquement présent à son lieu de travail est
mis à la disposition permanente et immédiate de son administration et a
l’obligation d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au profit de
son service.
Monsieur le Ministre déclara que l’équipe de permanence du bloc opératoire de
Reo était absente, pourtant ce bloc était fermé pour manque d’autoclaves. Il
affirma derechef que les médecins de la maternité étaient absents ; or nous
apercevons le ministre sur une des photos postées sur sa page en compagnie d’un
médecin gynécologue du CHR dans le service de la maternité ; le médecin
d’astreinte étant également disponible à quelques encablures de l’hôpital. Dans le
service d’imagerie médicale, Monsieur le Ministre affirme n’avoir pas vu un
médecin, alors que le service ne dispose que de deux médecins radiologues pour
toute la région ; comment pouvaient-ils être là 24 heures sur 24 au CHR ? Le
service de chirurgie ne dispose que d’un seul spécialiste en chirurgie générale ;
devrait-il être présent 24 heures sur 24 au risque de déprimer et nuire aux patients
pour se retrouver en prison ? Au niveau des urgences médicales, comme le prévoit
le programme validé par l’administration du CHR, pour cette journée du
dimanche, deux médecins ont assuré la visite et l’accueil des patients de 7 h 30 à
12h30. Entre 12h30 et 18 heures, au moment du passage du ministre, le service
était assuré par un médecin d’astreinte et la garde a été assurée à partir de 18h par
un médecin généraliste.
Ces quatre exemples illustrent, si besoin en était encore que Monsieur le Ministre
n’a pas pris le temps de s’imprégner des réalités en ressources humaines et du
fonctionnement des hôpitaux avant de faire ses déclarations.
Les vrais problèmes auxquels notre système de santé doit s’attarder dans ce
contexte difficile où des médecins sont restés à Sèba pour prendre en charge les
victimes de la lâche barbarie de Solhan et ayant reçu les félicitations du Premier
Ministre dont nous saluons le sens élevé de la mesure, sont des problèmes
d’insuffisance en ressources humaines et matérielles puis d’organisation, ne
permettant pas aux agents d’offrir des soins de qualité aux populations.
Malgré ces insuffisances, les médecins en collaboration avec les pharmaciens, les
infirmiers, les sages-femmes et les autres agents de santé essaient de donner le
maximum d’eux-mêmes souvent en violation de l’article 5 du code de déontologie
des médecins qui dispose : « En aucun cas le médecin ne doit exercer sa
profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et
des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées ».
L’insuffisance de médecins et le manque d’équipement dans notre région,
notamment le scanner et l’appareil d’endoscopie non fonctionnel, pour ne citer
que cela, occasionnent des évacuations des patients vers d’autres structures hors
de la région. Situation à laquelle beaucoup de patients n’arrivent pas à faire face,
entraînant parfois un abandon des soins avec des conséquences désastreuses. Cette
situation n’intéresse vraisemblablement pas les autorités administratives locales
et régionales malgré les multiples interpellations du SYMEB régional
(mémorandum déposé depuis mai 2019). Du reste, des propositions pour pallier
le manque de ressources humaines médicales avaient été faites par les médecins
du CHR de Koudougou à l’administration. L’exemple le plus illustratif est la
proposition d’unification de toutes les urgences du CHR en un seul service
d’accueil, comme cela doit l’être, qui allait permettre de réduire le besoin en
personnel dans les multiples urgences et de rendre les médecins disponibles de
façon permanente. Dans ce cadre, un projet de construction avait même été
élaboré avec le plan architectural prêt ; malheureusement, ce projet n’a jamais vu
le jour (disponible à l’administration).
Au niveau du CMA de Réo, le bloc opératoire reste fermé depuis deux mois pour
une panne de l’autoclave.
Dans le même ordre d’idée, la problématique des carrières des agents de santé
reste en souffrance notamment dans la composante Agence de Gestion des Soins
de Santé Primaire (AGSP) dont les textes ont été adoptés en Conseil des ministres
le 15 mai 2019 et dont certains responsables ne sont pas encore nommés, et
beaucoup d’agents de santé n’ont toujours pas la rétribution liée à la garde après
plus de deux ans d’application de la FPH.
Nous saluons l’adoption d’une bonne partie des décrets d’application de la loi 057
portant Fonction publique hospitalière (FPH) ; cependant certains décrets ne sont
pas appliqués en raison de l’absence d’actes réglementaires(arrêtés et circulaires).
Il n’existe par exemple pas, de textes règlementaires sur la définition des postes
de garde dans les structures de santé comme l’exige le Décret N° 2020
0152/PRES/PM/MS/MFPTPS/MINEFID portant horaire et organisation du
travail dans la Fonction publique hospitalière. Cet acte règlementaire à la
signature des ministres aurait pu nous permettre de disposer du seul texte au
Burkina Faso organisant la garde et les postes de garde dans la FPH. Aussi, la
mise en œuvre du décret portant exonération des actes médicaux du personnel de
santé n’est toujours pas effective par défaut d’actes relevant de la prérogative du
Ministre de la Santé, notamment un registre et des carnets à la signature de
Monsieur le Ministre. L’arrêté portant fixation ; les seuils des charges de travail
et des modalités de gestion des charges supplémentaires des agents de la fonction
publique hospitalière qui aurait pu canaliser les agents de santé au sous-secteur
public n’est pas pris.
Malgré cet état de fait, les médecins prennent sur eux, en faisant d’énormes
sacrifices pour respecter leur sacerdoce. Au lieu de les y encourager, Monsieur le
Ministre, ancien Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM),
a tenu des propos qui vont à l’encontre de l’article 93 du Code de déontologie
médicale dont un extrait stipule : « Il est interdit de calomnier un confrère, de
médire de lui, ou de se faire l’écho de propos capables de le nuire dans l’exercice
de sa profession ». Le CNOM devrait d’ailleurs s’autosaisir de cette question et
entendre Monsieur le Ministre comme lui-même l’avait fait en s’autosaisissant
des publications dans la presse. En rappel, notre Ministre de la Santé au temps où
il était Président du CNOM, avait convoqué un ministre de la santé en exercice et
un ancien ministre de la santé pour des questions de confraternité dans la presse
en ligne et les réseaux sociaux. Nous encourageons Monsieur le Ministre à
poursuivre ses visites inopinées, tout en situant dans le fond les responsabilités
des acteurs.
Face à cette situation, nous, membre SYMEB du Centre-Ouest :
 Condamnons avec la dernière énergie les agissements de notre ministre et
confrère et lui rappelons ses devoirs de confraternité ;
 Réclamons l’arrêt du dénigrement des médecins et les velléités de
liquidation de notre outil de lutte constructif ;
 Demandons à monsieur le Ministre de mieux s’approprier les problèmes de
fond et de fédérer toutes les énergies pour résoudre les problèmes de nos
centres de santé, surtout dans un contexte difficile actuel, dont il faut faire
l’économie d’une crise sanitaire ;
 Appelons à un recrutement conséquent de médecins afin de médicaliser nos
hôpitaux. Par ailleurs, pour l’année académique 2021-2022, nous aurons
environ 1000 étudiants en fin de cycle pour les CHU de Ouaga ; nous
pensons qu’ils peuvent apporter un soutien aux centres régionaux qui seront
ainsi des sites de stage pour eux ;
 Demandons incessamment l’application des décrets pris en Conseil des
ministres et la signature des arrêtés ministériels qui vont permettre une
meilleure organisation de l’offre de soins dans nos hôpitaux ;
 Demandons au Conseil National de l’ordre des médecins de prendre ses
responsabilités face aux écarts de conduite de son ancien responsable ;
 Souhaitons l’unification des urgences au CHR de Koudougou et la
réhabilitation du bloc opératoire du CMA de Réo ;
 Réitérons notre demande de doter les structures de santé du Centre Ouest
et des autres régions en infrastructures et équipements ; à ce titre, nous
apportons notre soutien au plan d’Urgence Hospitalier et appelons les
partenaires du Burkina à s’y engager.
Nous restons convaincus que les problèmes de nos structures sanitaires et partant
du système de santé tout entier, ne trouveront de solutions, que par une large
concertation et une approche globale des problèmes. Les Médecins de la région
du centre Ouest restent disponibles et engagés pour dispenser des soins de qualité
aux populations de la région.
Soyons des médecins dignes et intègres !
Vive le médecin burkinabè !
Vive le SYMEB !

Pour le Bureau régional SYMEB du Centre-Ouest

Le Secrétaire General Régional SYMEB Centre-Ouest